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Les nouveautés de la loi d'avenir agricole

AUDE LUTUN - La vigne - n°268 - octobre 2014 - page 74

Votée définitivement par l'Assemblée nationale le 11 septembre, la loi d'avenir agricole comprend de nombreuses mesures inédites. Tour d'horizon des principaux points votés par les parlementaires.
PLANTATION DE HAIES au Château Cheval Blanc à Saint-Émilion, en Gironde. Ce type d'initiative pourrait bénéficier d'aides dans le cadre des futurs GIEE. © S. KLEIN

PLANTATION DE HAIES au Château Cheval Blanc à Saint-Émilion, en Gironde. Ce type d'initiative pourrait bénéficier d'aides dans le cadre des futurs GIEE. © S. KLEIN

LES JOURS OU LES HEURES où il sera permis de traiter près des lieux publics pourront être définis. © P. ROY

LES JOURS OU LES HEURES où il sera permis de traiter près des lieux publics pourront être définis. © P. ROY

Création des GIEE

La loi d'avenir crée les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE). Pour le gouvernement, c'est la mesure emblématique de ce texte. Ces groupements bénéficieront d'une majoration des aides publiques et d'un accompagnement agronomique personnalisé. Pour cela, ils devront porter un projet pluriannuel visant la triple performance économique, environnementale et sociale, chère à Stéphane Le Foll.

Toute association ou société (personne morale) composée en majorité d'agriculteurs pourra obtenir le label GIEE. Cependant, le Conseil constitutionnel doit encore donner son aval à la création de ces GIEE (voir encadré).

Mise en place du registre de l'agriculture

L'article 16 de la loi d'avenir agricole instaure le registre de l'agriculture, dès 2015. Il a pour vocation de recenser les agriculteurs actifs. Pour y figurer, ils devront détenir la majorité du capital de leur entreprise, avoir la capacité professionnelle et réaliser un certain volume d'activité. Reste à savoir comment sera déterminé ce volume d'activité. À partir d'un nombre d'heures de travail ou d'un chiffre d'affaires ? Un décret d'application devrait préciser ces critères d'ici fin 2014.

L'inscription au registre sera automatique. Les agriculteurs n'auront pas de formalités à accomplir pour cela. Le registre sera cogéré par la MSA et les chambres d'agriculture, à travers les centres de formalités des entreprises (CFE).

Les Safer renforcées

Alors qu'elles étaient menacées dans la première version du texte, les Safer sortent renforcées par la loi d'avenir. Elles ont su mettre en avant leur rôle pour favoriser l'installation des jeunes agriculteurs. Elles vont pouvoir préempter lors de la vente de la nue-propriété d'un bien, sous réserve qu'elles en détiennent déjà l'usufruit ou qu'elles soient en passe de l'acquérir, ou encore que l'usufruit expire dans un délai inférieur à deux ans. L'objectif est de reconstituer la pleine propriété du bien.

Les Safer ont également la possibilité de préempter les parts des sociétés agricoles mises en vente, à condition que cette vente ait pour but d'installer un agriculteur et qu'elle concerne la totalité des parts de la société. Ces deux conditions sont cumulatives. À noter que la Safer peut préempter sur une société agricole, même si elle ne détient pas de foncier agricole. Ce nouveau pouvoir doit encore être validé par le Conseil constitutionnel (voir encadré).

Par ailleurs, les obligations d'information des Safer, en cas de vente d'un bien agricole, sont renforcées pour leur permettre d'exercer pleinement leur droit de préemption. Désormais, les notaires doivent les avertir de toutes les ventes et donations de terres, d'exploitations, de biens ruraux et de biens forestiers. En cas de violation de l'obligation d'information, la Safer aura six mois - à partir de la publication de la vente - pour demander au tribunal de grande instance d'annuler la vente ou de la déclarer acquéreur à la place de l'acheteur.

Des traitements encadrés

La profession redoutait l'apparition de contraintes pour traiter à moins de 200 mètres de toutes les habitations. Le 24 juin, la FNSEA a organisé des manifestations dans plusieurs départements pour empêcher une telle éventualité. De l'avis de nombreux professionnels, le pire a été évité.

Cependant, les jours ou les heures où il sera permis de traiter près des lieux d'accueil du public, des écoles, des hôpitaux, etc. pourront être définis. Les traitements aux abords de ces lieux pourront être subordonnés à la mise en place de mesures de protection (haies, buses antidérives). En l'absence de telles précautions, le préfet pourra définir une distance minimale à respecter, en deçà de laquelle il sera interdit de traiter. De plus, en cas de construction d'un établissement accueillant un public sensible (enfants, personnes âgées ou malades), le constructeur devra prévoir des protections, notamment des haies, au moment de la construction.

