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VIGNE

Un nouveau ravageur dans le Midi

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°275 - mai 2015 - page 36

Cryptoblabes gnidiella, un papillon de la famille des pyrales, provoque de gros dégâts sur le littoral méditeranéen. Ses attaques paraissent fulgurantes.
CRYPTOBLABES GNIDIELLA  (ci-dessus) et ses larves qui tissent quantité de soie dans les grappes à partir de la mi-août.  © DR

CRYPTOBLABES GNIDIELLA (ci-dessus) et ses larves qui tissent quantité de soie dans les grappes à partir de la mi-août. © DR

 © C. CASSARINI/CHAMBRE D'AGRICULTURE DU GARD

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 © C. CASSARINI/CHAMBRE D'AGRICULTURE DU GARD

© C. CASSARINI/CHAMBRE D'AGRICULTURE DU GARD

Son nom : Cryptoblabes gnidiella. Ces dernières années, les larves de ce gros papillon aux ailes sombres décorées de chevrons clairs provoquent des dégâts dans des vignes proches du littoral méditerranéen. Il sévit sur une zone allant de Bandol, dans le Var, jusqu'aux Costières à galets et au Grau-du-Roi, dans le Gard. « Localement, ce n'est plus un ravageur secondaire », déplore Cyril Cassarini, de la chambre d'agriculture du Gard.

Magali Deblieux, responsable du vignoble à la cave coopérative Moulin de La Roque, au Castellet (Var), confirme : « On a commencé à avoir de lourdes attaques en 2010 et 2011. Dans certaines parcelles, plus de la moitié des grappes ont été atteintes et non vendangeables. Les dégâts s'observent dans les parcelles de mourvèdre, un cépage tardif que l'on vendange fin septembre. Ils sont assez caractéristiques : ce ravageur forme des nids au sein des grappes dans lesquels on peut observer plus d'une dizaine de chenilles à des stades différents ainsi que des chrysalides. Les attaques restent limitées à certaines zones. Sur l'ensemble des 300 ha de la coopérative, une dizaine est concernée. Des parcelles sont systématiquement attaquées, d'autres seulement certaines années. »

Les techniciens et les viticulteurs ont observé Cryptoblabes gnidiella pour la première fois en 1999, au moment des vendanges. « On pensait alors qu'il s'agissait d'une troisième génération d'eudémis. Mais après expertise, l'entomologiste de l'IFV nous a appris qu'il s'agissait de Cryptoblabes gnidiella », rapporte Cyril Cassarini. Depuis, la chambre d'agriculture, en collaboration avec la société italienne Biogard, suit attentivement ce nouveau ravageur, notamment dans les parcelles protégées par confusion sexuelle.

« Il ne s'agit pas d'une tordeuse, mais d'une pyrale », précise Lionel Delbac, de l'Inra de Bordeaux. Elle est originaire du bassin méditerranéen et se rencontre en Italie, Sicile, Corse... Mais on la retrouve aussi en Amérique du Sud, entre autres au Brésil, et au Proche-Orient, en Israël. Elle affectionne les zones chaudes. « Elle craint le froid en hiver et est très sensible au gel », note Cyril Cassarini.

Polyphage, elle s'attaque principalement aux agrumes et aux avocatiers. Dans les vignes, elle est attirée par le sucre et la pourriture. Elle est opportuniste. « Elle arrive derrière les petites attaques de cochenilles ou de metcalfa et serait attirée par le miellat. On la rencontre aussi là où il y a eu de petits dégâts de grêle ou d'oïdium », indique Jacques Oustric, de la chambre d'agriculture du Gard.

Son cycle est mal connu. « On ne sait pas combien de générations par an, elle peut faire », indique Cyril Cassarini. Selon Andrea Lucchi, un chercheur italien de l'Université de Pise qui a commencé à l'étudier, elle volerait durant trois à quatre périodes dans l'année, un peu plus tardivement que l'eudémis. On peut donc trouver les papillons jusqu'en octobre. « Chez nous, les adultes commencent à voler fin mai, début juin. Mais le pic s'observe à partir de fin juin et se poursuit durant tout le mois de juillet. On peut alors capturer jusqu'à 150 papillons par piège », rapporte Cyril Cassarini.

