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Au magasin de la coopérative des Vignerons de Saumur « On vend de plus en plus de belles bouteilles »

PATRICK TOUCHAIS - La vigne - n°275 - mai 2015 - page 63

Au magasin de la coopérative de Saumur, ÉLIAN, VENDEUR, connaît ses gammes et ses clients sur le bout des doigts. Il répond aimablement à leurs questions et leur suggère de bons accords mets et vins.
ÉLIAN aide un jeune couple de Parisiens à choisir des vins pour la cérémonie de leur mariage. PHOTO : P. TOUCHAIS

ÉLIAN aide un jeune couple de Parisiens à choisir des vins pour la cérémonie de leur mariage. PHOTO : P. TOUCHAIS

AUDE BONNIN (à gauche),  responsable du magasin et de la communication.

AUDE BONNIN (à gauche), responsable du magasin et de la communication.

TOURISTES ET CLIENTS LOCAUX (ci-dessus) se pressent dans la boutique, qui représente 10 % des volumes de vente de la coop.

TOURISTES ET CLIENTS LOCAUX (ci-dessus) se pressent dans la boutique, qui représente 10 % des volumes de vente de la coop.

LES BOUTEILLES  (à droite) portent la nouvelle identité Robert & Marcel de la cave. PHOTOS : P. TOUCHAIS

LES BOUTEILLES (à droite) portent la nouvelle identité Robert & Marcel de la cave. PHOTOS : P. TOUCHAIS

Verre en mains, Julien et Dzien, un jeune couple de Parisiens, déguste avec application. D'abord un blanc sec, puis un second. Suivent trois rouges. En ce samedi après-midi d'avril, au caveau de la coopérative des Vignerons de Saumur, ils se projettent trois mois plus tard. « On se marie le 11 juillet, explique Julien, sourire aux lèvres. On vient choisir des vins pour notre repas qui réunira cent cinquante convives. »

Face à eux, de l'autre côté du comptoir, Élian est à la manoeuvre. Il a déjà sorti cinq bouteilles. Pour l'entrée - un plat de saint-jacques et de gambas servi froid -, il fait goûter à ses visiteurs deux saumurs blancs différents. Le premier a une belle longueur et des arômes d'agrumes ; le second est plus structuré, un peu moins vif.

Pour le plat principal - un pavé de boeuf accompagné d'une sauce au porto -, il leur propose de choisir entre un saumur rouge, un saumur-champigny et un saumur-puy-notre-dame.

« On ne connaît pas les vins d'ici. On est venus avec un ami pour le week-end. Ses parents habitent dans le coin. En allant à la coopérative, on attendait des conseils pour nous aiguiller dans nos choix. Mais là, j'avoue que le vendeur a fait mouche. Le premier vin blanc me plaît beaucoup. Et il y a aussi deux rouges qui peuvent faire l'affaire », souligne Julien.

Élian est comblé. Le premier saumur blanc, avec ses arômes et sa vivacité, avait aussi sa préférence pour accompagner l'entrée. « J'adore accorder les vins et les plats. J'aime beaucoup cuisiner », indique le vendeur, qui affiche vingt-cinq ans de service au caveau de la coopérative des Vignerons de Saumur. Autant dire qu'il connaît parfaitement tous ses vins et qu'il n'a pas hésité longtemps avant de proposer les plus adaptés au jeune couple.

Un ami des Parisiens souhaite leur faire découvrir une toute petite appellation locale : le coteaux-de-saumur. Une AOC confidentielle de liquoreux de quelque 300 hl issu du cépage chenin. Élian s'exécute avec le sourire pour offrir à la dégustation le nectar dont il vante l'équilibre entre la sucrosité et la vivacité, un trait typique des chenins liquoreux de Loire.

« Ici, nous faisons déguster toutes les cuvées à la vente », souligne sa collègue Aude Bonnin, responsable du caveau. La cave des Vignerons de Saumur vinifie quatre-vingt-dix vins différents. Mais le caveau n'en propose qu'une trentaine, essentiellement des appellations de Saumur (bulles, blanc, rouge et rosé), ainsi que du saumur-champigny, du rosé et du crémant de Loire.

