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BORDEAUX Vinipro, un premier cru prometteur

COLETTE GOINÈRE - La vigne - n°262 - mars 2014 - page 10

Le nouveau salon des vins de Bordeaux et du Sud-Ouest a su attirer 6 000 acheteurs professionnels à la découverte du coeur de gamme de cette grande région, des bouteilles entre 5 et 20 euros.
XAVIER COUMAU, le président du syndicat des courtiers de Gironde, fait goûter des vins de 2013 à de jeunes visiteurs. Il veut ainsi convaincre les acheteurs que la qualité de ce millésime est tout à fait satisfaisante. PHOTOS J. FERNANDEZ/CEB

XAVIER COUMAU, le président du syndicat des courtiers de Gironde, fait goûter des vins de 2013 à de jeunes visiteurs. Il veut ainsi convaincre les acheteurs que la qualité de ce millésime est tout à fait satisfaisante. PHOTOS J. FERNANDEZ/CEB

ANNE-MARIE DESLONGCHAMPS, cofondatrice de Vintrinsec, à Montréal, est venue pour rechercher des vins qui ont de la notoriété : « En plus, les vins français ont la cote au Canada. »

ANNE-MARIE DESLONGCHAMPS, cofondatrice de Vintrinsec, à Montréal, est venue pour rechercher des vins qui ont de la notoriété : « En plus, les vins français ont la cote au Canada. »

PATRICK SAUNIER, du château Croix de Bertinat, fait partie de l'association In a bottle. Cela lui a permis de toucher des acheteurs qui sont séduits par la diversité des appellations de ce club de vignerons.

PATRICK SAUNIER, du château Croix de Bertinat, fait partie de l'association In a bottle. Cela lui a permis de toucher des acheteurs qui sont séduits par la diversité des appellations de ce club de vignerons.

Un rendez-vous tranquille. Sans bousculade dans les allées. Vinipro, qui s'est tenu du 3 au 5 mars dernier à Bordeaux (Gironde), est un nouveau salon professionnel. Son ambition ? Mettre en lumière le coeur de gamme des vins de Bordeaux et du Sud-Ouest, entre 5 et 20 euros prix HT départ chai, auprès des acheteurs professionnels.

Jean-Michel Charles a pris son temps pour découvrir, parmi les 262 exposants, des bordeaux, saint-émilion, sauternes, graves ou encore médocs. Ce Français, expatrié depuis vingt-cinq ans en Europe de l'Est, a créé il y a cinq ans une chaîne de boulangerie-pâtisserie à la française à Tbilissi, la capitale de la Géorgie, pour une clientèle aisée. Depuis un an, il propose des champagnes, sancerres et chablis dans ses dix boutiques. Par relation, il a entendu parler de ce nouveau salon. Congrès et expositions de Bordeaux, l'organisateur de l'événement, a sauté sur l'occasion en lui offrant le voyage et deux nuits d'hôtel à Bordeaux. En tout, une quarantaine d'acheteurs venus de l'étranger a bénéficié de cette offre.

Jean-Michel Charles s'est rendu à Vinipro avec des idées bien précises. « Je veux des noms de vins qui sonnent, comme médoc, sauternes et saint-émilion. Ce sont des références », affirme-t-il. D'office, il élimine les bergeracs : pas assez connus. Côté budget, il s'est fixé une limite : ne pas dépasser 15 euros la bouteille, prix HT départ cave.

En déambulant dans le salon, il a repéré un Château Lamothe Guignard, un sauternes deuxième grand cru millésime 2009, « pas trop sirupeux, excellent en bouche », 14 euros HT. Château Haut-Bergeron, un autre sauternes, l'emballe. Mais son prix le freine (16,50 euros). Dans les rouges, il a craqué pour un cru bourgeois, Château Rollan de By, millésime 2011 (12,30 euros). « Je suis surpris, je ne m'attendais pas à de telles qualités dans de tels budgets », indique-t-il.

À la recherche de vins médaillés

Maya Bolgashvili, responsable des achats au sein de Smart Retail, une chaîne de douze supermarchés implantée en Géorgie et créée en 2010, cherche, elle aussi, « des vins connus. Il y a une demande pour les vins de Bordeaux dans notre pays. Je dois créer une gamme avec des médocs, des saint-émilion et des sauternes sans dépasser 8 euros la bouteille », précise-t-elle.

La canadienne Anne-Marie Deslongchamps, cofondatrice de Vintrinsec, à Montréal, veut des vins de Bordeaux qui ont de la notoriété, voire des médailles, et qui soient bien notés par les critiques. Le tout pour un budget de 8 euros la bouteille. Vintrinsec joue le rôle d'agent. Elle établit « un trait d'union » entre la Société des alcools du Québec, le monopole de cet état canadien, et les producteurs. Déjà, elle a jeté son dévolu sur la cuve « Les filles », du château Le Raz, en AOC Montravel rouge, mais aussi sur les vins du château Mangot, en AOC Saint-Émilion.

