La pluie et le froid au printemps dernier ont provoqué coulure et millerandage sur deux des principaux cépages du Gaillacois, le braucol, le gamay, mais aussi sur le merlot. En juillet et août, certaines vignes ont ensuite souffert de sécheresse, avant d'être sauvées par les pluies d'automne pour les unes, ou attaquées par le botrytis pour les autres.
Au final, les pertes sur l'ensemble du vignoble atteignent 30 % en moyenne. La récolte, tous vins confondus, est estimée entre 280 000 et 300 000 hl. « Mais il y a de grandes disparités, nuance Bernard Petiot, directeur de la Maison des vins, à Gaillac (Tarn). Nous enregistrons une baisse de 10 à 15 % des volumes dans les vignes en AOP et de 30 à 40 % en IGP (Côtes du Tarn et Conté tolosan, NDLR). Les vignes à grand rendement ont perdu le plus de récolte. Sur certaines exploitations, fortement touchées par le botrytis, les pertes vont même jusqu'à 60 %. »
Amortir l'impact de la petite récolte 2013. À cela s'ajoutent des problèmes de qualité. Plus touchés que les cépages blancs, certains rouges n'ont pas permis de produire de l'AOP Gaillac ou des marques haut de gamme. « Ces raisins acides et peu chargés en tannins ont basculé en IGP », note Bernard Petiot.
« Nous allons faire l'impasse du millésime 2013 sur certains rouges premiums, avoue Jacques Tranier, le directeur de Vinovalie, société de commercialisation des caves de Rabastens et Técou (Tarn), Fronton (Haute-Garonne) et des Côtes d'Olt (Lot). Nous envisageons de ne pas sortir notre cuvée Astrolabe. » Selon Bernard Petiot, « il reste, sur le bassin, deux ans de stocks en AOP rouge, huit mois en blanc sec et rosé et de quoi servir les clients en blanc doux jusqu'à fin 2014 ». De quoi amortir un peu l'impact de la mauvaise récolte 2013.
Vinovalie, avec 45 % de gaillac en moins cette année, soit 30 000 hl au lieu de 55 000 hl habituellement, va essayer de « limiter la casse. Nous sortons de plusieurs années de gros succès commerciaux, rappelle Jacques Tranier. En AOP, nous avons un peu de réserve, mais nous allons terminer l'année sans rien. En IGP blanc, ça ira à peu près. Mais en IGP rouge et rosé, nous n'avons pas de stock tampon. Ce sont des vins à l'élevage court que nous vendons rapidement. Pour ces produits, nous allons gérer les priorités. Dans ce contexte, nous avons déjà augmenté nos prix de vente de 10 à 12 % ».
Le problème est le même à la cave de Labastide-de-Lévis (Tarn), où Didier Houbart, le directeur technique, reconnaît que les stocks sont bas. « Nous allons d'abord protéger nos marchés directs conditionnés. Sur le vrac, nous repartirons avec nos clients partenaires habituels. Avec - 30 % en volumes, nous n'ouvrirons aucun nouveau marché, même s'il y a beaucoup de demandes. »
La cave a réalisé une sélection rigoureuse sur ses AOP rouges, dont les volumes seront restreints, tandis qu'elle n'a pas produit d'AOP blanc doux, faute de raisin. Didier Houbart se félicite, en cette année difficile, de disposer d'un matériel technique de pointe (thermovinification, clarification des jus, etc.), qui peut « sauver une production ».
Cette année, la filière devrait réussir à ne pas perdre trop de clients. En revanche, tout le monde compte sur une belle vendange 2014 pour se remettre à flot.
ZÉRO
ZÉRO vin de garde en rouge. Tout le monde s'accorde à dire que 2013 n'est pas un grand millésime. Le gaillac rouge, léger et fruité, devra être bu rapidement. L'année a mieux réussi aux blancs, mais ils ne représentent que 30 % d'une récolte tous vins confondus.
Le Point de vue de
Jean-Marc Balaran, du domaine d'Escausses, à Sainte-Croix (Tarn), 52 ha de vignes (60 % en rouge, 40 % en blanc), 80 % en AOP Gaillac
« La perte de récolte est gérable car j'ai du stock »
« J'ai eu de la chance : je n'ai perdu que 15 % de mes volumes. J'ai produit 2 500 hl, au lieu de 2 800 à 3 000 habituellement. Cela s'est joué à quelques jours près pour la floraison. Puis, fin mai, une forte gelée n'a touché qu'un hectare de braucol, mais je l'ai entièrement perdu. Ensuite, nous avons été obligés de vendanger manuellement et de laisser des raisins sur pied à cause du botrytis. Cette perte de récolte est gérable, car j'ai du stock en rouge. Je ne me fais pas de souci pour les ventes à venir. Un revenu se fait sur la récolte et sur les stocks. Par ailleurs, je remarque, comme mes collègues qui vendent sur les salons, que les consommateurs achètent bien en ce moment. Ils ont envie de se faire plaisir. Je vais donc continuer à vendre mes bouteilles en direct. La seule chose à laquelle il faut être attentif, c'est à bien gérer la notoriété de l'AOP et ne surtout pas dénigrer le millésime. Car nous avons obtenu des vins blancs, rosés et des bases de mousseux avec une belle structure acide et un bon niveau aromatique. Grâce à une importante montée en degrés en fin de parcours, nous avons aussi de très bons vins blancs doux. En revanche, les rouges sont légers et il faudra les boire jeunes. Mais cela peut aussi correspondre à l'attente de certains consommateurs. »