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VENTE EN LIGNE Le bond en avant des Vif

ÉMILIE-ANNE JODIER - La vigne - n°270 - décembre 2014 - page 6

Les Vignerons indépendants de France lancent leur plateforme de vente en ligne. Ils veulent en faire la première place de marché de vente directe au monde.
AXELLE LEMAIRE, la secrétaire d'État au Numérique, a apporté son soutien enthousiaste à Thomas Montagne, président des Vif (à droite), et au vigneron Cédric Coubris, un des premiers inscrits sur la nouvelle plateforme. © J. OSTY

AXELLE LEMAIRE, la secrétaire d'État au Numérique, a apporté son soutien enthousiaste à Thomas Montagne, président des Vif (à droite), et au vigneron Cédric Coubris, un des premiers inscrits sur la nouvelle plateforme. © J. OSTY

LA PLATEFORME LOGISTIQUE de Mâcon (Saône-et-Loire) depuis laquelle tous les vins seront expédiés.

LA PLATEFORME LOGISTIQUE de Mâcon (Saône-et-Loire) depuis laquelle tous les vins seront expédiés.

« En janvier 2015, achetez-lui son vin directement », indique actuellement la page d'accueil du site web des Vignerons indépendants de France. Bientôt, il sera effectivement possible aux particuliers de commander du vin via ce site. Cette nouvelle plateforme de vente devrait être ouverte dans le courant du mois de janvier. Cinq cents vignerons se seraient déjà inscrits. Pour Thomas Montage, le président des Vif, il s'agit de créer « la première place de marché viticole au monde ».

Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du Numérique, est venue tout spécialement au Salon des Vignerons indépendants, le 26 novembre, porte de Versailles, à Paris, pour découvrir cet outil. « Vous avez compris l'importance de la présence des vignerons sur internet, a-t-elle déclaré, avant de rappeler les enjeux de la vente de vin sur le web. J'espère que le monde entier pourra bientôt découvrir vos produits et les terroirs qu'ils représentent grâce à ce site. Vous avez trouvé l'outil pour répondre avec efficacité aux demandes des consommateurs. Alors, je lance un appel aux vignerons indépendants qui ne sont pas encore sur le site : ne ratez pas le rendez-vous ! »

Cédric Coubris ne l'a pas manqué. À la tête du Château La Mouline, un cru bourgeois de Moulis, dans le Bordelais, il fait partie des premiers inscrits.

Il a déjà connu une première expérience avec le site de la Fédération des Vignerons indépendants d'Aquitaine. « Nous avions estimé, il y a sept ans de cela, qu'il était impossible de passer à côté de la vente sur internet. Nous avons été précurseurs, mais nous n'avons pas réussi à transformer l'essai. » Parmi les difficultés rencontrées : budget inadapté, communication insuffisante, référencement compliqué... « Un site, ce n'est pas difficile à monter, témoigne le viticulteur, mais ce n'est pas parce qu'il existe que les gens vont venir commander. Il faut savoir les attirer. »

C'est tout l'enjeu du site des Vignerons indépendants : mettre en place une communication efficace pour inciter le consommateur à s'y rendre. « Nous avons prévu un budget de 500 000 euros pour attirer du monde sur le site dès janvier », déclare Jean-Jacques Jarjanette, directeur des Vif. Campagne d'affichage et spots radio viendront renforcer la communication déjà en cours sur les salons où les Vignerons indépendants reçoivent 600 000 personnes par an.

Le projet a été mis en place avec les fondateurs du site ventealapropriete.com. Il repose sur la technologie développée par la société Plugwine. Chaque vigneron peut mettre jusqu'à quatre de ses vins en vente sur la plateforme. « Les vignerons gèrent eux-mêmes les contenus et les informations relatifs à leurs vins et à leur domaine. Ils ont la maîtrise totale de leurs prix de vente », explique Christophe Viet, fondateur de Plugwine. Pour chaque vin, il faut remplir une fiche. « On répond à une sorte de QCM pour expliquer la couleur, le nez et le goût du vin. C'est l'affaire de deux minutes. Une fois que la fiche est validée, elle est traduite en cinq langues en quelques minutes ! Je peux alors l'imprimer pour l'utiliser sur un salon à l'étranger, par exemple. »

L'inscription étant gratuite, elle ne coûte que le temps nécessaire à remplir sa page et ses fiches. « Un webmaster pour l'entretien d'un site coûte environ 80 euros par mois, sans possibilité de traduire les éléments, compare Cédric Coubris. Plugwine offre un outil commercial qui est rentabilisé dans la minute. » La société se rémunère sur un pourcentage des ventes.

Les consommateurs pourront commander des bouteilles à différents vignerons. Ils ne paieront qu'une fois. Tout leur sera livré en même temps. Les viticulteurs seront, quant à eux, facturés chacun de son côté. « La seule contrainte, c'est que nos bouteilles soient disponibles dans l'entrepôt de Mâcon d'où elles seront expédiées », relève Cédric Coubris. « Internet, c'est le marché de demain », assure ce viticulteur qui communique déjà auprès de ses clients pour faire connaître la nouvelle plateforme.

