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DECANTER WORLD WINE AWARDS La France victorieuse

MATHILDE HULOT - La vigne - n°266 - juillet 2014 - page 8

Remportant sept trophées internationaux, la France a dominé le Decanter World Wine Awards, le premier concours au monde par le nombre d'échantillons dégustés. Une performance saluée par les organisateurs.
ISABELLE BALLAND, DU DOMAINE BALLAND, s'est vu remettre un trophée international  pour son sancerre Grande Cuvée 2012.  © M. PRIOR

ISABELLE BALLAND, DU DOMAINE BALLAND, s'est vu remettre un trophée international pour son sancerre Grande Cuvée 2012. © M. PRIOR

Cocorico ! « Les producteurs français confirment leur suprématie sur la scène internationale du monde vitivinicole », a proclamé la revue anglaise « Decanter », le 24 juin, à l'issue de son concours, le Decanter World Wine Awards (DWWA).

Les Français ont remporté sept « International Trophy » sur les 33 décernés cette année, devançant l'Afrique du Sud, l'Espagne et l'Italie. Ces trophées sont la plus haute distinction délivrée à ce concours. Et la France arrive aussi largement en tête par le nombre de « trophées régionaux » et de médailles d'or. « Cela montre la constante réinvention de la France dont la suprématie est maintenant incontestable », s'est réjoui Steven Spurrier, président de cette épreuve très courue.

Avant d'obtenir un trophée international, les vins doivent décrocher une médaille d'or. Ils sont alors redégustés en vue de l'attribution des trophées régionaux. Ces derniers passent une ultime épreuve à l'issue de laquelle sont décernés les trophées internationaux. À ce stade, « les vins qui nous sont soumis sont tous excellents, résume Gérard Basset, meilleur sommelier du monde et diplômé d'un Master of Wine. Nous cherchons donc le summum, l'équilibre et l'harmonie exceptionnels, le plus qui fait la différence. »

L'annonce des résultats donne lieu à une cérémonie à laquelle les vainqueurs sont invités, à Londres, au Royaume-Uni. Un moment fort qu'Isabelle Balland n'est pas près d'oublier « Quand ils ont dit que le trophée international du meilleur sauvignon vendu au-dessus de 15 livres sterling (18 euros) était décerné à un vin issu de son lieu d'origine, la France, j'ai compris que c'était mon tour. Je n'ai pas touché terre de la soirée ! », explique cette viticultrice de Sancerre (Cher).

Le domaine Balland, 21 hectares en production, a reçu un trophée international pour sa Grande Cuvée 2012, 22 000 bouteilles d'une sélection de vieilles vignes vendues 13,35 €/col au caveau et entre 22 et 24 livres en Angleterre. « Je vinifie une partie en demi-muids, des grains fins de chez Vicard, et l'autre en cuve. Après assemblage, le vin passe douze mois en fûts. » Les Balland vendent 80 % de leur production à l'export à une clientèle fidèle qui apprécie les médailles.

La reconnaissance du travail accompli

Autre distingué : le château Cesseras 2011. C'est un minervois-la livinière produit par Pierre-André Ournac, propriétaire du domaine Coudoulet, à Cesseras (Hérault). C'est le seul vin rouge français à avoir décroché un trophée international cette année. Il était classé dans la catégorie « Rhône de plus de 15 £ », étant un assemblage de cépages rhodaniens : syrah, grenache et mourvèdre.

Pour Pierre-André Ournac, ce prix est une belle reconnaissance du travail accompli dans l'appellation Minervois-La Livinière, née en 1998. Il a produit 33 000 bouteilles en 2011. Il cherche la complexité, l'élégance et la souplesse des tannins. Il vinifie la syrah en macération traditionnelle et douce cherchant « la matière dans les pulpes ». Il vinifie le mourvèdre et grenache en macération carbonique. Puis il assemble et élève son vin pendant douze mois en fûts de la tonnellerie de Mercurey, les meilleurs selon lui.

Pierre-André Ournac ne vend pratiquement qu'à l'export. Berry Bros & Rudd l'a référencé dès 1995. À l'époque, il a vécu comme une récompense de son travail le fait d'avoir été retenu par cet importateur réputé basé à Londres. « Nous avons grandi avec eux, avec fidélité. Ils ont une prestigieuse boutique à Londres. Ils nous ont décroché un contrat avec Virgin Airlines à qui nous vendons nos vins de cépage par lots de 10 000 cols. »

Berry Bros & Rudd lui demande soumettre des échantillons au DWWA. « Je ne cours pas après les médailles, mais ce trophée est une belle reconnaissance venant de gens compétents et surtout influents. » Il va aussi droit au coeur des acheteurs de Berry Bros & Rudd car il prouve leur savoir-faire de sélectionneurs.

Une entrée de gamme récompensée

Autre belle surprise : le domaine Zinck, à Eguisheim, en Alsace, qui se voit attribuer le Best Off Dry (meilleur demi-sec) pour son pinot gris 2012 Portrait de Paul Zinck. Une surprise de taille, car il s'agit d'une entrée de gamme du domaine, un vin vendu 7 € au caveau et plus de 15 £ (8 €) en Grande-Bretagne. « C'est une cuvée de bas de coteau et terres limoneuses. Tout est possible, donc », s'enthousiasme Pascale Zinck qui, avec son mari Philippe, ne s'attendait pas du tout à atteindre le summum avec ce vin.

