En Bourgogne, les attaques d'oïdium sont de plus en plus fréquentes. Les poudrages semblant plus efficaces que les traitements au soufre mouillable pour combattre ce parasite, les viticulteurs n'hésitent pas à s'équiper. « Les poudreuses avaient presque disparu, excepté en bio. Depuis quelques années, elles font leur retour », souligne Pierre Petitot, conseiller viticole à la chambre d'agriculture de Côte-d'Or. Mais en matière de poudrage, les connaissances techniques sont encore faibles.
Pour guider les viticulteurs dans le choix et le réglage des matériels, la chambre d'agriculture a étudié la qualité des poudrages de 52 domaines viticoles. Au total, elle a évalué neuf poudreuses de différentes marques. Parmi ces machines, les plus utilisées sont les Multeyme, présentes sur 58 % des domaines étudiés. Mais elles semblent traiter la vigne de façon hétérogène. Bien plus rares, les poudreuses Faupin ont apporté les meilleurs résultats quant à la répartition du soufre sur la végétation. Mais, installés directement sur un pulvérisateur, ces derniers présentent eux aussi quelques inconvénients. Zoom sur ces deux types de poudreuses...
Faupin TB
Efficace mais corrosif pour le pulvé
Les Faupin TB se fixent directement après la turbine d'un pulvérisateur pneumatique présentant une rampe dotée de descentes dans les rangs. Avec cet appareil, on réalise des poudrages face par face, à l'instar des traitements. Avant de démarrer, deux réglages s'imposent : le débit et la rotation de la turbine qui happe la poudre. « Nous traitons à 35 kg/ha. Pour régler le débit, il suffit de tourner un boulon qui modifie l'ouverture en bas de la trémie. D'après le constructeur, un cran représente 10 kg/ha », explique Joël Bidault, responsable du matériel au domaine Leflaive, à Puligny-Montrachet. Dans la plupart des exploitations, la turbine tourne à environ 3 500 tr/min pour un entraînement hydraulique.
Sur les modèles Faupin, la chambre d'agriculture a relevé une marge d'erreur de l'ordre de 5 kg/ha. Selon les domaines, le taux de couverture de la végétation par la poudre varie ainsi de 5 à 56 %. « Il faut relativiser ces résultats. Nous avons mené nos tests dans des exploitations qui utilisaient des réglages différents », modère Pierre Petitot. Pour pallier ces défauts, le constructeur prévoit d'améliorer le système de dosage. Par ailleurs, la trémie dispose désormais d'un système de brassage pour éviter que la poudre ne devienne compacte.
Quoi qu'il en soit, les conseillers de la chambre d'agriculture ont noté une meilleure répartition du soufre sur la végétation avec les Faupin qu'avec les autres modèles. Mais, en fonction de la vitesse d'avancement du tracteur et de la rotation de la turbine, des applications se sont révélées plus hétérogènes que d'autres. « Pour obtenir de bons résultats, il faut faire tourner la turbine moins vite que pour un traitement classique », remarque Laurent Fournier, viticulteur à Marsannay-la-Côte.
Actuellement, les Faupin TB ne représentent que 5 % des poudreuses utilisées en Côte-d'Or. Il faut dire que ce type de montage détériore les pulvérisateurs, le soufre étant très corrosif. « À plus de 40 000 € le pulvérisateur, ça fait réfléchir. Mieux vaut alors investir dans une poudreuse à 3 000 ou 4 000 € », souligne Pierre Petitot. Au viticulteur de choisir. S'il souhaite que la poudre soit bien répartie, il doit privilégier les modèles avec des rampes descendantes.
Multeyme
Bon marché mais imprécis
Ce sont les poudreuses les plus répandues en Côte-d'Or. Le modèle le plus courant a deux descentes : une derrière chaque roue d'un enjambeur monorang. « C'est un matériel rustique qui tient longtemps », affirme Xavier Talpain, commercial chez Faupin qui vend ses propres machines et la marque Multeyme. « En général, il dure huit ans », indique un vigneron bourguignon souhaitant garder l'anonymat. Une durée de vie raisonnable pour son faible coût, soit 3 000 € environ .
Durant les traitements, les vignerons passent habituellement tous les deux ou trois rangs. Avec une telle pratique, la chambre d'agriculture a observé une bonne couverture de la végétation sur les faces directement traitées, mais une couverture très faible des rangs suivants.
Les vignerons le savent et s'en accommodent. « Nous traitons tous les quatre rangs. Les deux situés au niveau des roues sont mieux traités. Les deux extérieurs un peu moins. Comme nous traitons trois fois dans la saison, nous essayons de passer chaque fois dans des rangs différents pour garantir une protection optimale », explique l'un deux.
Une autre poudreuse Multeyme satisfait davantage les techniciens de la chambre d'agriculture. « Le modèle avec une descente déportée sur le rang d'à côté assure une meilleure répartition du soufre sur la végétation », observe Pierre Petitot.
« Certes, ces modèles sont bon marché, mais leur utilisation est controversée en raison des pertes qu'ils provoquent », souligne le conseiller.
Dans un contexte de plus en plus pointilleux en matière de traitements phytosanitaires, les constructeurs de poudreuses doivent relever un défi : rendre leurs applications plus précises. Faute de quoi, leurs machines finiront par disparaître.
Un test sur plaques noires
Pour évaluer les poudreuses, la chambre d'agriculture de la Côte-d'Or s'est appuyée sur un protocole mis au point par le CIVC, en Champagne. Afin de mesurer la répartition de la poudre sur la végétation, les techniciens ont disposé deux plaques noires dans chaque rang de vigne, au niveau des zones de grappes. Après un traitement au Fluidosoufre, à une dose de 25 kg/ha en moyenne, ils ont récupéré puis photographié les plaques noires. Enfin, ils ont déterminé le pourcentage de couverture des plaques à l'aide d'un logiciel informatique. Au total, 52 domaines ont fait l'objet de ces tests, soit 500 ha de vignes traitées au soufre.
Le Point de vue de
LAURENT FOURNIER, VITICULTEUR SUR 17 HA, À MARSANNAY-LA-CÔTE (CÔTE-D'OR)
« Je traite plus vite et perds moins de poudre »
« J'utilise la poudreuse Faupin TB depuis quatre ans. Avec cette machine, je traite plus vite et perds moins de poudre qu'avec un modèle classique. Pour l'adapter sur mon pulvérisateur 6 rangs Bobard Jet 600, j'ai dû modifier la boîte de répartition de la poudre au-dessus de la turbine. Ensuite, pour installer la poudreuse, c'est très rapide. La trémie s'accroche directement sur mon enjambeur à trois roues derrière la turbine du pulvé. Pour les poudrages, je n'utilise que les diffuseurs en bas des rampes. Je bouche donc deux diffuseurs sur trois. Et afin de garantir une meilleure pénétration du soufre dans le feuillage, j'incline légèrement les diffuseurs vers le haut. Lors de mes premiers traitements, la vitesse de rotation de la turbine était trop forte. Je gardais le même rythme que pour un traitement classique, soit 3 600 tr/min. Il y avait des pertes de soufre sur les rangs voisins. Comme il s'agit d'un poudrage en face par face, 2 000 tr/min suffisent pour un traitement en pleine végétation à 5 km/h.