Mais la France n'est qu'une étape. Christophe Viet a l'ambition de vendre au-delà des frontières. « Nous allons créer un réseau de représentants dans chaque pays pour s'occuper des droits de douanes et d'accises. C'est impossible à réaliser pour quelques vignerons seulement. Mais en mettant en commun les volumes et les moyens, nous avons toutes les chances de réussir. »

La concurrence sévit sur le net

57 % des Français disent acheter leur vin sur internet via des sites de producteurs, selon le dernier baromètre SoWine. Ce chiffre n'a pas échappé aux Vignerons indépendants. Il faut dire que la concurrence ne manque pas sur internet : 350 sites vendraient ainsi du vin sur la toile, selon les dernières estimations de Kedge Business School, à Bordeaux (Gironde). Mais si le consommateur reconnaît préférer s'approvisionner directement auprès du vigneron, ce dernier admet volontiers qu'il est compliqué de se lancer seul sur un tel marché. Les viticulteurs qui souhaitent donc vendre eux-mêmes leurs produits sur le web ont commencé à se regrouper. Plusieurs sites ont ainsi vu le jour, comme chateauonline.com, par exemple, désormais inactif. Pour d'autres, créés par des geeks passionnés par le vin pour faciliter la tâche des vignerons, comme lesgrappes.fr, l'essai est encore à transformer.

Le Point de vue de

SOPHIE CINIER, DOMAINE SOPHIE CINIER, À FUISSÉ (SAÔNE-ET-LOIRE), 2,33 HA

« Attirer de nouveau clients et fidéliser les autres »

« Nous sommes un petit domaine. J'ai fait le choix de ne pas avoir de site marchand. Je sais tout ce que ça peut représenter comme travail et comme contrainte, notamment au niveau logistique. Je vends environ 30 à 40 % de ma production sur les salons auprès des particuliers. Deux raisons m'ont amenée à m'inscrire sur la plateforme des Vignerons indépendants. D'une part, je suis convaincue que demain on vendra beaucoup plus de vin sur internet qu'aujourd'hui. D'autre part, le site est simple et il véhicule l'image des Vignerons indépendants. Mais il ne faut pas croire pour autant que tout le travail est fait ! Commercialement, il faut quand même être présent, il faut aller vers le client et lui expliquer l'intérêt de la plateforme. Pour moi, c'est une occasion idéale de toucher un nouveau public. Les plus jeunes, tout d'abord, pour qui internet est un passage obligé. Mais aussi les gens très actifs, très occupés, qui n'ont pas le temps de venir nous rencontrer au domaine ou sur les salons. C'est aussi une occasion de fidéliser certains clients. Par exemple, j'ai participé à un salon à Toulouse où je ne pourrai pas retourner. Grâce au site, les gens que j'ai rencontrés à cette occasion pourront acheter mes vins sans intermédiaire et sans contrainte technique pour moi. »

Le Point de vue de

MARTIN CLERC, DOMAINE LOUIS CLERC, À CHONAS-L'AMBALLAN (ISÈRE), 6 HA

«J'ai tout de suite adhéré à l'idée»

« Nous vendons chaque année 15 000 bouteilles environ, soit 40 % de notre production, aux particuliers, essentiellement sur des salons et au domaine, mais aussi aux cavistes. J'aimerais bien écouler la totalité de ma production en bouteilles à l'avenir. Je réfléchissais très sérieusement à créer un site marchand. J'avais pas mal d'idées mais pas beaucoup de moyens financiers. Le site des Vignerons indépendants est arrivé à ce moment-là ! J'ai tout de suite adhéré à l'idée. Nous avons été informés en juin. Je me suis inscrit dès le mois de juillet. Je mets en vente la totalité de notre offre en bouteilles. Je pense que dans l'avenir, ce genre de site va surtout intéresser les jeunes. C'est une bonne manière de créer une continuité avec la clientèle que nous rencontrons sur les salons. Pour faire connaître le site, j'envisage de proposer une offre spéciale à tous mes clients dès qu'ils seront en ligne afin qu'ils aillent acheter sur internet. En terme d'objectif, j'aimerais que 5 % de mes ventes auprès des particuliers se fassent par le site internet dans les cinq ans à venir. »

Le Point de vue de

PIERRE DE COLBERT, CHÂTEAU DE FLAUGERGUES, À MONTPELLIER (HÉRAULT), 30 HA

« Vendre sur internet, c'est un vrai métier »

« J'ai déjà eu une expérience décevante sur internet. Avec plusieurs vignerons du Languedoc, nous avions créé une association et un site vitrine, clubdeschateaux.com. Je suis un "geek" dans l'âme, je suis très sensible aux nouvelles technologies. En revanche, j'ai toujours eu conscience qu'une boutique en ligne, c'était très compliqué à mettre en place. Avec l'association, nous avons affronté divers problèmes : nous étions mal référencés, nous n'avions pas de logistique ni de moyen simple de paiement. En gros, c'était la panique à bord dès que nous recevions une commande. Vendre sur internet, c'est un vrai métier. Au niveau commercial, les Vignerons indépendants n'étaient pas forcément offensifs, à part sur les salons. Ce site internet représente une nouvelle ère : je souhaite de tout coeur que cela fonctionne. En tout cas, le modèle est très pratique. Le problème d'un site internet, c'est qu'il faut que ça vive, sinon ça ne sert à rien. Je suis très connecté : sites internet, blogs, réseaux sociaux... Je me sers de tous ces outils pour communiquer sur mon domaine. Sur internet, il faut savoir diversifier ses réseaux. Le site des Vignerons indépendants ajoute une corde à mon arc. »

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