Didier Simonini a acheté le fouloir Extractiv' de Pellenc en 2013. Depuis, il a retiré la bâche de protection située, de série, sous l'appareil pour l'installer au-dessus (1) afin de retenir les projections et éclaboussures. Il a installé un capot en Inox sur le moteur (2) pour le protéger de ces projections. PHOTOS : G. PASQUIER
C'est un variateur mécanique qui détermine la vitesse de rotation de la roue. Une règle, graduée de 0 à 100 %, permet d'ajuster le foulage au niveau souhaité. 0 % correspondant à une vitesse de 400 tours par minute, 100 % à 1 000 tr/min.
La technologie centrifuge éclate les raisins en laissant les pellicules ouvertes. Ce qui augmenterait la surface de contact avec les jus, favorisant l'extraction des composés phénoliques et des précurseurs d'arômes.
Sept heures, ce mercredi 10 septembre, le soleil se lève à peine sur la commune de La Cadière-d'Azur (Var). Mais au Château Salettes, le réveil a sonné depuis longtemps. Pendant qu'une équipe de vendangeurs ramasse le grenache en contrebas du domaine, Alexandre Le Corguillé s'affaire au chai. Le directeur de l'exploitation et quatre de ses ouvriers traitent la vendange ramassée la veille ; de l'ugni blanc stocké à 4°C dans des bacs de 350 kg.
Didier et Cyril vident ces bacs dans une sauterelle qui achemine les grappes dans l'érafloir. Les raisins sont ensuite foulés et tombent par gravité dans le pressoir de 50 hl situé dans une pièce en dessous. Rien que du très classique. Sauf que, l'an dernier, le domaine a changé toute sa chaîne de réception. Il a notamment investi dans le fouloir Extractiv' de Pellenc.
Commercialisé depuis 2013 pour un prix inférieur à 6 000 euros, il se démarque de tous les autres fouloirs : les rouleaux microdentés ou à lobes laissent place à un système centrifuge. Les baies tombent sur une roue en alliage alimentaire munie de six ailettes qui tourne dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Elles sont immédiatement projetées contre les parois internes du capot de l'appareil. Elles éclatent et libèrent leur jus qui s'écoule le long des parois, entraînant les pellicules.
Grâce à ce système, « on ne foule plus en fonction de la taille des raisins mais selon leur niveau de maturité », explique Pellenc. Une vraie évolution pour cette pratique ancestrale. Là où les fouloirs « classiques » écrasent indifféremment les raisins mûrs ou verts, et parfois même les pépins, l'Extractiv' n'éclate, selon la firme, que les raisins à maturité, laissant les verts, plus durs, et les pépins intacts.
La veille, au Château Romanin, à Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône), Stéphane Cottenceau, ingénieur oenologue du département matériel de chai de Pellenc, a expliqué l'autre intérêt du système centrifuge. Il a pris un grain de raisin entre le pouce et l'index, puis l'a écrasé. « Voilà ce qui se passe avec les fouloirs à rouleaux : la baie se fend, libérant son contenu, mais la pellicule s'écrase sur elle-même. Avec l'Extractiv', les baies sont complètement ouvertes. Il ne reste que des lambeaux de pellicule. Cela permet une meilleure extraction des composés phénoliques ou des précurseurs d'arômes car la surface de contact entre le jus et les pellicules est plus importante. »
Pour vérifier cela, rien de plus simple. Un peu de gymnastique pour grimper sur le pressoir du Château Salettes et un zeste de souplesse pour récupérer de la vendange foulée avant que celle-ci ne tombe dans la cage du pressoir. Il y a beaucoup de jus, les raisins sont bien ouverts et, en effet, les pellicules ne sont pas refermées sur elles-mêmes. Difficile quand même d'appréhender la différence avec le travail d'un fouloir traditionnel sans l'avoir sous les yeux.
Alexandre Le Corguillé est, pour sa part, convaincu: « L'Extractiv' triture moins les raisins que le fouloir à rouleaux que nous avions avant. » L'intensité de foulage se règle grâce à un variateur mécanique agissant sur la vitesse de rotation de la roue. Le directeur du domaine a fait des essais l'an dernier et utilise toujours les mêmes réglages. Il place le variateur à « 20 % pour les blancs et 30 % pour les rouges. Au-dessus, les raisins sont trop déchiquetés, en dessous, il reste des baies intactes ». 20 %, c'est une vitesse de rotation proche de 520 tours par minute, 30 % c'est 580 tr/min.
Alexandre Le Corguillé ne voit pas beaucoup de défauts à ce fouloir : « Il se lave bien et se déplace facilement. » Il est en effet monté sur un châssis à quatre roulettes équipées de freins. Lorsque le raisin pénètre à l'intérieur, son bruit, peu intense à vide, s'amplifie du fait de l'éclatement des baies, il vibre mais ne bouge pas d'un pouce. Les freins sont efficaces.