Cette distinction traduit bien la nature très pragmatique de ce concours. Les juges ne recherchent pas les vins les plus puissants. Ils veulent primer des cuves accessibles pour la majorité des consommateurs, agréables et fruités. Des vins au succès commercial assuré.

Ces récompenses boosteront-elles les ventes ? Isabelle Balland est sereine : « Nous allons en vendre plus, c'est sûr. À Hong Kong, cela pourrait inciter notre importateur à référencer notre Grande Cuvée. » Fin juin, Pierre-André Ournac avait déjà eu quelques appels de cavistes. Mais il attendait que le numéro de « Decanter » présentant les résultats du concours soit diffusé pour avoir une idée de l'impact de son prix. À l'heure d'internet et de l'immédiateté, les acheteurs semblent encore prendre le temps de décider.

15 007 échantillons dégustés

Le Decanter World Wine Awards est le plus grand concours du monde par le nombre d'échantillons dégustés : 15 007 cette année. Il est organisé par le mensuel « Decanter », basé à Londres, une référence pour les distributeurs et les amateurs de vin anglophones. Cette revue est diffusée à 40 000 exemplaires dans 90 pays. 35 % de ses lecteurs sont en Europe, 20 % sur le continent américain et 45 % en Asie. Cette année « Decanter » a attribué 10 489 médailles dont 33 trophées internationaux, 126 trophées régionaux, 298 médailles d'or, 2009 d'argent, 4 397 de bronze et 3 626 recommandations. Tout vigneron qui commercialise ses vins peut présenter des échantillons. Pour chaque étiquette, il faut envoyer quatre bouteilles (aux frais du vigneron) et payer 105 livres HT. Les stickers coûtent 49 livres les mille. Les vins sont dégustés par catégorie d'appartenance, définie par plusieurs critères dont le prix (supérieur ou inférieur à 15 livres), la couleur, la teneur en sucres résiduels, les cépages, etc.

TROPHÉE INTERNATIONAL 2013 POUR LEUR JURANÇON SEC 2012 CAMILLE ET CLAIRE BESSOU-LATRILLE, VIGNERONNES À GAN (PYRÉNÉES-ATLANTIQUES) « Nous avons clairement vendu plus de vin »

« Nous possédons deux propriétés : le château Jolys, créé dans les années soixante, avec 32 hectares, et le château de Jurque, 10 hectares, acquis dans les années 2000 pour répondre à une demande grandissante. Nous réalisons 40 % de notre chiffre d'affaires à l'export. Nous participons tous les ans à des concours. Cela nous coûte cher car nous avons des dizaines de références. Mais il est difficile de décrocher un marché sans médailles. Le DWWA est la récompense la plus percutante au Royaume-Uni, Belgique, États-Unis et Canada, des marchés où nous sommes bien implantés. Nous décrochons à chaque fois une médaille d'or, au minimum, pour nos jurançons secs ou doux. Nos vins ont une typicité que les jurys apprécient : expressifs, gourmands et faciles à boire. L'an dernier, nous avons obtenu le Trophée International pour notre jurançon sec château Jolys, un assemblage de petit et gros manseng à parité, produit en 60 000 exemplaires. Ce fut une sacrée surprise et une belle récompense pour l'appellation Jurançon sec en général. Cette médaille impressionne clairement les acheteurs ! Du coup, nous avons vendu plus de vin, si bien que nous passons au millésime 2013 dès cet été, alors que d'habitude, c'est plutôt en hiver. Pas question pour autant d'augmenter le prix ! Notre préoccupation première est de vendre, pas de vendre plus cher. Si on cible bien les concours, c'est un vrai atout et un bon moyen de décrocher de nouveaux marchés. »

MÉDAILLE D'OR EN 2013 POUR LEUR CAHORS GRANDE CUVÉE 2009 ALAIN ET BENJAMIN GAYRAUD, VIGNERONS AU CHÂTEAU LAMARTINE, À SOTURAC (LOT) « Cela rassure nos acheteurs »

« Nous sommes situés à l'ouest de l'appellation Cahors, sur les belles terrasses de la vallée du Lot, où nous obtenons des vins très élégants. Nous produisons 200 000 à 250 000 bouteilles par an, dont notre haut de gamme, la Grande Cuvée Expression, qui a remporté une médaille d'or au DWWA en 2013 pour le millésime 2009. C'est un 100 % malbec vieilli 20 mois en fûts neufs, vendu 24 euros au caveau et 45 dollars environ aux États-Unis. Cette médaille a conforté nos importateurs anglais, canadiens et américains de nous avoir référencés, car ils sont très sollicités par les vignerons du monde entier. Une belle médaille de Decanter fidélise vos acheteurs ! Et puis la diffusion mondiale de l'information, via le magazine et le site internet, est un réel plus ! Nous exportons plus d'une bouteille sur deux et les médailles sont pour nous essentielles, nous en obtenons une dizaine par an. Cela nous coûte environ 1 500 euros HT (inscriptions et expéditions des bouteilles). Tous nos vins sont médaillés. La médaille ne fait pas plus vendre, surtout s'il s'agit de cuvées chères. Elle conforte et rassure les importateurs, leur confirme qu'ils ont fait le bon choix. Nous n'augmentons surtout pas les prix, ce serait une erreur. La médaille est le gage de notre régularité. Un conseil : pour celui qui veut se lancer à l'export, les concours sont un passage obligé pour se faire connaître et reconnaître. C'est comme bien recevoir un journaliste. »

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