Les coopératives confortées

Coop de France et la Confédération des coopératives vinicoles de France (CCVF) se sont mobilisées pour que les coopératives obtiennent le droit d'acquérir des parts de groupement foncier agricole (GFA) ou de groupement foncier viticole. Elles ont obtenu gain de cause. Elles pourront ainsi aider des adhérents de différentes manières. « Nous pourrons porter du foncier, le temps que l'exploitant puisse l'acquérir. Nous pourrons également apporter un soutien financier à des coopérateurs souhaitant acheter du foncier en prenant des parts dans leur GFA », précise la CCVF.

Autre motif de satisfaction pour les coopératives : « La loi va instaurer un module sur la coopération dans toutes les formations agricoles, se félicite Boris Calmette, président de la CCVF. L'objectif est juste de présenter la coopération, son fonctionnement, avec les droits et les devoirs de chacun, sans faire de prosélytisme. » La coopération rappelle qu'un viticulteur sur deux et trois agriculteurs sur quatre sont coopérateurs. « La coopérative est le prolongement de notre exploitation, poursuit Boris Calmette. Cela peut sembler une évidence pour nous, mais cela ne l'était pas pour les législateurs. Nous ne sommes donc pas dans une relation commerciale avec nos adhérents. Cela est désormais écrit noir sur blanc dans la loi. Ce qui donne une sécurité juridique aux coopératives. »

Les AOC mieux protégées

Des mesures favorables à la protection des terroirs pourront figurer dans les cahiers des charges des AOC. C'était une demande récurrente de la Cnaoc (Confédération nationale des appellations d'origine contrôlée), qui s'était jusqu'à présent heurtée au refus du ministère de l'Agriculture.

Désormais, les cahiers des charges pourront comprendre des mesures environnementales. La Cnaoc a aussi milité pour que les ODG puissent rendre obligatoire l'apposition de dispositifs anti-contrefaçon sur les bouteilles et autres contenants de leur appellation. Le gouvernement l'a entendue. « Pour que la lutte anti-contrefaçon soit efficace, il faut que tous les acteurs d'une appellation menacée prennent des mesures », précise Éric Tesson, juriste à la Cnaoc. Un décret doit définir le cahier des charges auquel devront répondre les dispositifs anticontrefaçons qui pourront être rendus obligatoires.

Toujours sur le thème de la protection des appellations d'origine contrôlée, la Cnaoc avait demandé le droit de s'opposer à l'enregistrement d'une marque, dès lors qu'il y a un risque d'atteinte à l'image, à la réputation ou à la notoriété d'une AOC. Cette demande a été acceptée. Une ordonnance devrait préciser les modalités de l'opposition.

Des commissions pour les espaces agricoles

La loi instaure la création, dans chaque département, d'une commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers (CDPENAF).

Tout changement de destination de terres agricoles, forestières ou naturelles sera soumis à l'avis de cette commission. Si le préfet décide de ne pas suivre son avis, il devra motiver sa décision. La Cnaoc se félicite de cette obligation de motivation, qui donne plus de poids à la commission.

Installation : l'Ama remplace la SMI

La surface minimale d'installation (SMI) disparaît au profit de l'activité minimale d'assujettissement (Ama). Pour savoir si cette activité est atteinte, l'administration s'intéressera soit à la superficie mise en valeur par l'exploitant, soit au nombre d'heures travaillées, soit encore à son revenu.

Le bail cessible rallongé

La durée du renouvellement du bail cessible s'aligne sur la durée de droit commun, à savoir neuf ans, et non plus cinq ans.

Interprofessions : de nouvelles règles de représentativité

La loi d'avenir précise les modalités de la représentativité des interprofessions. La nouvelle OCM, en vigueur depuis le 1er janvier 2014, impose qu'elles doivent représenter deux tiers des volumes de la production ou du négoce pour que les pouvoirs publics puissent étendre leurs accords. La France a décidé que le calcul des deux tiers pouvait se faire en prenant en compte soit le chiffre d'affaires, soit le nombre d'opérateurs auxquels s'applique l'accord.

Deux mesures contestées

Des députés UMP ont déposé, le 15 septembre 2014, un recours devant le Conseil constitutionnel pour demander l'annulation de certaines mesures de la loi d'avenir. Ces députés contestent la possibilité, pour la Safer, de préempter sur la vente de la totalité des parts sociales d'une société agricole. Les députés estiment que cela ne fait pas partie des prérogatives des Safer, d'autant que les sociétés agricoles ne sont pas toutes propriétaires de foncier. Ils contestent aussi l'aide supplémentaire accordée aux GIEE pour soutenir leur effort environnemental. Ils estiment que cela n'est pas conforme au principe d'égalité entre les agriculteurs. À l'heure où nous rédigeons cet article, l'avis du Conseil constitutionnel, qui a un mois pour statuer, n'était pas connu.

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