BERTHOUD EST LE SEUL FABRICANT FRANÇAIS de renom à proposer des poudreuses. Ses modèles ont 25 ans et sont toujours très présents sur le marché.
LA POUDREUSE FAUPIN montée sur une cellule Bobard Jet 6000 à descentes Faupin, peut poudrer jusqu'à neuf rangs en face par face.
HERVÉ décline sa poudreuse 500 litres en version semi-portée avec quatre sorties courtes (photo) ou deux sorties basses.
« Nous avons de plus en plus de demandes. Jusqu'à présent, le poudrage concernait plutôt le climat méditerranéen, chaud et sec. Depuis quelques années, la demande remonte vers le nord. Il y a de plus en plus de problèmes sur chardonnay », observe Jean-Christophe Rousseau, de Berthoud, un des nombreux constructeurs qui proposent ces appareils de traitement.
Les vignerons désireux de s'équiper n'ont que l'embarras du choix pour une gamme de prix allant de 1 300 à 14 800 euros. Avec seize marques commercialisant une trentaine de poudreuses en France, l'offre paraît prolifique. Les chiffres, toutefois, sont trompeurs. La même poudreuse est parfois vendue sous quatre marques différentes. En faisant le tri, « La Vigne » a finalement recensé vingt-deux modèles, seize portés et six traînés, diffusés dans l'Hexagone. Mais un dénombrement plus sévère pourrait aboutir à moins. En effet, les modèles d'entrée de gamme des différents constructeurs ne diffèrent souvent que par la forme et la couleur de leur cuve. Pour le reste, ils sont quasiment identiques.
Peu d'innovation. Sur ce terrain, le « made in France » est en souffrance. Les poudreuses viennent presque toutes d'Espagne ou d'Italie. Berthoud fait exception. Il est le seul fabricant français de renom présent sur ce marché. Ses machines ont près de 25 ans. Et elles sont toujours très présentes. C'est dire si ce secteur bénéficie de peu d'innovation.
Les poudreuses sont des matériels peu sophistiqués, n'intégrant aucune technologie avancée. Par exemple, aucun modèle n'affiche vraiment le débit de poudrage. Il reste donc encore beaucoup de progrès à faire pour rendre leur utilisation plus pratique et, surtout, pour limiter les pertes dans l'environnement.
Bien qu'elles soient assez sommaires, toutes les poudreuses du marché permettent une protection suffisante de la vigne contre l'oïdium. Les modèles d'entrée de gamme sont portés. Ils sont très simples de conception et d'utilisation, et utiles pour soufrer des petites surfaces une ou deux fois par an. Pour une utilisation plus intensive ou spécifique et dans les grandes exploitations, mieux vaut opter pour des machines traînées qui offrent un meilleur débit de chantier, permettent le mélange de plusieurs poudres et assurent une application homogène.
Afin d'y voir plus clair dans ce marché, voici comment se décompose l'offre, ainsi que les avantages et les inconvénients de chaque famille de machines.
En entrée de gamme : Des modèles portés basiques
Les poudreuses d'entrée de gamme sont très simples. Elles sont dotées d'une petite cuve en polyester de 100 à 300 litres et d'une petite turbine de 280 à 320 mm de diamètre. La poudre tombe par gravité à l'intérieur du caisson de la turbine située, à l'horizontale, sous la cuve. Entraînées par la prise de force, les pales de la turbine aspirent la poudre et la propulsent sur le feuillage par deux sorties latérales munies de déflecteurs ou de mains. Un levier, fixé sur le châssis de l'appareil, ou un câble, tiré par une poignée depuis la cabine, permet de régler le débit. Un petit agitateur rotatif à ailettes évite le tassement de la poudre au fond de la cuve.
Lors de notre enquête, nous avons référencé huit machines construites selon ce principe : celles des entreprises italiennes Cima, Faza, Ideal, celles de S21, de fabrication italienne également, le modèle DTE du portugais Tomix, distribué aussi en France sous la marque Pauljet, et les versions DTE/DTS de l'espagnol Teyme, importées par Chabas. Cas particulier, le bourguignon Faupin développe depuis trois ans un modèle pour enjambeur pourvu d'un réglage de débit hydraulique. Le modèle DTE de Tomix, les DTE et DTS de Teyme peuvent également bénéficier en option d'une régulation hydraulique. Chabas adapte sur demande une régulation électrique.
Tous ces appareils sont très simples d'emploi. En début de chantier, le chauffeur règle manuellement l'orientation des diffuseurs. Puis il ajuste l'ouverture de la trappe d'alimentation au débit voulu à l'aide d'une réglette graduée. Il passe ensuite tous les deux ou trois rangs de vignes, selon la largeur de plantation et l'épaisseur du matelas végétal.
Ces matériels rudimentaires atteignent leur objectif principal. Ils assurent une couverture suffisante et une protection efficace contre l'oïdium à peu de frais. Compacts et légers, ils sont faciles à manoeuvrer dans les tournières étroites. Leur petit gabarit permet une adaptation facile sur un enjambeur, voire sur une chenillette.
