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éditorial

Pique-niques circus

PAR BERTRAND COLLARD, RÉDACTEUR EN CHEF DE LA VIGNE - La vigne - n°262 - mars 2014 - page 5

Ces jours-ci, deux affaires ont eu un énorme retentissement. Impossible de passer à côté des procès qui se sont tenus à Dijon et à Angers. Le premier a concerné un Bourguignon qui a refusé de faire un traitement obligatoire contre la flavescence dorée. Dans le second, un Angevin était poursuivi pour avoir indiqué « Anjou » sur un vin de table. En bio tous les deux, ils ont bénéficié d'un extraordinaire courant de sympathie sur internet, ponctué par un pique-nique fantasque et bariolé devant chacun des tribunaux. Il y avait là un concentré de lanceurs d'alerte venus dénoncer l'oppression ainsi que la viticulture industrielle et polluante. Un public en apparence sympathique, mais dont les leaders sont brillants en matière de désinformation. Un public que les grands médias soutiennent vaillamment.

Sur Europe 1, une journaliste est venue affirmer le plus sérieusement du monde que le « pauvre petit vigneron » angevin avait été « jeté de son appellation parce que tout petit, sans grade, parce qu'on n'en veut plus ». L'AOC, comme une survivance de l'Ancien régime où le roi vous jetait en prison par une simple lettre de cachet. On croit rêver. En réalité, ce vigneron a lui-même expliqué avoir quitté l'AOC Anjou parce que ses règles ne lui convenaient pas. Pour autant, il a continué à en utiliser le nom. Les syndicats et les fraudes lui ont donc dit de choisir, car son emploi est protégé, réservé aux producteurs qui respectent le cahier des charges. Chacun est libre de produire de l'AOC. Mais on ne peut pas vouloir jouir de la puissance évocatrice d'une appellation et en refuser les règles. Cela nous paraît évident mais dépasse l'entendement de beaucoup de nos contemporains. Il est donc facile de les manipuler.

Dans l'autre affaire, un collectif d'associations veut faire croire au public que l'on peut lutter contre la cicadelle de la flavescence dorée par des poudrages d'argile ou avec des pièges colorés. Or, ni l'un ni l'autre ne donnent satisfaction. Les organismes techniques de viticulture biologique le savent et le disent, car ils sont mandatés pour trouver des méthodes efficaces de protection des vignes et non pour entretenir des idées. Ces deux affaires nous rappellent la puissance et la bienveillance dont bénéficie le courant opposé aux traitements phytosanitaires. Elles nous remémorent aussi que l'esprit humain a besoin de fantaisie et de liberté, y compris celle de nier les faits les plus évidents s'ils contredisent notre vision du monde ou pour défendre nos intérêts.

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