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DOSSIER - Plantations nouvelles : ce que veulent les régions

LES RÉGIONS EN POINTE

COGNAC L'enthousiasme retombe

MYRIAM GUILLEMAUD - La vigne - n°271 - janvier 2015 - page 38

Le négoce souhaite agrandir le vignoble de près de 10 % de sa surface actuelle. Constatant le ralentissement du marché, la viticulture n'est pas aussi pressée. Et elle demande à ne pas supporter seule le risque d'un accroissement des surfaces.
Les viticulteurs veulent des certitudes avant de se lancer dans de nouveaux investissements. © J.- M. NOSSANT

Les viticulteurs veulent des certitudes avant de se lancer dans de nouveaux investissements. © J.- M. NOSSANT

C'est le négoce qui en a lancé l'idée : étendre le vignoble de cognac pour répondre à la demande de marchés plus que porteurs. Le bruit a d'abord circulé en coulisses début 2012, le plus souvent lors de réunions de livreurs avec des maisons de négoce. Puis, en mai, le PDG d'Hennessy et celui de Martell ont mis le sujet sur la place publique, évoquant la nécessité d'un agrandissement de 10 % du vignoble. Au départ, la viticulture a accueilli la nouvelle avec circonspection. Puis elle s'est faite à l'idée.

En 2013, les deux familles réunies au sein de l'interprofession ont donc lancé le projet d'une extension du vignoble de 7 000 à 8 000 ha en plus des 77 000 ha actuels. Elles envisagent alors d'effectuer les plantations sur cinq à huit ans en commençant le plus tôt possible. Pour établir cette fourchette, l'interprofession s'est appuyée sur le business plan réactualisé en 2012 par le cabinet d'expertise Eurogroup, initialement réalisé en 2008, juste avant la crise financière internationale.

En 2014, la viticulture semble s'être ravisée. Lors des dernières élections au bureau national interprofessionnel du Cognac, en novembre dernier, les représentants du négoce ont à nouveau mis le sujet de la croissance du vignoble sur le tapis. À cette occasion, les viticulteurs, ayant observé un ralentissement du marché, se sont montrés plus réticents. Avec 155 millions de bouteilles, les expéditions de la campagne 2013-2014 ont accusé une baisse de 6,6 % par rapport à 2012-2013. Certes, la flambée des années 2010-2012 ne pouvait pas durer. L'euphorie est retombée. Les expéditions sont revenues au niveau confortable qu'elles avaient atteint avant la crise de 2009. Désormais, les viticulteurs veulent des certitudes avant de se lancer dans de nouveaux investissements.

Dans les toutes prochaines semaines, ils y verront un peu plus clair. Le business plan sera à nouveau réactualisé pour tenir compte des dernières évolutions des marchés. Plusieurs indicateurs de pilotage de la filière seront passés à l'essoreuse : sorties de cognac, production de l'année après les violents orages de grêle de l'été dernier, niveau des stocks, prix des eaux-de-vie, des comptes 00 et surtout des comptes 1, 2 et 3.

« Nous saurons si nous sommes toujours sur la bonne trajectoire, indique Stéphane Roy, président de l'Union générale des viticulteurs pour l'appellation Cognac (UGVC). Dans le cas contraire, il y aura une alerte. Et notre situation sera à nouveau examinée chaque année au cours des trois ans à venir. Ce qui se passe en Chine [où les achats ont chuté de 20 %, NDLR] va avoir un impact sur le nombre d'hectares qu'il nous faut planter et sur la date de mise en route du programme. Peut-être n'aurons-nous pas le même objectif, ni le même planning qu'en 2013. »

Selon lui, l'hypothèse de départ, à savoir planter 8 000 ha en sept ans, n'est sans doute plus d'actualité. Malgré les incertitudes de la situation actuelle, les viticulteurs les plus confiants se disent partants, à condition que le négoce partage le risque de l'agrandissement du vignoble. Ils calculent qu'une plantation nouvelle coûte autour de 20 000 €/ha. Ils souhaitent des allongements de la durée des contrats et une revalorisation des prix.

Les pessimistes, en revanche, rappellent les précédentes crises du cognac. Ils évoquent le doublement des surfaces dans les années 1970 qui avait conduit à une surproduction et à une forte chute des prix. Ils se remémorent l'arrêt brutal des importations japonaises en 1991 qui avait généré une période noire d'une dizaine d'années.

D'autres encore sont convaincus que les 8 000 ha évoqués l'an dernier sont d'ores et déjà actés et s'inquiètent de la répartition des surfaces à planter.

« Nous devons faire de la pédagogie, reconnaît Stéphane Roy. Mais le plus important est que la dynamique du renouvellement à laquelle nous assistons depuis deux ou trois ans ne se brise pas. Notre priorité reste bien le renouvellement. »

Au-delà du business plan, la viticulture scrutera à la loupe l'évolution des prix, du taux de contractualisation, qui a fortement augmenté ces deux dernières années, et du rendement lors de la prochaine campagne. Tout signe de baisse de l'un de ces trois critères donnera un coup de frein au projet d'extension du vignoble.

Le négoce est conscient de ces attentes. Il se veut rassurant et explique la baisse du marché chinois par les stocks constitués les années précédant le renforcement de la lutte anticorruption. Et surtout, il met en avant la forte progression de marchés émergents : Nigeria, Afrique du Sud, Mexique et Brésil. Il persiste à penser qu'il est nécessaire d'agrandir le vignoble. Mais, quoi qu'il en soit, il assure qu'il s'en tiendra aux données du business plan pour guider la filière.

Le Point de vue de

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT PLANTER ?

Christophe Brandy, SCEA du Bois de Tarsac, 38 ha, St-Saturnin (Charente)

« L'agrandissement du vignoble doit être pris avec beaucoup de précautions. Nous avons déjà connu des périodes où nous avions trop de surfaces. Des excédents feraient à nouveau baisser les prix. Mais si les grandes maisons et le business plan affirment qu'il faut davantage de cognac, on doit y réfléchir et vérifier si cela est nécessaire. Il faut rester prudent, sans louper le train. Si les consommateurs n'ont pas assez de cognac, ils se reporteront sur d'autres alcools. »

Le Point de vue de

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT PLANTER ?

Thierry Renaud viticulteur, 4,5 ha, Baignes-Ste-Radegonde (Charente)

« J'ai discuté avec mon courtier et des voisins : pour tout le monde, le rendement du cognac va baisser. Certains parlent de 10 hl d'alcool pur par hectare, d'autres de 9 hl. Comme les rendements baissent, planter davantage n'a pas de raison d'être. La crise russe et le recul des achats chinois vont se traduire par une baisse des prix payés par le négoce. Avec tout ce qui s'est distillé depuis cinq ans, il y a des stocks. Le négoce a acheté cher pendant l'embellie. Mais il va baisser les prix pour se refaire de la marge. »

Le Point de vue de

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT PLANTER ?

Gabriel Moine, Domaine Moine Frères, 40 ha, Jarnac (Charente)

« Les chiffres des ventes de cognac dans le monde ne sont pas bons. Le projet d'extension du vignoble doit être enterré. C'est le négoce qui est demandeur. Il a mis la pression sur les viticulteurs pour planter davantage. Mais il est encore trop tôt pour augmenter les surfaces. La Russie est en crise, les États-Unis ne sont pas encore repartis, quant à la Chine, on ne sait pas à quelle sauce on va y être mangés. Il faut attendre l'arrivée sur le marché des pays émergents. »

L'essentiel de l'offre

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