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AU COEUR DU MÉTIER

« Prête à accroître les ventes conditionnées »

FLORENCE BAL - La vigne - n°275 - mai 2015 - page 28

GAËLLE REYNOU-GRAVIER a repris le domaine familial, en Dordogne, en 2013 après une expérience en entreprise. Elle entend développer les ventes conditionnées. Elle mise sur les particuliers et les grandes surfaces.
LE TABLEAU DE BORD DE LEUR EXPLOITATION

LE TABLEAU DE BORD DE LEUR EXPLOITATION

SOUHAITANT DÉVELOPPER la vente directe au domaine, Gaëlle a amenagé, pour l'instant, une petite salle faisant office de caveau. Elle présente ici sa nouvelle gamme « G ».  PHOTOS : F. BAL

SOUHAITANT DÉVELOPPER la vente directe au domaine, Gaëlle a amenagé, pour l'instant, une petite salle faisant office de caveau. Elle présente ici sa nouvelle gamme « G ». PHOTOS : F. BAL

GAËLLE ATTACHE LES BAGUETTES tandis que son père change les piquets défectueux sur une parcelle de merlot plantée en 2001 en montravel rouge.

GAËLLE ATTACHE LES BAGUETTES tandis que son père change les piquets défectueux sur une parcelle de merlot plantée en 2001 en montravel rouge.

FIN MARS, DÉGUSTATION au chai des bergeracs rouges élevés dans des cuves Inox en compagnie de Patricia Guéry, auprès de qui la viticultrice prend conseil pour étoffer son offre. Cette oenologue d'Euralis l'a aidée à mettre au point un rosé sec, fruité et atypique pour la région.

FIN MARS, DÉGUSTATION au chai des bergeracs rouges élevés dans des cuves Inox en compagnie de Patricia Guéry, auprès de qui la viticultrice prend conseil pour étoffer son offre. Cette oenologue d'Euralis l'a aidée à mettre au point un rosé sec, fruité et atypique pour la région.

GAËLLE ET SON PÈRE JEAN-YVES goûtent le chardonnay en IGP Périgord fermenté et élevé en barriques qui fera une cuvée haut de gamme.

GAËLLE ET SON PÈRE JEAN-YVES goûtent le chardonnay en IGP Périgord fermenté et élevé en barriques qui fera une cuvée haut de gamme.

« Tout est prêt pour que les ventes conditionnées et le chiffre d'affaires se développent, confie Gaëlle Reynou-Gravier. Le millésime 2014 sera un tremplin pour moi car il allie quantité et qualité. » Vingt et un mois après avoir repris le domaine familial, cette vigneronne de 35 ans aborde l'avenir avec confiance.

Dès le lycée, de 1997 à 1999, elle savait qu'elle reprendrait l'exploitation. Son frère, tout à sa passion de la micromécanique, n'était pas intéressé. Ses parents ont alors créé une EARL en prévision de la transmission. Ils sont aujourd'hui associés non exploitants. Sa mère Annette a toujours travaillé à l'extérieur. Quant à son père Jean-Yves, il continue de lui donner un coup de main à la vigne.

Gaëlle possède un BTS viti-oeno, un diplôme d'ingénieur de l'Enita de Bordeaux et un diplôme d'aptitude à la dégustation. Jusqu'à ses 33 ans, elle a travaillé comme chef de produits chez Lamothe-Abiet. « Je voulais acquérir de l'expérience à l'extérieur avant de revenir sur la propriété, confie-t-elle. J'ai ainsi appris à placer un produit sur son marché, j'ai beaucoup voyagé à l'étranger, et je parle anglais et espagnol. »

En 2013, elle pose ses valises au domaine de Perreau, à Saint-Michel-de-Montaigne, en Dordogne. La propriété familiale compte 21,4 ha dans le prolongement direct des coteaux de Saint-Émilion et des côtes de Castillon. Elle produit les appellations Bergerac, Montravel et Côtes-de-Montravel. Elle comprend également 3 ha que Gaëlle a achetés en 2010 avec son époux Jérémie Gravier - actuellement responsable de cinq exploitations chez un négociant, propriétaire du Bordelais -, qu'ils replantent petit à petit en blanc.

Agents multicartes

Son père vendait entre un quart et un tiers de la production en bouteilles et en BIB, et le solde en vrac au négoce. « Il avait fortement développé le réseau des cavistes et des grossistes. Il travaillait avec deux importateurs, l'un anglais l'autre belge (7 000 bouteilles en tout). Je continue avec eux », poursuit Gaëlle, qui a recruté deux agents commerciaux multicartes pour cibler ce secteur. Car, pour l'instant, elle met la pédale douce sur les déplacements à l'étranger, ses enfants étant encore en bas âge.