L'Extractiv' est équipé en série d'une grille de protection placée au-dessus de la trémie, qui évite à l'opérateur d'y mettre la main. Le Château Salettes l'a enlevée. Il a installé une jupe en plastique en dessous de l'érafloir qui plonge directement dans la trémie du fouloir, la rendant inaccessible. Cependant, lorsqu'il fonctionne, des éclaboussures et des morceaux de raisins sont projetés à l'extérieur. Sans la jupe installée au-dessus, les projections seraient plus importantes.
Les mêmes désagréments se produisent à la sortie des raisins. Pour y parer, Pellenc a installé une bâche en plastique sous l'appareil. Mais elle est un peu courte. Le Château Salettes a bricolé un système avec du fil électrique et une toile pour la rallonger afin qu'elle plonge directement dans la trémie menant au pressoir, évitant les éclaboussures.
À 9 h 30, le pressoir est plein. Alexandre Le Corguillé et son équipe l'ont rempli avec 25 bacs de vendanges, à raison de trois tonnes par heure. À ces débits, aucun problème pour le fouloir. La société, basée à Pertuis (Vaucluse), annonce même qu'il peut travailler jusqu'à 25 t/h.
Un ouvrier stoppe les machines. L'érafloir et le fouloir s'éteignent séparément. Ils sont indépendants. Au démarrage de la chaîne de réception, il ne faut surtout pas oublier de lancer le fouloir, sous peine de le voir déborder.
À une vingtaine de kilomètres à l'ouest, au Château Barbanau, à Roquefort-la-Bédoule (Bouches-du-Rhône), aucun risque que cela arrive. Didier et Sophie Simonini, les propriétaires, ont investi dans le système d'égrappage et de tri Selectiv' Process Winery S et dans le fouloir Extractiv' de Pellenc. Les deux machines sont asservies ensemble : lorsque Didier Simonini démarre la Winery, le fouloir se met en route.
Ce matin, comme au Château Salettes, il a ramassé de l'ugni blanc. Il l'a transporté dans des cagettes de 30 kg. Il met en route la sauterelle puis, en actionnant un seul interrupteur, la Winery et l'Extractiv'. Les raisins éraflés et foulés tombent ensuite par gravité dans le pressoir.
Didier Simonini voit deux avantages à son installation. Le premier : « Sa compacité, car l'Extractiv' est directement lié au Selectiv Process Winery ». Le second : « Le couple Winery/Extractiv' produit beaucoup moins de bourbes que l'érafloir et le fouloir traditionnels que nous avions avant. Les jus sont aussi plus francs, plus nets, moins oxydés. Mais est-ce imputable à la Winery ou à l'Extractiv' ? Je n'en sais rien », admet le propriétaire.
Il semble donc satisfait de son appareil, même s'il lui a apporté quelques évolutions. « Nous avons enlevé la bâche d'étanchéité en dessous et nous l'avons installée au-dessus, à l'entrée des raisins, pour éviter les projections et les éclaboussures. Nous avons également rajouté un capot en Inox sur le moteur électrique car il n'y en avait pas. Des projections de baies dessus auraient été catastrophiques ». Il pense cependant que ce fouloir est plus simple à nettoyer que l'ancien « même si des raisins peuvent s'accumuler entre la roue centrifuge et son socle ». Il ajoute : « Il y a, à l'origine, une grille de protection par-dessus mais nous l'avons enlevée. Elle provoque beaucoup d'éclaboussures et il est impossible de travailler avec. »
Sur ce point, Pellenc ne peut pas faire grand-chose. La réglementation l'oblige à installer une grille de protection au-dessus de l'appareil pour la sécurité les opérateurs. Pellenc a constaté que des baies et du jus sont éjectés de l'appareil. Pour y remédier, le constructeur a fixé, depuis 2014, une bavette de protection au-dessus des fouloirs installés sur Winery.
Plus de couleur avec l'Extractiv'
En 2010, l'Inra a vinifié un carignan non foulé et la même vendange foulée par l'Extractiv' de Pellenc ou par un fouloir à rouleaux microdentés coniques. Cinq mois après la mise en bouteilles, le vin provenant des raisins foulés dans l'Extractiv' présente une intensité colorante plus forte que les deux autres. Cela serait dû à une extraction plus importante des composés phénoliques. L'analyse sensorielle confirme ce fait : le vin issu de l'Extractiv' est décrit avec une teinte plus foncée et plus violette, alors que les deux autres sont d'une couleur fushia plus claire.