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VIN

Vitia-F Le fût multifonction

MARION BAZIREAU - La vigne - n°273 - mars 2015 - page 54

Cette innovation bouscule la vinification et l'élevage des vins sous bois. Contrôle de la température, de l'oxygène dissous et de la pression, pigeage, extraction des lies et soutirage : elle fait presque tout. Reste à voir si elle se fera une place dans les chais.
ARNAUD ROUSSAC INVENTEUR DU VITIA-F, un fût remplissant une quinzaine de fonctions. © F. BASSOLEIL/LE BIEN PUBLIC

ARNAUD ROUSSAC INVENTEUR DU VITIA-F, un fût remplissant une quinzaine de fonctions. © F. BASSOLEIL/LE BIEN PUBLIC

Dès le premier regard, on se dit que le fût Vitia-F n'a rien à voir avec un fût classique : les douelles sont droites et non cintrées. À l'arrière, il embarque plusieurs technologies, selon la demande du client : une pompe à chaleur et des sondes de température, de pression, de CO2 et d'oxygène dissous (photo). En faisant le tour, on se convainc définitivement que l'objet est sans pareil. Le Vitia-F se compose en effet d'une double coque cylindrique de chêne. La coque externe englobe la coque interne qui contient 200 ou 228 litres de vin, selon les modèles. De plus le fond avant est pourvu de robinetterie en Inox.

Fort de ces équipements, Vitia-F propose un système autonome de thermorégulation et de gestion des échanges gazeux. Arnaud Roussac, son créateur, souligne que « Vitia-F permet le contrôle de nombreux paramètres tout en conservant les avantages du fût de bois traditionnel ». À commencer par la température : enroulé autour du fût interne et relié à la pompe à chaleur, un échangeur thermique permet de réchauffer ou de refroidir le vin. « On peut maintenir les vins au chaud pour déclencher les fermentations malolactiques », explique l'inventeur.

Autre fonction : la micro-oxygénation pour aider, par exemple, les fermentations alcooliques languissantes. Pour ce faire, une sonde mesure l'oxygène dissous dans le vin. Si la valeur obtenue est inférieure à la consigne, un micro-oxygénateur, raccordé à une bonbonne de gaz comprimé, rectifie le tir.

Il est également possible de soutirer le fût en vingt minutes, sans pompage, et jusqu'à 12 mètres de hauteur, en y injectant de l'air comprimé pour augmenter la pression qui peut atteindre 1,7 bar. Le fût permet, en outre, l'automatisation de certaines tâches, telles que les pigeages, bâtonnages et extractions de lies. Au total, le fût remplit une quinzaine de fonctions.

Tout le travail se fait en façade. Un des fonds de Vitia-F est équipé d'un robinet de dégustation, d'une bonde de remplissage en hauteur et d'une vanne basse de remplissage ou de vidange. Un écran tactile permet de piloter tous les paramètres et opérations : niveau d'entonnage, température de fermentation ou d'élevage, teneur en oxygène, soutirage, etc.

Toutes options comprises, le Vitia-F coûte 3 000 € HT. Le modèle de base ne permettant que le contrôle des températures coûte 1 000 € HT. Mais une fois l'investissement réalisé, les viticulteurs font des économies. « La coque intérieure, que l'on remplace lorsqu'elle n'apporte plus de boisé, ne coûte que 45 % du prix d'une barrique traditionnelle. » En outre, l'idée est de réduire le nombre d'analyses et de limiter les pertes de vin.

Vincent Boyer, du Domaine Boyer-Martenot, à Meursault (Côte-d'Or), a participé au rodage du fût durant les dernières vinifications. Le concept « peut nous faciliter la vie. Par exemple l'autre jour, je ne me rappelais plus si j'avais réajusté le sulfitage de ma barrique. Je n'avais rien noté sur mon cahier. En m'affichant la teneur précise en SO2 de mon vin, Vitia-F m'aurait fait gagner du temps et une analyse ».

Le fût est livré avec un paramétrage standard et s'installe simplement en le raccordant à une prise de courant. Après l'installation, Rtech-Œnologie délivre une formation sur site. Vincent Boyer voit cela d'un bon oeil car « nous n'avons pas forcément de repères, par exemple, sur la gestion de l'oxygène. Traditionnellement, on met le vin en barrique et on n'y touche plus, ou très peu ». Le défi réside donc dans la vulgarisation de cet « ovni » des chais. Clémence Roussac, l'épouse d'Arnaud, doit approcher les distributeurs locaux et les convaincre de la facilité d'utilisation du fût dont la commercialisation va débuter cette saison. Quant à Arnaud Roussac, il continue d'explorer son filon. Il développe des capteurs de SO2, d'éthanol et de sucre pour étoffer encore son innovation.

Des débuts prometteurs

La société Rtech-Œnologie, créée en mai 2014, s'est implantée à Levernois en Côte-d'Or. Elle propose du matériel vinicole, mais également une gamme d'équipements thermiques : groupe de froid, échangeurs de chaleur, etc. Et pour cause, à sa tête, Arnaud Roussac vient du génie thermique. « L'idée de Vitia-F a germé il y a deux ans, lors d'un repas avec des amis vignerons qui rencontraient des difficultés dans la maîtrise des températures de leur vin. Notre prototype s'est fait remarquer lors du dernier Vinitech. Nous avons pris de nombreux contacts, le fût intéressant même des opérateurs étrangers et l'industrie des spiritueux. C'est très encourageant mais aujourd'hui nous préférons nous développer au niveau local, pour pouvoir assurer une maintenance de qualité, le temps que le fût fasse ses preuves. »

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