Ces poudreuses low cost, dont les premiers prix se situent autour de 1 500 euros, présentent néanmoins des inconvénients. L'agitateur, chez certains constructeurs et selon la poudre pulvérisée, est parfois d'une efficacité relative. Le réglage mécanique du débit est aussi imprécis. En pratique, l'opérateur place la manette dans une position donnée lors du premier traitement. Une fois celui-ci terminé, il calcule le ratio quantité de poudre épandue sur la surface traitée. Il obtient ainsi le débit de son appareil à une vitesse et pour un type de poudre donnés. Ce réglage lui sert de référence.
Une fois trouvé le bon dosage, l'opérateur se garde souvent d'y toucher. Pour couper l'alimentation lorsqu'il arrive en bout de rang, le chauffeur doit donc débrayer la prise de force... ou pas. « Je réduis simplement le régime moteur. Ça poudre un peu la tournière », confesse un utilisateur.
Un lavage méticuleux de l'appareil est d'ailleurs hautement recommandé après chaque utilisation. Il permet de limiter la corrosion générée par le passage du soufre dans la turbine. Il réduit aussi le risque d'incendie de l'appareil. Ce type de poudreuse s'enflamme, en effet, à la moindre étincelle lorsque les turbines sont encrassées.
En milieu de gamme : Des machines portées plus sûres
Parmi les poudreuses portées, des machines sont un peu plus sophistiquées que les précédentes. Elles s'en distinguent sur un point important : la poudre ne passe pas dans la turbine mais sort dans le conduit d'air, en aval de celle-ci. Cette configuration préserve mieux l'appareil contre la corrosion et écarte en principe tout risque d'incendie. Le réglage du débit s'effectue en revanche comme sur les modèles de base, par un levier avec câble. Pour le reste, ces poudreuses sont de conceptions et de tailles diverses.
Les modèles Pony (150 litres) et Rodeo (300 litres) de l'italien Vma disposent, au fond de la cuve, d'une petite tôle perforée. Montée sur un arbre excentré, cette dernière vibre et évite le tassement de la poudre. Ces deux appareils, pourvus d'une turbine de 450 mm de diamètre et de deux sorties basses, sont également commercialisés en France sous leurs propres couleurs par Calvet et Tomix. Ce dernier vend également la même machine sous la marque Pauljet.
Les poudreuses Véga de Berthoud et Zafir Plus de l'espagnol Corbins sont conçues différemment. Leur cuve conique accueille une vis sans fin qui assure une distribution régulière de la poudre vers les deux sorties. Pour éviter la prise en masse dans sa petite cuve (120 litres), la Véga est munie d'un « dispositif antivoûte » à doigts. La cuve Zafir plus, d'une capacité de 600 litres, est, elle, pourvue de deux malaxeurs. Ce modèle, réservé aux grandes surfaces, permet aussi de mélanger plusieurs poudres durant un traitement.
Les poudreuses fabriquées par la firme espagnole Saher (vendues aussi sous la marque Niubo), le modèle Zafir de Corbins, la version P300 de Ideal et les machines françaises Hervé, fabriquées en Espagne par Mauricio, fonctionnent très différemment. Le flux d'air produit par la turbine est injecté à l'intérieur de la cuve. Le soufre, mis en suspension, est aspiré vers les sorties par effet Venturi. Le chauffeur règle le débit à l'aide d'une manette en cabine. Cette dernière agit sur un volet qui dirige une partie du volume d'air vers la poudre et le reliquat directement vers les sorties.
« Ce système permet une régulation précise du débit, même quand on applique un faible dosage à l'hectare », assure Hervé Émeric, gérant de la société Commerce international le Luberon (CIL), qui vend les poudreuses Hervé. Autre avantage pratique : en bout de rang, il suffit de ralentir le régime moteur du tracteur pour stopper l'aspiration du soufre et, donc, le poudrage.
Pour un poudrage un peu mieux ciblé, Saher et Hervé déclinent, en plus du modèle à deux sorties basses, des versions à quatre sorties (deux basses et deux hautes) montées sur rampe.
Le constructeur italien Martignani a lui aussi mis au point une poudreuse pneumatique. Son originalité réside dans le mode de diffusion électrostatique. L'appareil embarque deux cuves : une de 260 litres pour la poudre et une seconde de 100 litres remplie d'eau.
Deux microniseurs fixés à la sortie des deux bouches de distribution de la poudre, et alimentés par une pompe électrique, pulvérisent un faible volume d'eau. Équipés d'une électrode, ces microniseurs chargent électrostatiquement le nuage de poudre. Selon le constructeur, cette technologie permet de mieux cibler la végétation et de limiter la dérive.
En haut de gamme : Des poudreuses traînées de grande capacité
Les poudreuses traînées sont plus encombrantes que les modèles portés. Elles sont destinées aux grands domaines plantés de vignes larges. Équipées de cuves de 600 à 800 litres, d'une puissante turbine et deux sorties basses, elles permettent de traiter jusqu'à 15 m de largeur par passage et jusqu'à 25 ha avec une cuve pleine.