Dans ce magasin spacieux aux rayonnages bien ordonnés, les clients pourraient presque se croire chez un caviste. « Parmi les questions récurrentes, on a souvent droit à "Vous vendez du bordeaux ?", "Je peux goûter au champagne ?", et, plus rare, "Vous avez des BIB de crémant ? », raconte Aude en souriant. Elle rappelle alors à ces clients étourdis ou étrangers à toute notion d'appellation qu'à Saumur, les vignerons produisent... du saumur. « On n'oublie jamais de préciser que nous sommes une coopérative et que, derrière, il y a des femmes et des hommes qui produisent du raisin, ajoute-t-elle. Même s'il y a depuis peu un petit espace réservé à d'autres appellations du Val de Loire (Bourgueil, Vouvray, Coteaux-du-Layon...) produites par d'autres caves coopératives membres d'Alliance Loire. Ce sont les vins des copains. »

Pendant que les futurs mariés devisent sur les vins dégustés avec leurs amis, un client interpelle Élian. Il a deux bouteilles de saumur rouge en mains piochées dans les rayons : « Laquelle est la meilleure ? », demande-t-il. Question piège. Élian élude la réponse, en présentant les caractéristiques des deux vins : l'un plus léger, l'autre plus structuré. Bien sûr, il n'oublie pas de préciser avec quel plat accommoder l'un et l'autre. « Le premier sera parfait avec un rôti au four. Je prendrais le second pour accompagner un lapin à la moutarde, par exemple. Tout dépend de vos plats. » Satisfait, le client remercie et repart dans les rayonnages avec ses deux bouteilles. Il revient à la caisse quelques minutes plus tard portant un carton de six bouteilles du second vin.

Pendant ce temps, Dzien et Julien sont en proie aux doutes. Pour le blanc, ils ont jeté leur dévolu sur le premier vin, mais, pour les rouges, ils vont prendre plusieurs bouteilles et les déguster à nouveau tranquillement chez eux. « Bonne idée, lance Élian. Vous verrez, vous les goûterez différemment. » Quelques minutes plus tard, ils passent à la caisse, avec un carton panaché composé dans les rayonnages du magasin.

En ce samedi après-midi, le flux est permanent dans le caveau, situé à quelques centaines de mètres du siège de la coopérative, à Saint-Cyr-en-Bourg (Maine-et-Loire), à dix kilomètres au sud de Saumur. Le magasin accueille deux types de clientèle : les fidèles et les touristes. Les premiers passent régulièrement, comme ce septuagénaire venu chercher deux BIB de trois litres : un de saumur rouge et un de rosé de Loire. Entre son arrivée, le choix des BIB et le paiement, il n'aura pas passé plus de trois minutes dans le magasin. Comme à l'épicerie. « D'autres viennent une ou deux fois dans l'année et repartent généralement le coffre plein. Ils savent globalement ce qu'ils veulent », souligne Aude.

Quant aux touristes, ils prennent le temps de la découverte. Les cuvées sont classées par couleur et par gamme. « Nos vins sont répartis en quatre gammes dans des prix croissants : plaisirs quotidiens, belles occasions, moments d'exception et coquelicot pour les vins bio, explique Aude. Mêler dans un même espace des vins à différents prix permet de mieux vendre les bouteilles les plus chères. Sinon, une partie des clients va naturellement vers les entrées de gamme. Et ça fonctionne. On vend de plus en plus de belles bouteilles. »

Toutes les bouteilles portent la nouvelle identité de la cave coopérative : Robert & Marcel. La marque a été lancée en novembre 2013, en mémoire de Robert et Marcel Neau, qui furent, respectivement, les premiers président et directeur de la coopérative en 1957. La création de la marque s'est accompagnée d'une refonte totale du magasin pour un investissement de 100 000 euros. « Ces deux prénoms plutôt anciens séduisent une clientèle jeune », souligne François Boche, le directeur de la coopérative.

