Une vendange manuelle transportée en cagettes, qui passe dans un égrappoir puis sur une table de tri avec quatre ou cinq trieurs. Et hop ! Le raisin égrené et trié est envoyé en cuve. Cette chaîne de réception « classique » a pris du plomb dans l'aile depuis l'émergence de trois équipements capables de remplacer à la fois les érafloirs horizontaux et les trieurs.
Il s'agit du Selectiv' Process Winery de Pellenc, du Cube de Socma et du Delta Oscillys de Bucher Vaslin. Trois machines que l'IFV pôle Bordeaux-Aquitaine et la chambre d'agriculture de Gironde ont évaluées.
« Ces équipements éliminent plus de débris que la plupart des érafloirs horizontaux. Ils respectent mieux la vendange en produisant moins de jus et en lacérant moins les rafles », explique Emmanuel Vinsonneau, l'auteur de l'étude. Pour soutenir cela, il se base sur un banc d'essai d'érafloirs horizontaux qu'il a réalisé quelques années auparavant.
Lors de cet essai, la quantité de déchets éliminé par les érafloirs horizontaux avait varié de 70 à 95 %. Seuls deux équipements en avaient écarté plus de 90 %. Or, les nouveaux appareils en éliminent désormais 84 à 97 %. La moyenne étant de 93 %, l'auteur de l'étude affirme que ces nouveaux équipements trient mieux et plus régulièrement les débris végétaux que les anciens.
Ces débris se retrouvent donc en faible quantité dans la vendange. « Nous en avons mesuré 0,3 %. Ce qui est tout à fait satisfaisant », indique l'ingénieur de l'IFV. Certains égreneurs horizontaux, en laissaient 1 %.
Enfin, ces nouveaux matériels semblent mieux respecter l'intégrité de la vendange. Pour vérifier cela, l'IFV mesure le pourcentage de dilacération des rafles. Avec les trois nouveaux appareils, il est en moyenne de 3 %. Autrement dit, à la sortie de ces machines, trois rafles sur cent sont brisées. « Sachant qu'il ne faudrait pas dépasser 5 %. Si l'intensité de dilacération est importante, il peut y avoir des débris de rafle dans la vendange », prévient l'ingénieur. Avec les anciens égrappoirs, « le taux de dilacération pouvait varier de 5 à 20 % selon le modèle et le réglage ».
Selectiv' Process Winery : Respecte l'intégrité de la vendange
L'IFV a évalué les performances de deux modèles de Selectiv' Process Winery, le M et le L, à des débits proches de 5 t/h. Sachant, d'après Pellenc, que le modèle M peut fonctionner jusqu'à 10 t/h et le L jusqu'à 20 t/h en vendange manuelle.
C'est avec cette machine que la quantité de baies entières est la plus importante après égrainage. Plus d'une baie sur dix reste intacte après passage dans l'appareil, quand le Cube et le Delta Oscillys en laissent moins d'une sur dix. Autre preuve que la machine Pellenc ne maltraite pas les raisins : elle libère moins de jus que les deux autres.
Jean-Noël Bousquet, propriétaire du château Grand Moulin, à Lézignan-Corbières (Aude), l'a bien constaté : « Avec cette machine, nous n'avons pas de baies éclatées. C'est un gain qualitatif par rapport à nos anciens équipements. » Il s'est équipé de l'appareil Pellenc en 2010. Avant, il disposait d'un égrappoir horizontal suivi d'une table où quatre personnes étaient chargées du tri. « Avec l'ancien érafloir, des bouts de rafles passaient dans la vendange. Aujourd'hui, il n'y en a plus », se félicite-t-il.
Catherine Speich, directrice du château La Grande Bauquière, à Puyloubier (Bouches-du-Rhône), pense également que le Selectiv' Process Winery « préserve l'intégrité des baies ». Cette oenologue l'a utilisé pour la première fois en 2013. Elle trouve qu'il « sépare bien les rafles et les pépins du reste de la vendange, dépourvue de déchets ».
Jean-Noël Bousquet a investi dans le Selctiv' Process Winery car il voulait remplacer sa chaîne de tri manuel. « Nous rentrons jusqu'à 60 tonnes de vendange par jour. Le tri manuel est très compliqué », avoue-t-il. Aujourd'hui, il travaille à 5 t/h. Comme il n'a plus besoin de ses quatre trieurs, la machine est rentabilisée en trois à quatre ans.
Il n'y voit qu'un seul inconvénient : « Il faut s'organiser pour évacuer les rafles et les déverser dans le champ. » Catherine Speich apprécie son investissement, mais elle a rencontré des difficultés avec le nettoyage. « Au départ, nous nous y prenions mal, se souvient-elle. Il y a un ordre à respecter. Une fois qu'on le connaît, ça devient plus simple. Mais au début, nous avons vraiment eu du mal, car on ne savait pas où se nichaient les baies et les rafles, ni comment circulait l'eau. »
Cube : Élimine moins de déchets
L'IFV a évalué le Cube de Socma à un débit proche de 6 t/h. Selon la société, l'appareil traite jusqu'à 10 t/h en vendange manuelle. L'institut observe pour sa part que l'équipement élimine moins de déchets que les deux autres. Quand le Selectiv' Process Winery et le Delta Oscillys en ôtent 95 %, le Cube n'en écarte que 93 %. C'est une différence faible, mais il en faut peu pour que des débris végétaux soient responsables de déviations aromatiques.
La quantité de déchets retrouvée dans la vendange avec le Cube est légèrement supérieure à celle des deux autres. De plus, le Cube a tendance à lacérer légèrement plus les rafles, ce qui favorise la présence de débris végétaux dans la vendange. Quatre rafles sur cent sont brisées à sa sortie alors qu'il n'y en a qu'entre deux et trois avec les deux autres systèmes.
