« La France est un pays leader en matière viticole et doit le rester. C'est dans cet objectif que l'ensemble de la filière a établi ce plan », présente Jérôme Despey dans sa lettre introductive du plan stratégique de la filière viti-vinicole à l'horizon 2025. Le président du conseil spécialisé des vins de FranceAgriMer l'a adressée au ministre de l'Agriculture, le 27 mai. Ce document de 32 pages identifie deux enjeux et cinq leviers pour les relever, le tout organisé autour de 73 mesures à mettre en place. Une rencontre entre les représentants de la viticulture et le ministère est prévue cet été sur le sujet.
Le premier enjeu consiste à faire croître la valeur et les volumes produits via le développement à l'export et la reconquête du marché des bases industrielles que sont les jus de raisin, les MCR, les vins de base pour les mousseux et les brandies. « Ces dernières années, la France s'est entièrement orientée vers les vins et eaux-de-vie de vin AOC et IGP, délaissant les productions plus industrielles. De ce fait, elle est devenue dépendante de la consommation classique des vins. Aujourd'hui, on se rend compte qu'il existe une demande sur des marchés spécifiques qui pèsent des volumes non négligeables. Il faut y être présent », commente Jérôme Despey. Et de citer les besoins des producteurs français de vins mousseux sans IG et de vins aromatisés : 0,7 à 1,2 million d'hectolitres. Auxquels s'ajoutent les besoins des distillateurs de brandies : 1 million d'hectos.
Des marchés à prendre à l'Italie, l'Espagne ou à l'Est...
Faute de disponibilités, les opérateurs « s'approvisionnent en Italie, en Espagne et dans les pays d'Europe de l'Est », regrette le rapport qui prône la construction de partenariats durables amont-aval et l'attribution, « s'il y a lieu », d'autorisations de plantations.
La croissance à l'export fait aussi partie des priorités. Le plan demande à l'État d'agir pour lever les barrières aux échanges internationaux et encourage la signature d'accords de libre-échange. Il propose trois axes de travail : professionnaliser les candidats à l'exportation, soutenir en priorité les entreprises déjà exportatrices et cibler plus spécifiquement les marchés. « La professionnalisation des candidats à l'export pourrait passer par une réorientation d'une partie des aides de l'OCM vers la formation », précise Jérôme Despey.
Le principal marché : la France
Le deuxième enjeu que la filière souhaite relever est de « maintenir un marché national fort en phase avec les attentes sociétales ». « Nous devons veiller à l'évolution de notre principal marché qu'est le marché national. Pour cela, nous devons répondre aux nouvelles attentes tournées vers l'agro-écologie, la protection de l'environnement... », constate Jérôme Despey. Le plan propose donc de développer la viticulture bio et d'encourager les techniques permettant de réduire les intrants de synthèse...
Il met aussi en avant une demande récurrente de la filière : sécuriser le cadre réglementaire relatif à la loi Évin. La mesure 25 demande ainsi la création d'un comité interministériel chargé de l'ensemble des enjeux liés aux vins : la santé, l'économie, l'emploi, le tourisme et l'image. « La filière s'engage à promouvoir une consommation responsable et ce comité aurait pour tâche d'assurer une cohérence des politiques pub-liques », soutient Jérôme Despey.
Quand le négoce tousse, des discussions s'imposent
Parmi les points abordés dans le rapport mais pas totalement réglés, celui de la gestion des autorisations de plantations. La mesure 55 prévoit l'organisation suivante : les ODG proposeraient les contingents et les critères d'attribution de plantations nouvelles, après avis de leur interprofession et de leur comité régional de l'Inao. L'arbitrage se ferait ensuite au sein des instances nationales : comités nationaux Inao pour les IGP et les AOC, et FranceAgriMer pour les VSIG. Il en serait de même pour la fixation des rendements.
« Cette mesure a fait tousser le négoce, reconnaît Jérôme Despey. Il reste à déterminer le type d'avis que devront donner les interprofessions : simple avis consultatif ou avis conforme. Des discussions seront nécessaires. Elles devraient aboutir d'ici le mois de juillet ».
Les chiffres clés
En introduction, les auteurs du plan rappellent les statistiques de la filière. Des chiffres qui font réfléchir. Ainsi, en douze ans, le vignoble français a régressé de 14 % pour arriver à 755 000 ha en 2010. Dans le même temps, le vignoble espagnol a reculé de 22 % et l'italien de 15 %. Côté valeur, il apparaît que la viticulture française, tous vins confondus, dégage un chiffre d'affaires de près de 12 milliards d'euros (Md€). Les entreprises de l'aval dont le CA est supérieur à 2 millions par an représentent, quant à elles, 16 Md€. Autre statistique frappante : 57 % des exportations de vin se font à un prix départ n'excédant pas 3 €/col (les AOC et IGP font 40 % des volumes, les VSIG 17 %).
Sept mois de réflexion et de discussion
Le plan stratégique est le fruit d'une réflexion menée au sein de FranceAgriMer et de son conseil spécialisé des vins, à la demande du ministre de l'Agriculture. Des groupes de travail représentatifs de la filière se sont réunis à plusieurs reprises depuis octobre 2013. Parmi les sujets de fierté de Jérôme Despey : l'établissement d'un consensus pour considérer qu'il fallait miser sur tous les segments de la production viticole. « Quand on a commencé à travailler, la filière était assez éclatée entre le monde des vins sans IG et celui des IGP/AOC. Les discussions nous ont permis de tomber d'accord sur le fait qu'il faut une stratégie pour tous. Quand on aura mis en place l'encadrement pour éviter le risque de bascule des volumes d'un segment à l'autre, les discussions sur les autorisations de plantation de VSIG seront bien plus apaisées dans les bassins de production mixte », avance le responsable.