Son objectif est de vendre 80 % de sa production en bouteille ou en BIB. Elle veut conserver 10 à 20 % de vrac, car « c'est intéressant en termes de trésorerie », explique-t-elle. Cette année, elle espère vendre 45 000 bouteilles et augmenter significativement ses ventes en BIB, bien que l'appellation Bergerac « ne soit pas facile à vendre ».

Sa priorité a été de revoir la gamme des vins, la communication et le packaging (voir encadré page suivante). Désormais, elle s'affirme comme la première vigneronne sur l'exploitation après quatre générations d'hommes. Elle a imaginé un slogan qu'elle affiche sur les salons : « Domaine de Perreau, une femme et ses vins ». Pour le millésime 2014, exit la classique gravure du domaine et place a une nouvelle étiquette où apparaît une silhouette de femme née d'un énergique coup de pinceau. Ce changement aurait pu effrayer. Mais non, les cavistes et restaurateurs sont ravis. Sur les salons, la nouvelle étiquette attire les jeunes. Et comme le rapport qualité/prix est bon, « lorsque les clients goûtent, ils n'hésitent pas, raconte Gaëlle. Ils achètent directement une caisse ou six bouteilles ».

Vente aux particuliers, directe et en GD

Parmi les pistes de développement : la vente aux particuliers, un créneau que ne ciblait pas son père. Pour ce faire, elle a planifié sa participation à une dizaine de salons de vins et de gastronomie. « Cela prend du temps, mais c'est intéressant, estime-t-elle. Je ne participe pas aux gros salons, comme celui des Vignerons indépendants, car le coût est assez important et il est difficile de se faire une place au milieu de vignerons qui vendent ainsi depuis vingt-cinq ans et qui ont leur clientèle. Mieux vaut cibler de petits salons dans de petites villes où je connais du monde, de la famille ou des copains qui permettent de créer des relais sur place. »

Par exemple à Besançon, où son frère est installé, et à Verrières-le-Buisson dans l'Essonne, fief de son mari, où ils ont « cartonné » pour le marché de Noël avec 6 000 euros de chiffre d'affaires en un week-end. En revanche, le Salon des vins et de la gastronomie de Vertou (Loire-Atlantique), en février dernier, a été un échec avec 170 cols vendus dans le week-end, mais c'était la première année.

Gaëlle compte aussi développer les ventes au domaine. « En mai, j'accueille un stagiaire pour structurer une offre autour du tourisme. Nous devons trouver une animation culturelle ou ludique. » Elle réfléchit à établir un parcours historique. Après tout, elle est au coeur du village de Montaigne, à proximité du château qui a vu naître et mourir le célèbre philosophe de la Renaissance et dont la tour se visite.

Dernier axe de prospection commerciale : la grande distribution. Pour travailler avec elle, mieux vaut avoir des médailles et des labels autour du développement durable. L'or qu'elle a obtenu au Concours général agricole avec son bergerac rouge 2014 et son engagement dans Terra Vitis en 2014 tombent à pic pour démarcher ce circuit. Elle lui réserve une étiquette simple et classique, celle du château Marot, avec une contre-étiquette explicative. « Cette propriété a été acquise par mon père en 1981. Les vignes ont intégré le domaine, mais j'ai conservé la marque pour la dédier à la grande distribution. Ainsi, il n'y a aucune concurrence avec les autres réseaux », confie-t-elle.

Une association pour se démarquer

Enfin, en mai 2014, Gaëlle a cofondé l'association SO Femme & Vin, un réseau de femmes du vin (vigneronnes, cavistes, sommelières, oenologues, etc..) et du Sud-Ouest. « En revenant sur la propriété, je m'y suis retrouvée toute seule alors que j'avais l'habitude des contacts, raconte-t-elle. J'ai constitué cette association d'abord pour créer un réseau d'échanges et d'entraide, puis pour initier une pédagogie positive autour du vin en ouvrant les domaines aux écoles pendant les vendanges et en organisant des manifestations. » Et, bien sûr, aussi pour promouvoir ses vins. Résultat ? Les retombées dans la presse sont très bonnes avec des articles parus dans Sud-Ouest, Réussir le Périgord... ou des interventions sur In Vino BFM, RTL2... Pas mal du tout pour une première année !

Au chai, Gaëlle a fait appel aux conseils de Patricia Guéry, oenologue de la société Euralis. Elle l'accompagne dans les changements et l'aide ainsi à réaliser son rosé sec, très pâle, fruité, atypique pour la région, mais en phase avec le marché. Pour obtenir ce vin, Gaëlle vendange tôt le matin, protège les raisins avec de la glace carbonique, les presse directement puis laisse le moût stabuler à froid 48 h à 9 °C. Ensuite, les fermentations se déroulent entre 16 et 18 °C. Elle obtient une cuvée avec davantage d'arômes, de rondeur et de gras.