« Certains se moquent - gentiment - de ces vieux prénoms. Je leur demande si Arthur-Martin, ça les choque... », sourit Élian. Quant aux touristes étrangers, « ils s'en moquent complètement. Ça ne suscite aucun commentaire », poursuit le vendeur.

Un client amateur de blanc sec a pris place au comptoir. Élian lui demande d'où il vient. « D'Angers », répond-il. Il ajoute qu'il apprécie les blancs secs d'Anjou. Élian lui explique que les saumurs sont différents bien que la ville ne se situe qu'à 50 km d'Angers et que l'appellation cultive le chenin, le même cépage que l'Anjou. Pour lui prouver ses dires, il lui sert un saumur blanc élevé sous bois dont il masque l'étiquette. « C'est très bon », admet le client qui n'en dira pas plus. Et qui partira sans en acheter.

L'amateur de blancs est vite remplacé par deux nouveaux visiteurs qui s'accoudent au comptoir. Ils ont un peu tourné dans les rayonnages et ont besoin de conseils pour acheter du crémant de Loire. Le vendeur leur fait déguster un rosé et un blanc. Tout en indiquant les occasions de dégustations : apéritif, dessert...

En ce mois d'avril, la clientèle est surtout locale. Dans quelques semaines, les touristes seront plus nombreux. La cave les incitera à visiter ses galeries creusées dans le tuffeau que les plus anciens clients connaissent bien. « Nous y avions installé notre premier magasin dans les années 1980. Les clients y descendaient avec leur voiture. Après avoir parcouru trois cents mètres sous terre, nous leur remplissions leurs cubis directement aux cuves. Un tout autre temps... »

LES CINQ CONSEILS DE LA COOPÉRATIVE POUR BIEN ACCUEILLIR LES CLIENTS

- Aimer et connaître ses produits. Les vendeurs travaillent dans le caveau depuis plusieurs années. Ils connaissent les vins, savent en parler, les apprécient. Ils attaquent toujours par les goûts des clients : la couleur, les accords mets-vins. Et s'intéressent aussi à leur budget.

- Faire déguster. Dans le caveau, tous les vins peuvent être goûtés. Soit les clients connaissent et se servent comme dans une épicerie, soit ils ont besoin de conseils. Les vendeurs leur proposent alors quatre à cinq vins. « Si les clients veulent en déguster plus, on s'assure qu'il crache, même si on sert de petites quantités », souligne Aude Bonnin.

- Accompagner dans les rayons. « On ne le fait pas assez par manque de temps, mais il faudrait accompagner les clients dans leurs achats après la dégustation. Leur dire : vous avez aimé ce vin à la dégustation, le voici », indique Aude Bonnin.

- Animer le caveau. Soirées privées, portes ouvertes... Les viticulteurs sont mis à contribution lors d'événements qu'apprécient beaucoup les consommateurs.

- Accueillir les enfants. Dans un coin du caveau, un espace avec quelques tables, chaises, crayons et coloriages est prévu pour les enfants. On leur sert du jus de raisin. « Indispensable pour permettre aux parents de déguster sereins. »

10 % du volume de la coopérative

Le magasin de la Cave des vignerons de Saumur figure aujourd'hui parmi les plus gros points de vente aux particuliers du Val de Loire. Avec 2,5 millions d'euros en 2014, son chiffre d'affaires a progressé de 1,5 % par rapport à 2013. « On a surtout amélioré notre marge de 16 % grâce à la vente de bouteilles plus chères », indique le directeur François Boche. Le volume des ventes du magasin représente 10 % de celui de la coop. « Tout le reste de notre production est vendu par notre force commerciale, Alliance Loire », précise François Boche. Les particuliers représentent 80 % des clients de la boutique pour un panier moyen de 80 € ; le reste est constitué de comités d'entreprise, d'associations ou de restaurants locaux. « Mais notre axe de développement, ce sont les touristes », souligne François Boche. La population saumuroise ne se rajeunit pas très vite. En revanche, le nombre de touristes est conséquent. Selon les sources, ils seraient autour de 1,5 million à séjourner dans le Saumurois chaque année, attirés par la Loire, les châteaux et les vignobles. Une belle manne à saisir.

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