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VENDRE - Lieu de vente

Au Leclerc Bordeaux-Chartrons, cours Saint-Louis, à Bordeaux, le jeudi 30 avril 2015 « Le conseil, c'est une affaire de tact avant tout »

COLETTE GOINÈRE - La vigne - n°276 - juin 2015 - page 62

STRATÉGIE Au coeur d'un quartier en vogue, le Leclerc Bordeaux-Chartrons s'est doté d'une cave à vins qui compte un millier de références dont quelques grands crus. Alexis Zikos y conseille les clients sans s'imposer.
Alexis Zikos conseille Frédéric, un habitant du quartier qui lui fait confiance (à gauche). À l'entrée de la cave, un panneau annonce très clairement le rôle et les heures de présence d'Alexis.  P. ROY

Alexis Zikos conseille Frédéric, un habitant du quartier qui lui fait confiance (à gauche). À l'entrée de la cave, un panneau annonce très clairement le rôle et les heures de présence d'Alexis. P. ROY

 P. ROY

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Salomé (ci-dessous) montre à Alexis la liste de vins reçue sur son smartphone.  P. ROY

Salomé (ci-dessous) montre à Alexis la liste de vins reçue sur son smartphone. P. ROY

Patricia examine le bordeaux que l'oenologue lui a conseillé. P. ROY

Patricia examine le bordeaux que l'oenologue lui a conseillé. P. ROY

Impossible de la rater. Elle occupe un emplacement stratégique. Située en prolongement de l'allée pénétrante, en fond de magasin, « La Cave » du Leclerc des Chartrons, à Bordeaux, attire immanquablement le regard. Ses larges baies vitrées offrent la vue sur des bouteilles sagement alignées dans leurs caissons de bois noir. Il y a là un millier de vins, dont quelques grands crus. À l'entrée, un écriteau donne le ton : « Notre caviste est à votre disposition », avec sa photo. L'intérieur est climatisé, baigné par une lumière dorée. L'ambiance est design.

En ce début d'après-midi du jeudi 30 avril, on se presse pour faire ses courses dans cette grande surface implantée dans le nord de Bordeaux, non loin du quartier à la mode des bassins à flot. Une femme, la quarantaine dynamique, entre dans la cave, en poussant son chariot. Sans adresser un regard ni un bonjour au caviste, elle s'attarde sur les côtes-de-gascogne, les bourgognes, les vins d'Alsace, puis les bordeaux. Les bouteilles sont à portée de main. La cliente scrute l'étiquette d'un côtes-de-bourg, repose la bouteille, saisit un pessac-léognan, sans arrêter son choix. Devant les deux vitrines verrouillées des champagnes et des vins d'exception, elle plonge son regard dans un château-latour de 1995 à 905 €, puis sur une bouteille de cheval-blanc 2001 à 408 €.

Pour redescendre sur terre, rien de tel que de se placer devant les vins du Languedoc-Roussillon : le magasin propose des corbières à des prix serrés. Finalement, la cliente ressort. Ce n'est qu'à l'extérieur de la cave, où sont alignés les vins étrangers, qu'elle jette son dévolu sur un vin chilien, un colchagua 2014, à 4,30 €.

Alexis Zikos a observé la scène, bras croisés sur son tablier, imperturbable. À aucun moment il n'a tenté d'engager la conversation avec la cliente. « Le consommateur n'a pas beaucoup de temps. Il veut aller vite. Je reste à l'écoute de ses besoins. Mais je ne lui saute pas dessus et je ne force pas le conseil. Si je sens qu'il accepte d'être aidé, je cherche à savoir pour quelle occasion il cherche un vin, à quel prix et quels sont ses goûts. Ces trois questions sont "bateau" mais essentielles. Je dois être convaincant, sans noyer le client dans de grandes explications sur le vin », explique-t-il avec un fort accent qui trahit ses origines grecques.

Planté devant les bouteilles de côtes-de-gascogne, Vincent, 38 ans, technicien, affiche la couleur : « En grande surface, je ne suis pas sûr qu'on m'apporte de vrais conseils. Ici, c'est le prix qui m'attire », indique cet habitué du magasin. Finalement, il craque pour un château saint-antoine 2009, à 4,45 € et un château le grillon 2008, à 6,50 €. Deux bordeaux supérieurs.

Heureusement, il y a Manuel, 52 ans, qui a soif de conseils. Cet habitant du quartier cherche une « jolie bouteille. Je veux de la qualité, mais je ne sais pas quelle AOC choisir. C'est pour un cadeau. Je suis prêt à mettre 60 € », explique-t-il au caviste. Sans hésiter, Alexis, l'entraîne vers un château le bon pasteur 2009 à 65 €. « Ce pomerol est produit par l'oenologue Michel Rolland. C'est un vin corsé et fruité, avec des tanins soyeux », détaille-t-il. Et pourquoi pas un château-beauregard, millésime 2010, autre pomerol qui a « de la minéralité » ? Manuel se gratte la tête. Entre les deux bouteilles son coeur balance. Alexis croit bon de lui proposer un troisième vin que lui, caviste, adore : Château Bouscaut 2011, un pessac-léognan.« Il a de l'harmonie dans les tanins, de la longueur, une valeur sûre », affirme-t-il. Prix : 24,50 €. Manuel est déconcerté. Il n'arrive pas à se décider. Et repart sans acheter.

