« Nous commercialisons 20 % de notre production en direct, soit 4 à 5 millions de cols de bordeaux et d'entre-deux-mers par an, annonce Philippe Hébrard, directeur des Caves de Rauzan Grangeneuve, en Gironde. Nous avons une particularité : nous vendons 40 % de ces bouteilles en restauration. C'est plus que nos confrères de la région. »
Cette union de producteurs travaille avec France Boissons, les réseaux C10 et Distriboissons, trois entreprises spécialisées dans la distribution de boissons aux restaurateurs. « Nous leur proposons que nos vignerons accompagnent leurs commerciaux dans leurs tournées », indique Philippe Hébrard. La coopérative a ainsi constitué une équipe de dix adhérents qui viennent en appui aux commerciaux pour convaincre les restaurateurs de passer commande.
« Nous parlons de nos vins, de nos appellations, de la manière dont nous conduisons nos vignes. Et nous faisons aussi déguster les produits », souligne Jean-Baptiste Miane, l'un des coopérateurs qui participe à ces tournées. Il a remarqué que les restaurateurs se montrent plus à l'aise en sa présence, car il n'a pas une casquette commerciale. Il part en tournée deux à trois fois par an, du lundi au vendredi, pour trois jours effectifs de rencontres.
Avant de quitter Rauzan, il emporte des échantillons de vins distribués de longue date par le revendeur, des nouvelles cuvées que la coopérative souhaite référencer et celles faisant l'objet d'une promotion. Exemple courant d'offre : une bouteille gratuite pour douze achetées. Le viticulteur emporte aussi avec lui les fiches techniques des vins et des objets publucitaires : chevalet, set de table, verre, tire-bouchon, bec verseur aérateur... à l'effigie de la cave. « Nous les remettons aux bons clients ! », commente Jean-Baptiste Miane.
Les « vignerons-animateurs » sillonnent ainsi une partie de la France : la Bretagne, la Normandie, Paris, le Jura... « En moyenne, nous nous rendons chez quinze à vingt restaurateurs par jour, poursuit Jean-Baptiste Miane. À chaque voyage, une journée est entièrement consacrée à de la prospection pure, c'est-à-dire à visiter des établissements qui ne vendent pas nos vins. » Les restaurateurs sont sensibles à la venue d'un viticulteur. Ils sont plus enclins à commander les vins de la cave après cette rencontre.
Ces tournées sont aussi destinées à promouvoir la coopérative auprès des commerciaux des distributeurs. « Ce sont souvent des jeunes peu formés aux vins, observe Philippe Hébrard. Après trois jours passés avec l'un de nos vignerons, ils sont sensibilisés à notre entreprise et à nos produits. »
Les retombées varient en fonction des périodes et des promotions offertes par la cave. Elles dépendent également des entreprises. Chez France Boissons, Rauzan a réussi à placer de nouvelles références alors que ce distributeur a simplifié son offre. Chez C10 et Distriboissons, qui sont des réseaux de grossistes indépendants, il s'agit de convaincre ces revendeurs locaux de devenir clients de la cave. Selon Philippe Hébrard, les commandes tombent systématiquement. En moyenne, « à l'issue de la tournée, ils nous achètent une palette, soit 1 200 bouteilles, annonce-t-il. Puis 5 000 l'année suivante et le double l'année d'après. »
Le commercial de la coopérative organise les déplacements des vignerons avec les responsables des entrepôts. Il les contacte en décembre et en mars au moment où les restaurateurs établissent leurs cartes des vins. Ils s'entendent sur les dates et les échantillons que le vigneron doit apporter. La cave s'assure que le commercial est bien informé de la venue du coopérateur. Il est en effet arrivé qu'il ne soit pas au rendez-vous... Au total, 270 journées de ce type sont organisées chaque année. La cave prend en charge les coûts liés aux déplacements des viticulteurs. Ces derniers reçoivent une indemnité journalière de 80 €/jour calculée sur la base du coût de travail d'un ouvrier dans les vignes.