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DOSSIER - Tour des vignobles : gagnants et perdants d'une récolte compliquée

GASCOGNE Prime à la fidélité

FLORENCE JACQUEMOUD - La vigne - n°260 - janvier 2014 - page 57

Producteurs Plaimont et CVG, les deux principaux producteurs de la région, espèrent que leur stratégie commerciale non spéculative résistera à la très forte baisse de récolte.

« Avec 35 % de raisin en moins en moyenne, nous avons réalisé notre plus petite récolte depuis 1991, année de gel historique, témoigne Olivier Bourdet-Pées, directeur général de Plaimont Producteurs. Heureusement, cette année très compliquée à piloter vient après une série de millésimes très généreux en qualité comme en quantité. »

En AOC rouge, l'entreprise a de quoi voir venir. « Nous avons des stocks qui vont nous permettre de lisser les ventes. En Saint-Mont, nous commençons à vendre le millésime 2012, et en Madiran, le 2011 », souligne Olivier Bourdet-Pées. En revanche, pour les IGP, les choses sont tout autres. « Le côtes-de-gascogne blanc ne supporte pas d'être stocké. Nous n'avons pas de réserve. Nos stocks sont historiquement bas. Nous subissons une baisse de la production de 25 à 30 % qui va vite nous mettre en difficulté, même si le millésime est excellent. »

Le colombard, de loin le plus cultivé par les vignerons Plaimont (2 000 ha), n'a produit que 75 hl/ha, contre 100 à 110 hl/ha habituellement. L'ugni blanc a moins souffert et a donné 80 à 85 hl/ha.

Le rouge souffre plus. « Nous estimons la récolte gersoise entre 1,1 et 1,2 million d'hectolitres, soit environ 35 % de moins que la moyenne décennale, laquelle est à 1,6 million d'hectolitres », confirme Alain Desprats, directeur du syndicat et de la section interprofessionnelle de l'IGP Côtes de Gascogne.

Pour l'essentiel, les vins du Gers sont revendiqués en IPG. « En 2012, il s'est vendu 810 000 hl d'IGP, dont 700 000 hl de Côtes de Gascogne, 100 000 hl de Comté tolosan et 10 000 hl de Gers, détaille Alain Desprats. Cette année, nous espérons que les producteurs privilégieront le marché de l'IGP plutôt que celui des sans IG, et que les volumes qu'ils feront certifier ne baisseront que de 15 %, pour atteindre 700 000 hl, toutes IGP confondues. C'est important pour ne pas perdre de clients. Nous savons que tous les conditionneurs resteront sur l'IGP et nous espérons que les vraqueurs feront de même. »

Fin décembre, les choses semblaient bien engagées. Les producteurs avaient revendiqué 300 000 hl en Côtes de Gascogne et 20 000 hl en Comté tolosan. C'est presque autant qu'en décembre 2012, alors que les vendanges étaient plus tardives.

« Mais le marché va être très tendu, poursuit Alain Desprats. Dès à présent, la question de la soudure avec le millésime 2014 se pose, car nous ne disposions que de quatre mois de stocks au 31 juillet 2013. C'est un niveau à peine moyen. Après cette petite récolte, les disponibilités ont rarement été aussi basses. »

La production d'IGP Côtes de Gascogne rouge est encore plus réduite que celle de blanc, car la coulure, le millerandage et des difficultés de maturité ont entraîné une chute de rendement de 70 % sur le merlot, de 10 à 15 % sur le tannat et de 15 à 20 % sur le cabernet. « Avec ces raisins, nous avons fait beaucoup de rosés, plutôt sympathiques », affirme Olivier Bourdet-Pées.

Des offres très généreuses. Bernard Balleton, courtier pour la SARL Papelorey & Fils, à Laressingle (Gers), regrette que « la qualité des rouges soit plutôt décevante. Comme les vignerons qui embouteillent en manquent, nous ne nous sommes pas positionnés sur le côtes-de-gascogne rouge cette année. Nous leur laissons les volumes. Notre entreprise vend généralement 200 000 hl tous produits confondus (vendanges fraîches, moûts et vins). Cette année, nous atteindrons tout juste 130 000 hl. En IGP blanc (Côtes de Gascogne, Gers et Comté tolosan), nous disposons de 21 000 hl au lieu de 30 000 hl. »

Cette situation de pénurie, alors que le côtes-de-gascogne a le vent en poupe, entraîne un risque de flambée des marchés. Quelques négociants opportunistes ont d'ailleurs fait des offres très généreuses pour acheter les récoltes. « Durant la première quinzaine de décembre, un chai entier s'est vendu à un prix irréel, de l'ordre de 100 €/hlpour l'IGP Colombard, en décalage complet avec le marché qui est à 85 €/hl, indique un opérateur. Cela crée une inflation assez importante et ne contribue pas à constituer une base de prix. »