« Je veux un bon bordeaux, pas trop cher. Pas plus de 15 € », interpelle Patricia, 62 ans. « Je vais vous guider », assure Alexis. « Avec cet accent, je me demande comment il va nous conseiller un vin », lâche-t-elle à son époux. Le caviste cerne le besoin de la cliente : « Madame veut un vin avec une forte personnalité, très structuré. » Sans hésiter, sur un ton ferme, il lui met sous le nez Les Tours de Charmail, un haut-médoc 2011 à 10,50 €. « C'est le second vin du Château-Charmail. Les parcelles bénéficient des mêmes soins que le premier vin », assure-t-il. Pas de grandes envolées, pas de baratin. Alexis joue la sobriété et ça marche. Patricia repart avec la bouteille, satisfaite.

Plus loin, Frédéric, 38 ans, attend le caviste de pied ferme pour lui faire part de ses déboires : la dernière bouteille qu'il a achetée, un château-carbonnieux, était bouchonnée ! Mais pas de quoi entamer la confiance de Frédéric dans l'oenologue, un peu gêné. Le cadre commercial habite le quartier. « Ici, je découvre des vins à des prix très abordables et j'ai de bonnes surprises. Le caviste m'a récemment conseillé le Château du Cray, un montagny 2013. C'était super », confie-t-il.

Jeanine, retraitée, et sa fille veulent fêter leur anniversaire. Leur budget ? Pas plus de 20 €. Elles ont en tête des vendanges tardives. Aussitôt, Alexis leur suggère un vin d'Alsace, un gewurztraminer de la cave de Turckheim à 19,50 €. « Il exprime de la richesse, de la puissance, du moelleux, vous ne pouvez pas être déçue. » Jeanine est conquise.

Avec une autre Patricia, 63 ans, cadre dans une administration, l'affaire se corse. « Je suis très sensible au degré d'alcool, je ne veux pas que le vin dépasse 11 degrés, sinon j'ai l'impression d'être saoule », confie-t-elle. Le caviste se gratte la tête. Que conseiller ? Il sèche. D'un coup, c'est l'illumination : il lui tend un château-castaing, un côtes-de-bourg 2012, qui ne titre que 12 degrés, médaille de bronze au concours de Bordeaux 2013, à 7,64 €.

Voici Salomé, 19 ans, sur son smartphone, elle consulte la liste que lui a concoctée son compagnon. « Je dois choisir entre un saint-estèphe, un saint-émilion et un saint-nicolas-de-bourgueil et ne pas dépasser 10 € », nous explique-t-elle. Elle penche vers le domaine de la Chopinière du Roy, un saint-nicolas-de-bourgueil à 5,75 €. Et repart avec sa bouteille et son smartphone.

Les best-sellers du jour

 P. ROY

P. ROY

Château Bellevue Peycharneau, un bordeaux supérieur à 6,50 €. Élevé en fûts de chêne, il accumule les médailles et fait un malheur. Un très bon rapport qualité prix. La Cave écoule 2000 bouteilles par an.

Le T de Tamary, millésime 2013, un côtes de Provence à 4,85 €. Ce rosé léger qui passe aussi bien en apéritif que pendant un dîner, est le numéro 1 des rotations en volume depuis le début de l'année.

Château Petit Mouta, millésime 2013, un graves à 4,99 €. Il est facile à boire, avec un bon niveau d'acidité. L'appellation et le prix attirent les clients.

DEBRIEFING

Proposer une large palette de prix. « Le vin doit pouvoir s'adresser à tous les budgets », souligne Jacques Vallois, le PDG de Leclerc Bordeaux-Chartrons.

Ne pas sauter sur le client dès son entrée dans le magasin. La priorité, c'est de sentir s'il a besoin ou pas d'un conseil.

Rester sobre. « Il est inutile d'abreuver les clients d'un tas d'informations sur le vin. En la matière, il faut savoir rester sobre », estime Alexis Zikos, le responsable de la Cave.

Ne pas tromper le client. Établir un prix en rapport avec la qualité. « Le consommateur qui n'est pas satisfait par la qualité d'un vin critiquera automatiquement le prix », note Jacques Vallois.

Le Point de vue de

JACQUES VALLOIS PDG DU LECLERC BORDEAUX-CHARTRONS

« Le client doit se sentir libre et à l'aise »

 P. ROY

P. ROY

« J'ai ouvert cet hypermarché de 5 500 m² en 2014. La Cave, avec son millier de références, a pour but d'attirer la clientèle ancienne que nous devons garder et celle qui s'est installée depuis peu dans ce quartier en plein renouveau. J'ai donc misé sur une gamme de prix la plus large possible, de 1,50 € la bouteille jusqu'à 900 € pour les grands crus. J'ai voulu un espace clos et couvert sans que cela donne le sentiment d'un sanctuaire. Le client doit se sentir libre et à l'aise. La Cave joue sur le libre-service et le conseil. C'est un subtil dosage. Les bouteilles sont à portée de main. Les clients ne dépendent pas d'un vendeur. Mais s'ils le souhaitent, ils peuvent être conseillés. J'ai embauché Alexis Zikos, un Grec, oenologue de formation, comme responsable de la Cave. C'est important de faire découvrir les vins par quelqu'un d'extérieur à Bordeaux. Les vins de Bordeaux constituent 70 % de nos références. Le reste, ce sont des vins de toute la France et de l'étranger. Chaque mois, nos ventes progressent depuis l'ouverture en août 2014. Nous projetons de créer un club en septembre. Chaque vendredi soir, nos clients pourront découvrir un vin avec le producteur. »

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