Concernant l'équipement, elle a une priorité : installer le contrôle des températures sur l'ensemble des cuves. « C'est primordial, estime Gaëlle. On était déjà équipés, mais pour le cinquième de la production seulement, surtout pour les blancs et rosés. Pour les rouges, il fallait déplacer les drapeaux de cuves en cuves. C'était compliqué ! » En 2014, en plus des blancs et des rosés, elle a piloté ainsi cinq cuves en rouge de manière à ne pas dépasser 25 °C durant la fermentation alcoolique. Elle a obtenu des vins moins tanniques, correspondant au style qu'elle recherchait. Pour les élever, elle a acheté des barriques de 300 litres, des bourguignonnes et une bordelaise.

Elle a effectué ces investissements alors que son premier millésime, 2013, a été catastrophique. « Je me suis installée l'année de la coulure, raconte-t-elle, mais on a réussi à sauver les meubles. » Le tribut payé au climat a été lourd : 40 % de production en moins et pas de vins rouges mis en bouteilles. « Il y en avait peu et il n'avait pas de couleur... c'était trop risqué », souligne Gaëlle. Aussi compte-t-elle sur ce millésime 2014 et cette année 2015 pour se lancer véritablement après ce faux départ imposé. Tout est fin prêt.

SUCCÈS ET ÉCHECS CE QUI A BIEN MARCHÉ

La transmission entre le père et la fille se passe très bien. Ils travaillent en bonne entente et en bonne intelligence. « C'est ainsi que mon père m'avait déjà transmis le domaine », témoigne Jean-Yves.

Le nouveau packaging simple, moderne et lisible plait beaucoup.

Les animations lancées par le réseau « SO Femmes & Vin » qu'elle a cofondé font parler d'elle au travers d'articles de presse et de reportages télévisés.

SUCCÈS ET ÉCHECS CE QU'IL NE REFERA PLUS

Elle a été « naïve » avec un nouveau client, qui lui a commandé deux palettes de vin et lui en a recommandé quatre quinze jours plus tard. « Les ventes cartonnent », a-t-il prétexté. Comme c'était un grossiste installé en région parisienne et doté d'une bonne cote, elle ne s'est pas méfiée. Mais il n'a pas payé sa facture et elle a dû engager une procédure.

Il est arrivé que des BIB « gonflent » faute de contrôle du taux de gaz carbonique avant leur conditionnement. Désormais, ce taux est systématiquement contrôlé pour qu'il ne dépasse pas 400-500 mg/l pour les rouges.

SA STRATÉGIE COMMERCIALE Une gamme étoffée, des étiquettes modernisées

- Son père proposait cinq vins, Gaëlle en présente huit. Les plus chers constituent sa gamme Désir avec un montravel rouge vendu 10 € TTC le col - un vin que son père produisait déjà - un chardonnay en IGP Périgord (une cuvée confidentielle de 9 hl) à 8 ou 9 € TTC, et un effervescent (10 hl) entre 9 et 10 € TTC.

À la base de son offre, Gaëlle propose la gamme « G », avec une nouvelle étiquette très graphique évoquant à la fois un « G » pour Gaëlle et Gravier et un corps de femme stylisé. « J'ai choisi cette signature épurée et sans dessin de bâtiments », explique-t-elle. Cette gamme comprend quatre vins vendus 5 € TTC : un bergerac rouge, un rosé, un montravel blanc et un moelleux côtes-de-montravel.

Entre les deux, le milieu de gamme, avec un bergerac « La pierre et l'eau », un thème tendance en phase avec le nom du domaine, vendu 7 €. Là encore l'étiquette est stylisée et évoque l'eau et la pierre.

- Toutes les étiquettes ont été modernisées. La traditionnelle gravure représentant la propriété a disparu des vins du domaine de Perreau. Elle ne subsiste que sur le château Marot dédié à la grande distribution.

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L'exploitation

- Surface : 21,34 hectares

- Main-d'oeuvre : Gaëlle et un employé, son père (à temps partiel), une saisonnière pour le tirage du bois et l'épamprage

- Appellations : Bergerac, Montravel, Côtes-de-Montravel, IGP Périgord

- Cépages : merlot, malbec, cabernet-sauvignon, cabernet franc, sauvignon blanc, sauvignon gris, sémillon, chardonnay

- Plantation : 3 300 à 5 000 pieds/ha

- Tailles : guyot simple et double

- Production totale 2014 : 1 194 hl

L'essentiel de l'offre

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