Où ces papillons pondent-ils ? Les techniciens l'ignorent. « Les pontes sont plus diffuses que celles de l'eudémis qui sont localisées sur les bractées des inflorescences en première génération et sur les baies pour les générations suivantes », précise Lionel Delbac. « On n'observe jamais d'oeufs dans les grappes. Puis, en fin de saison, on se retrouve avec dix chenilles par grappe. Comment passe-t-on de rien à beaucoup ? », s'interroge Magali Deblieux.

C'est à partir du 10-15 août, que les chenilles apparaissent dans les grappes. « Là, ça commence à grouiller. La grappe ressemble à un nid de chenilles processionnaires. Les chenilles sont alors déjà grosses. Dans les zones concernées, les viticulteurs peuvent perdre une bonne partie de la récolte », déplore Cyril Cassarini. Les cépages tardifs sont les plus touchés : mourvèdre, carignan, cabernet et grenache en surmaturité.

Dans les zones protégées par confusion sexuelle qui ne reçoivent pas d'insecticide, ce ravageur peut se développer allègrement. À tel point que des viticulteurs se sont vus contraint d'arrêter cette méthode de lutte.

Comment combattre ce nouveau fléau ? À ce jour, aucun insecticide n'est homologué contre ce ravageur. Mais on peut supposer que ceux homologués contre la pyrale de la vigne ont une certaine efficacité. Autre question : quand positionner les traitements ? Au moment de la troisième génération de l'eudémis ? « Le problème est qu'elle démarre vers le 4-5 août. Or, pour viser Cryptoblabes, il faudrait traiter vers le 10-15 août », indique Cyril Cassarini.

Les viticulteurs cherchent des solutions. « On ne peut pas rester sans rien faire. Il faut utiliser des insecticides dans les parcelles fortement attaquées. Et pour ça, il faut pouvoir suivre les vols grâce à des pièges à phéromones. Jusqu'à présent, nous n'avons pas pu le faire de manière satisfaisante malgré nos tentatives. Cette année, nous cherchons des capsules qui contiennent des phéromones spécifiques de Cryptoblabes, en espérant que cela nous aidera à mieux suivre les vols », indique Magali Deblieux.

Le temps presse. Cette année, les professionnels s'attendent à de nouvelles attaques. « L'hiver n'a pas été très froid. Les viticulteurs doivent se montrer vigilants », prévient Cyril Cassarini.

Antispila oinophylla : un autre papillon sous surveillance

 © E. NIEUKERKEN

© E. NIEUKERKEN

Antispila oinophylla est une mineuse des vignes. Ce papillon pond ses oeufs à l'intérieur des feuilles et les larves y creusent des galeries pour s'en nourrir. Cela conduit à des défoliations et à des problèmes de maturité du raisin. Cet insecte est originaire d'Amérique du Nord. Il a récemment été introduit en Italie où il provoque de gros dégâts dans les vignes de Vénétie. « En 2011, il y a eu une parcelle où 100 % des feuilles étaient touchées avec six mines par feuille et une autre avec 98 % de feuilles touchées avec quinze mines par feuilles », rapporte Lionel Delbac, de l'Inra de Bordeaux. Pour l'instant, cet insecte n'est pas présent en France. Mais étant une espèce invasive, il est sous étroite surveillance.

Ephestia parasitella : un épiphénomène

 © C. LEWIS

© C. LEWIS

Ephestia parasitella est un autre ravageur de la famille des pyrales. Polyphage, il est présent ponctuellement dans le Midi et dans le Bordelais. Mais, contrairement à Cryptoblabes, cet insecte ne semble pas monter en puissance. Il reste localisé à quelques parcelles. « Sa présence est anecdotique, mais il peut surprendre les viticulteurs car les larves sont atypiques : de couleur blanc-rosé avec des petits points noirs qui forment une ligne le long du corps. », indique Lionel Delbac, de l'Inra de Bordeaux. Le cycle d'Ephestia parasitella est mal connu. « On observe les adultes de juin à septembre. Mais on ne sait pas trop où les femelles pondent. Les larves gagnent les baies en fin de saison et les vident de l'intérieur », rapporte Lionel Delbac. « Son impact est qualitatif. Mais seules quelques parcelles situées dans la zone sud du Gard présentent des dégâts. Nous continuons néanmoins à le surveiller », ajoute Jacques Oustric, de la chambre d'agriculture du Gard.

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