Six modèles se partagent ce marché : la poudreuse Ideal 600 L ; l'Arena de Vma, aussi commercialisée sous les dénominations Languedoc par Calvet et SFT par Tomix ; la poudreuse de Saher vendue également par Niubo ; les machines Teyme et Corbins, en tous points identiques ; le nouveau modèle Cima, sorti en 2014, et l'Apolo de Berthoud.
L'Ideal 600 L fonctionne comme le modèle porté 300 L de la même marque sur le principe pneumatique. Les autres appareils sont dotés d'un système de distribution par une ou deux vis sans fin. Réglables hydrauliquement par le chauffeur depuis la cabine, les vis permettent un meilleur contrôle du débit que sur la plupart des poudreuses portées.
« Le système garantit aussi une régularité de l'application du début à la fin du chantier, en particulier lorsqu'on applique de petites doses », souligne Jean-Christophe Rousseau, chez Berthoud. « Le réglage de la vis sans fin sur la poudreuse traînée Teyme manque encore de précision », remarque pour sa part Robert Chaffard, responsable technique chez Chabas, revendeur de la marque.
Les modèles Apolo de Berthoud et Saher/Niubo sont équipés en fond de cuve de cloisons ou de grilles vibrantes. Les autres modèles sont pourvus d'un ou de deux malaxeurs, à pales ou à doigts tournant sur un axe horizontal. « Ces dispositifs évitent la prise de masse », explique Éric Maille, technicien viticole à AgroBio Périgord. Ils assurent l'homogénéité du traitement lorsqu'on utilise plusieurs poudres de densités différentes. Mais ces poudreuses représentent un budget beaucoup plus important.
PIERRE-FRANÇOIS TERRAT, GÉRANT DU DOMAINE LES BÉATES, À LAMBESC (BOUCHES-DU- RHÔNE) « Un petit modèle qui nous va bien »
« Je suis équipé depuis deux ans d'une poudreuse Teyme de 200 litres à deux sorties. Ce petit modèle nous va très bien. Il est adapté à notre mode opératoire. Je poudre 40 ha plantés à 2,50 m de largeur deux fois par an. Je passe tous les deux rangs. La poudreuse Teyme est une machine basique et simple d'utilisation. Je règle le débit une fois pour toutes en début de chantier. Je débraye la prise de force dans les tournières. La diffusion de la poudre paraît homogène. Avec une petite cuve, je ne suis jamais pris au dépourvu. Si le vent se lève, j'ai le temps de la vider. La cuve ne rouille pas et elle est facile à nettoyer. Seul inconvénient, le chargement des sacs, à hauteur d'épaule, est un peu haut. »
JEAN-NOËL BERGASSE, DU DOMAINE DE POUYBET, À VIC-FEZENSAC (GERS) « Le dosage est empirique, mais fiable »
« Je cultive 12 ha de vignes en bio. Je réalise quatre traitements par an avec une poudreuse pneumatique Hervé de 500 litres disposant de deux sorties basses avec des canons. J'épands de 15 à 20 kg/ha de soufre et d'argile. Sur cet appareil, le dosage est empirique, car la manette de régulation du débit ne dispose d'aucun repère. Mais une fois bien réglée, la machine est fiable. Elle diffuse précisément la quantité de produit souhaitée, même lorsqu'on applique une petite dose. Elle épand la même quantité en début comme en fin de traitement, même une fois arrivé au fond de la cuve. Sur la poudreuse traînée Berthoud, que j'ai empruntée une fois à un ami, le réglage du débit est précis aussi. Mais la machine est hors de prix. Les canons de la poudreuse Hervé permettent une diffusion large sur plusieurs rangs. Avec une capacité de 500 litres, je ne remplis qu'une seule fois ma cuve. De plus, l'argile et le soufre se mélangent mieux dans une grande cuve. Le soufre ne passant pas dans la turbine, il n'y a pas de corrosion. »
JEAN-MARIE SANTACREU, VITICULTEUR À SALLÈLES-D'AUDE (AUDE) « À 10 km/h avec un modèle de 700 litres »
« Il y a deux ans, j'ai remplacé mon ancienne poudreuse traînée Calvet par le modèle Languedoc 700 litres de la même marque. J'ai poudré une trentaine d'hectares à deux reprises en 2012. L'appareil fait du bon travail. La distribution est régulière et le réglage hydraulique est pratique et précis. Le malaxeur à doigts est également plus performant. Il n'y a plus de tassement en fond de cuve. Avec le modèle précédent, j'évitais de le charger complètement. Maintenant, c'est possible. Je traite rapidement et au bon moment. Nous avons une semaine pour intervenir. J'avance à 10 km/h et, avec une cuve de 700 litres, je n'ai pas besoin d'apporter les sacs à la vigne avec une remorque ou une camionnette. C'est plus pratique. »