Les producteurs Plaimont, qui vendent uniquement des AOC et des IGP en bouteilles, ont pour objectif de commercialiser 50 millions de cols à l'horizon 2020, contre 39,5 millions en 2012-2013. Ils vont privilégier les distributeurs en France et à l'export qui leur font confiance depuis longtemps. « Notre démarche s'inscrit dans la durée. Nous allons limiter la hausse des prix, même si la tendance est à la spéculation, ajoute Olivier Bourdet-Pées. Nous demandons à nos vignerons de nous accompagner dans cette démarche et à nos clients d'accepter une augmentation de 5 à 10 %. Mais nous n'allons pas appliquer 30 % de hausse parce que les volumes ont baissé d'autant. Il y a moins de dix ans, le marché était au plus mal et des distributeurs nous ont aidés. Aujourd'hui, nous leur renvoyons l'ascenseur. Ce n'est pas un à-coup climatique qui doit nous faire changer de stratégie commerciale. »

Même son de cloche chez Papelorey. « Nous conservons nos clients habituels, mais nous diminuerons leur part en fonction de nos disponibilités », précise Bernard Balleton.

« Créer une nouvelle relation avec le client. » Spécialisée dans la commercialisation de vins en vrac, la société CVG (Caves et vignobles gersois), qui regroupe les vignerons de Gerland et la coopérative Vivadour, est également touchée par la baisse des volumes. Cette année, elle devrait disposer de 84 500 hl, contre 130 000 hl en 2012-2013.

« L'année dernière, nous avons lancé une offre structurée qui permet à nos clients de créer leur propre vin à partir de quarante cuvées issues des cinq cépages produits par nos viticulteurs, explique Franck Clavier, le directeur général de Vivadour. Nous créons une nouvelle relation avec le client final, pour qui nous allons fabriquer un vin de qualité régulière, correspondant à ce qu'il demande, et dont nous garantissons le tarif. Dans ce type de relation, il n'y a plus de marché d'opportunité. C'est une nouvelle stratégie non spéculative que nous mettons en place et nous espérons que notre démarche sera copiée. »

600 000 HL

C'est le volume d'IGP Côtes de Gascogne blanc et rouge qui devrait être commercialisé à partir de la récolte 2013, contre 700 000 hl du millésime 2012. La région ayant peu de stock, elle risque d'avoir tout vendu avant l'arrivée de la récolte 2014.

Le Point de vue de

Hélène Archidec et Carine Fitte, domaine de Herrebouc, à Saint-Jean-Poutge (Gers), 12 ha en IGP Côtes de Gascogne bio

« Nos vignes en coteaux ont mieux résisté que celles en plaine »

Hélène Archidec et Carine Fitte © COLLECTION TOURISME GERS/G. VILMINOT

Hélène Archidec et Carine Fitte © COLLECTION TOURISME GERS/G. VILMINOT

« Nous travaillons de petits rendements en bio. Nos vignes sont sur des coteaux et ont bien résisté par rapport aux parcelles conventionnelles en plaine. Cette année, nous avons obtenu une récolte plus importante que d'habitude en blanc, avec un rendement moyen de 50 hl/ha, et plus modeste en rouge. C'est le contraire de l'année précédente. Nous avons vendangé plus tôt que d'habitude, dès que nous avons vu que la pourriture commençait à s'installer. Nous avons donc eu une récolte de qualité, même si elle manquait un peu de maturité. Ce qui a été difficile, c'est que nous avons dû ramasser nos huit cépages au même moment et que toutes nos cuves ont fermenté en même temps. Mais nous allons produire nos 35 000 bouteilles annuelles. Nous vendons 50 % de notre vin à une clientèle particulière sur les salons ou au domaine et 50 % dans les restaurants et magasins bios. Comme nous avons démarré en 2004 et qu'il nous a fallu nous faire une clientèle, nous avons du stock. Aujourd'hui, nous commercialisons les millésimes 2005 à 2012, cela nous permet d'équilibrer les années difficiles. En revanche, nous trouvons les gens plutôt moroses sur les salons et, depuis un an, il est plus délicat de gagner de nouveaux clients. Nous avons participé au dernier salon de la qualité alimentaire, à Toulouse (Haute-Garonne), en décembre. Nous avons envoyé 150 invitations et 75 % des personnes qui sont passées nous connaissaient déjà. Nous avons donc des clients fidèles, mais le renouvellement est difficile. Pour nous faire connaître, nous organisons aussi des animations au domaine. Les 21 et 22 décembre derniers, nous avons organisé des portes ouvertes sur le thème de Noël. C'est important pour nous, car nous avons à coeur de partager notre passion avec nos clients, mais cela demande un gros investissement en temps et en énergie. »

Cet article fait partie du dossier Tour des vignobles : gagnants et perdants d'une récolte compliquée

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