Sur le stand In a bottle, un club de seize vignerons, on ne baigne pas dans l'enthousiasme. Chantal Benito-Larnaudie, qui exploite 40 ha en AOC Cadillac-Côtes de Bordeaux, se dit déçue. « Mon souhait, c'est d'élargir ma clientèle sur le territoire national. Donc je pensais rencontrer des cavistes. Mais je vois plutôt des acheteurs étrangers. »

Son confrère Laurent de Bosredon, du château Bélingard (AOC Bergerac et Monbazillac), se veut philosophe. « Vinipro est un gentil petit salon qui démarre », lâche-t-il. Comme tous les exposants, dès janvier, il a alimenté le site bordeaux-vinipro.com, en y présentant sa propriété et ses vins. L'objectif était de fournir aux acheteurs des informations sur l'offre des participants avant le salon. Sauf que cela a fait pschitt. Aucun acheteur n'a utilisé le site pour caler un rendez-vous avec lui. Idem pour Patrick Saunier, à la tête du château Croix de Bertinat, 8 ha en AOC Saint-Émilion. C'est finalement sur le stand du club qu'il engrange les cartes de visites. Et il se promet de faire fructifier ces contacts.

Sur l'espace du syndicat des Bordeaux et Bordeaux supérieur, c'est un autre son de cloche. Une centaine de vins entre 3 et 10 euros HT est présentée sur de longues tables afin que les visiteurs puissent les déguster librement. « Nous avons eu la visite de cavistes qui cherchent des vins faciles à boire, avec du fruit, autour de 3 euros, et quelques pépites en bordeaux supérieur autour de 7 euros », rapporte Hubert Groutel, au service promotion du syndicat.

Trouver la date idéale

Éric Dulong, le président de Vinipro, respire. Alors que le salon a été monté en six mois à peine, il a attiré 6 000 visiteurs, dont 8 % d'étrangers. Les débuts n'ont pas été faciles. « Au départ, certains Bordelais n'y croyaient pas. C'était un salon de plus, avec un millésime 2013 pas évident. Nous avons fait un gros travail d'explication », confie-t-il. Déjà, il songe à la prochaine édition qui se tiendra dans deux ans. Il faudra apporter des améliorations. Convaincre Cahors, Gaillac ou encore Fronton de se tourner vers son salon plutôt que d'aller à Vinisud, à Montpellier (Hérault). Pas simple.

Il faudra aussi revoir la date du salon, coincé entre Vinisud et ProWein. L'hypothèse de placer Vinipro en avril, juste après la présentation des primeurs, avait été émise. Mais elle avait provoqué des cris d'orfraies chez les grands crus. Pas question pour eux de brouiller leur image en présentant leur nouveau millésime juste avant un salon réservé aux vins de moyenne gamme !

Un service pour expédier des vins aux quatre coins du monde

L'annonce a été faite le 4 mars dernier à Vinipro : Chronopost, la filiale du groupe La Poste spécialiste de la livraison express, lance Chrono viti Bordeaux Gironde. Cette nouvelle offre entend répondre aux besoins des viticulteurs girondins qui font de l'oenotourisme. Rappelons que ce département enregistre 4,3 millions d'oenotouristes en moyenne chaque année. Chronopost a donc concocté des emballages plus performants pour expédier une, trois ou six bouteilles en France et partout dans le monde. Avec des tarifs qui devraient être environ 30 % moins cher que les tarifs actuels. Les viticulteurs devront passer commande de l'expédition sur un logiciel spécifique qui calculera les prix incluant les taxes et droits de douanes. Ils bénéficieront d'une cellule d'aide à l'exportation pour s'y retrouver dans une réglementation parfois compliquée. Ils devront confier au moins 300 bouteilles à Bordeaux City Bond (BCB), société spécialisée dans le stockage et la conservation des vins. Car c'est de son entrepôt de stockage sous douane, situé à Blanquefort (3 000 m², capacité de stockage de 150 000 caisses), que les bouteilles seront expédiées. Pour monter son service, Chronopost s'est en effet allié à cette filiale de la chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux.

À la rescousse d'un millésime décrié

Impossible de rater l'espace Millésime 2013. Des bouteilles à gogo dans de belles vasques et des crachoirs, le tout dans les tons chocolat : le stand se voulait alléchant. Xavier Coumau, le président du syndicat des courtiers de Gironde, l'avoue tout net : « Nous sommes là pour redorer l'image du millésime 2013. » Début février, l'oenologue Stéphane Derenoncourt lançait un pavé dans la mare. Il annonçait que le château Malescasse, cru bourgeois médocain, ne sortirait pas de millésime 2013, ne le trouvant pas assez bon. Une décision qui a provoqué beaucoup d'interrogations. « Il faut se méfier des oenologues surmédiatisés qui font la loi. Il est encore trop tôt pour juger ce millésime », tempère Xavier Coumau. Sur l'espace Millésime 2013, le visiteur était invité à juger par lui-même. Tout était fait pour le rassurer. Tous les jours, Andreas Larsson, meilleur sommelier du monde en 2007, a commenté le millésime. Ce 4 mars, l'heure est à la découverte des blancs secs et des rosés de Gironde. La veille, il présentait des liquoreux, le lendemain, il parlera des blancs secs et des rosés des autres départements. Un tablier autour de la taille, quatre courtiers s'affairent. Il faut faire goûter les vins. Cent vingt références sont proposées. Chaque exposant a pu confier deux à trois bouteilles de sa production. « Les visiteurs sont surpris. Ils sont venus avec des a priori pas très positifs. Ils découvrent de belles qualités », indique Xavier Coumau.

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