Ce n'est pas ce qu'a constaté Pierre-Olivier Joffard, propriétaire du château Salvagnac, à Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse (Aude) : « À la sortie de l'appareil, il n'y a pas de morceaux de rafles dans la vendange. Il n'y a que des raisins. » Achetée en 2012, il utilise la machine pour faire passer l'ensemble de sa production d'une dizaine d'hectares. « Le Cube matraque moins les raisins que l'égrappoir que nous avions avant. Il produit peu de jus et, à la sortie, nous avons des billes », précise-t-il.
Nicolas Burger, maître de chai de la cave des vignerons de Tautavel et Vingrau, à Tautavel (Pyrénées-Orientales), est d'accord : « On élimine au moins 95 % de déchets, mais tout dépend de l'état sanitaire des raisins. » Cela fait plusieurs années qu'il voit fonctionner l'appareil. La cave l'utilise sur ses raisins destinés au vin haut de gamme qu'elle vend entre 12 et 16 euros le col. Les raisins de grenache, carignan ou syrah récoltés à la main passent dans le Cube à une cadence de 1 t/h.
« Les baies sont entières à la sortie. Il peut rester quelques raisins sur les rafles, mais ce sont essentiellement des baies vertes, observe-t-il. Le Cube libère peu de jus : il y a un petit bac de récupération sous l'appareil, on ne le remplit jamais quand on passe 5 000 kg de vendange. » Avant d'investir dans cet équipement, Nicolas Burger a essayé le Selectiv' Process Winery mais, « niveau rapport qualité prix, nous avons préféré le Cube ».
Delta Oscillys : Libère plus de jus
L'IFV a évalué le Delta Oscillys 200 à un débit proche de 5 t/h. Ce modèle peut, d'après Bucher Vaslin, travailler jusqu'à 15 t/h en vendange manuelle. Dans les essais de l'IFV, il a libéré plus de jus que les autres machines. Le pourcentage de baies entières dans la vendange égrenée est d'ailleurs le plus faible. Cet appareil a donc tendance à faire éclater les raisins. Il ne semble cependant pas triturer la vendange, puisque l'intensité de dilacération des rafles et le taux de débris dans la vendange sont plus faibles qu'avec les deux autres équipements.
Philippe Carmagnac, maître de chai du château Gruaud Larose, à Saint-Julien-Beychevelle (Gironde), a commencé à tester le Delta Oscillys 100 il y a deux ans. Selon lui, cet équipement ne produit pas de quantités importantes de jus, même s'il reconnaît que cela « dépend de la vitesse d'oscillation de la cage et de la matière première ».
Benjamin Vimal, directeur technique du château Lagrange, situé sur la même commune, est sur la même longueur d'onde : « L'appareil produit toujours un peu de jus, mais pas plus qu'un autre. » Il le fait fonctionner jusqu'à 12 t/h en vendange manuelle avec satisfaction. Mais le petit verdot pose problème. « Les raisins se décrochent mal des rafles et les pellicules sont fragiles. C'est inhérent à ce cépage. Nous devons osciller plus fortement, ce qui peut faire éclater des baies et libérer du jus », rajoute-t-il.
Avant d'acheter le Delta Oscillys, Philippe Carmagnac a pu tester le Selectiv' Process Winery et le Cube. Il estime qu'il n'y avait « pas de grande différence dans les performances d'égrainage et de tri de ces équipements ». Il a pourtant choisi le Bucher Vaslin. « Le prototype du Cube que nous avions testé était trop fragile. De plus, les revendeurs étaient un peu loin. En ce qui concerne le Winery, le nettoyage était compliqué. Mais avec les nouveaux modèles, c'est apparemment plus simple », indique-t-il.
Il explique qu'à la sortie des appareils, « on n'élimine jamais 100 % des déchets ». Avec le Delta Oscillys, quelques baies sortent éclatées et certaines peuvent rester accrochées à la rafle mais « c'est vraiment négligeable », rassure-t-il. Et surtout, cette machine triture moins la vendange que son ancien érafloir, lequel était également plus difficile à régler. Principal inconvénient qu'il trouve à cet appareil : sa hauteur. Il faut en effet une échelle pour atteindre la trémie et une sauterelle pour l'alimenter.
Une étude sur site en conditions réelles
Entre 2008 et 2012, l'IFV pôle Bordeaux-Aquitaine et la chambre d'agriculture de Gironde ont évalué les qualités d'égrenage et de tri du Selectiv' Process Winery M et L de Pellenc, du Cube de Socma et du Delta Oscillys 200 de Bucher Vaslin. Les essais ont été menés en conditions réelles dans des exploitations bordelaises. Chaque équipement a été testé sur trois bennes d'une tonne de merlot ou de cabernet sauvignon récolté à la main. Ils ont été évalués seuls ou comparés deux à deux. « Les équipementiers ont eux-mêmes réglé leurs machines », précise Emmanuel Vinsonneau, le principal auteur de l'étude. Le débit des chantiers de réception est allé de 2 à 10 t/h. L'IFV a déterminé l'efficacité d'égrainage des appareils en mesurant le pourcentage de baies entières présentes dans la vendange égrenée et triée, le taux de jus libéré, l'intensité de dilacération des rafles, qui correspond à la quantité de rafles brisées, et la quantité de vendange perdue se retrouvant dans les déchets. Elle a également évalué le pourcentage de déchets éliminés par les appareils, leur quantité dans la vendange égrenée ainsi que leur type.