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GÉRER - LA CHRONIQUE JURIDIQUE

La vente à crédit ouvre un droit de rétractation

JACQUES LACHAUD - La vigne - n°268 - octobre 2014 - page 72

Un acheteur qui passe une commande de bouteilles sur un salon peut très bien revenir sur son engagement dès lors qu'il a bénéficié d'un règlement échelonné. Considéré comme de la vente à crédit, cet étalement des paiements ouvre la voie au droit de rétractation.

Les salons et foires sont de plus en plus l'occasion pour les exposants de vendre leur production autour d'une tartine de roquefort et d'un petit verre de la dernière cuvée. Attiré par les produits offerts à la dégustation, le chaland s'arrête et goûte. Lorsqu'il apprécie le vin, il peut vouloir perpétuer ce plaisir passager en achetant quelques bouteilles. Puis, il arrive, une fois l'euphorie passée, que, regrettant d'avoir déboursé une forte somme pour quelques bouteilles, il se dédise de son engagement à les payer en plusieurs fois. Un vigneron en a fait l'expérience.

Le 1er mars 2010, au Salon de l'agriculture, ce producteur a vendu à Martin Gourmet des bouteilles de vin pour un montant total de 1 303,20 euros. En mal de transport, l'acheteur a préféré se faire livrer. Prévoyant, le vigneron a dans ses tiroirs un modèle de contrat, lequel indique que la somme sera payée par le client à la livraison sous forme de six mensualités de 217,20 euros, du 25 avril au 25 septembre. Le transporteur s'acquitte de sa tâche. Reste à Martin Gourmet à régler ses achats sous forme de mensualités.

Mais celui-ci se contente de n'en régler que deux. L'histoire ne dit pas s'il a renvoyé les bouteilles non consommées au producteur, ni même s'il les a bues. En mai 2011, las d'attendre, le vigneron adresse à son client une lettre de mise en demeure de payer. Puis à nouveau en juin. Ne voyant rien venir, il saisit alors le juge de proximité aux fins d'obtenir une injonction de payer. Qu'il obtient.

Le raisonnement du juge est simple. Pour refuser à l'acheteur le fameux droit de se rétracter, et donc de ne pas payer l'intégralité de la commande, il distingue deux bons de commande : celui signé à domicile, qui permet de bénéficier d'un délai de réflexion et de se désengager, et le bon de commande souscrit lors d'une foire ou d'un salon. Pour le juge, la commande passée au Salon de l'agriculture relève du deuxième cas de figure et n'admet donc pas de délai de rétractation. Martin Gourmet doit payer la somme convenue.

Mais ce dernier conteste, et l'affaire se retrouve devant les juges de cassation. La Cour, pour casser le jugement, pose alors un principe juridique à méditer : est assimilable à une opération de crédit à la consommation toute vente dont le paiement est à échéance. Peu importe le lieu où elle a été conclue. Ce qui compte, c'est bien le fait que cette vente, en permettant un règlement échelonné, ouvre, de fait, un crédit à la consommation aux termes des articles L311-2 et L311-15 du code de la consommation. Ce dernier stipule que « l'emprunteur peut, dans un délai de sept jours à compter de son acceptation de l'offre, revenir sur son engagement ». Les juges admettent donc que Martin Gourmet pouvait se dédire de la commande passée avec le producteur.

La Cour de cassation considère donc qu'il ne revenait pas au juge de proximité de faire une distinction entre vente à domicile et vente à l'occasion d'une foire. La question de principe devient alors la suivante : chaque fois que le paiement d'une commande est échelonné, l'acquéreur a le droit de se rétracter totalement ou partiellement. On peut ajouter que le délai de rétractation, de sept jours dans le code de la consommation, a été porté à quatorze jours à la suite d'une directive européenne du 23 avril 2008.

Le présent arrêt*, s'appuyant sur le crédit à la consommation, accorde donc les mêmes avantages à l'acquéreur à l'occasion d'une foire qu'à l'acquéreur subjugué par un bonimenteur à domicile.

* Référence de l'arrêt : Cour de cassation, 3 juillet 2013, n° 12-20238.

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