« Entre les sécheresses à répétition et la chute du cours de l'appellation Corbières, mon produit brut est descendu à 1 700 €/ha en 2005, affirme Laurent Villagordo, coopérateur à la cave Cap Leucate (Aude). Pour redresser les rendements et retrouver de la rentabilité, j'ai diversifié l'encépagement. Aujourd'hui, je produis deux types de vins avec deux modes de conduite différenciés. Je suis remonté à 3 250 €/ha de produit brut en appellation et à plus de 5 500 €/ha avec les vins sans indication géographique (IG). Je peux à nouveau envisager l'avenir ! »
En 2002, il a repris les vignes de son père, puis il a agrandi progressivement l'exploitation tout en la restructurant. « En coteaux, le mourvèdre ne donnait que 20 hl/ha. Je l'ai replanté en plaine. En 2013, j'ai obtenu 50 hl/hadans ces jeunes vignes, avec une meilleure qualité qu'en coteaux, car le stress hydrique ne bloque plus la maturation », explique ce jeune vigneron installé à Roquefort-des-Corbières (Aude).
Laurent Villagordo a également replanté en coteaux des parcelles de grenache dont le rendement plafonnait à 30 hl/ha. Il ne lui restait plus que 10 ha de vieux carignan. En 2013, il a commencé à les renouveler aussi, car ce cépage résiste mieux à la sécheresse. La moyenne des rendements, qui s'établissait à 40 hl/ha pour l'AOC Corbières à son installation, s'est rapprochée de 50 hl/ha ces dernières années.
Sur les parcelles de plaine, Laurent s'est diversifié dans les vins sans IG. Il a replanté du grenache noir, destiné à être vinifié en rosé, du macabeu, du grenache blanc et du muscat d'Alexandrie. « Depuis cinq ans, je conduis ces cépages en guyot. Je laisse quatorze à seize yeux par cep répartis sur un courson et une baguette. Je vise un rendement de 100 à 120 hl/ha en fonction de la parcelle et du type de vin, avec un degré proche de 12 », précise-t-il.
Investissements au vignoble. Pour entretenir la fertilité du sol, il a suivi les conseils du technicien d'Arterris, une coopérative d'approvisionnement avec laquelle sa cave a signé un partenariat. « J'apporte désormais un engrais organominéral chaque année sur ces parcelles. En appellation, je continue à amender tous les deux ans seulement. »
Engagé avec Terra vitis depuis plusieurs années, Laurent Villagordo raisonne aussi mieux sa protection phytosanitaire, ce qui optimise le rendement. « Je ne traite plus toutes les parcelles systématiquement, mais seulement celles qui en ont besoin. Comme j'ai moins de surface à pluvériser, j'arrive plus facilement à intervenir au bon moment. »
Il produit désormais des vins d'appellation sur 40 ha et des vins sans IG sur 12 ha. Le rendement moyen de l'exploitation est remonté à 75 hl/ha en 2011, 56 hl/ha en 2012 et 62 hl/ha en 2013. « Le climat a été favorable ces trois années, j'attends de voir comment cela se passera en année très sèche », rapporte-t-il.
Pour obtenir ces résultats, il a concentré ses investissements sur le vignoble. « Depuis que je suis installé, je plante en moyenne 2 ha par an. Grâce au programme régional de reconversion qualitative différée, j'ai pu poursuivre durant les années de crise », souligne le jeune vigneron. Aujourd'hui, alors que les nouvelles plantations entrent en production, il commence à voir le résultat de ses efforts. « Mes marges s'améliorent. Cette année, j'ai pu investir dans du matériel, construire un hangar et faire appel à des saisonniers, alors que jusqu'à présent, je travaillais tout seul avec mon père. »
Un plan pour produire 6 hl/ha de plus
« Les petits rendements ne sont pas une fatalité ! clame Joël Castany, le président de la cave Cap Leucate (Aude). Nous avons mis en place un plan d'amélioration collectif pour aider nos adhérents à les redresser, afin de regagner de la rentabilité. Au chai, nous avons amélioré les coefficients de transformation. Nous avons développé des marchés pour des cépages plus productifs, comme le cinsaut en rosé ou le grenache en blanc. Et, en partenariat avec la coopérative d'approvisionnement Arterris, nous accompagnons nos adhérents sur la fertilisation et la protection phytosanitaire. » Le vignoble de cette coopérative est implanté près de la Méditerranée, dans une zone littorale où les vers de la grappe peuvent faire des dégâts. « Avec un protocole de traitement ajusté en fonction des données de nos stations météo, nous avons rentré des raisins en bien meilleur état sanitaire en 2013 », constate Lilian Copovi, le vice-président, qui planche aussi sur un projet d'irrigation collectif.