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Le CICE, un bilan mitigé

AUDE LUTUN - La vigne - n°276 - juin 2015 - page 72

Très médiatisé, le CICE doit permettre aux entreprises d'améliorer leur compétitivité et de recruter. Mais, pour nombre d'employeurs, il ne s'agit que d'une compensation partielle des récentes hausses d'impôts et de taxes.
Le Syndicat général des vignerons de Champagne (SGV) a calculé qu'un CICE à 6 % équivalait, dans le meilleur des cas, à une baisse de charges sociales comprise entre 9 et 12 %. © GUTNER

Le Syndicat général des vignerons de Champagne (SGV) a calculé qu'un CICE à 6 % équivalait, dans le meilleur des cas, à une baisse de charges sociales comprise entre 9 et 12 %. © GUTNER

Selon le gouvernement, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) reversé au secteur agricole et paysager devrait atteindre 300 millions d'euros au titre de l'année 2014, et près de 18 milliards d'euros pour toutes les entreprises françaises. Mais malgré ces chiffres, après deux années de mise en service, le bilan est mitigé. « Heureusement qu'il y a cet accompagnement car nous sommes en concurrence avec des pays qui ont des charges sociales inférieures aux nôtres, estime Jérôme Volle, viticulteur dans l'Ardèche et vice-président de la commission emploi à la FNSEA. Mais en fait, nous préférerions que le travail soit moins taxé et qu'il y ait une TVA sociale sur les importations. »

Rappelons que le CICE porte sur 4 % de la masse salariale de 2013 puis sur 6 % à partir de 2014, et uniquement sur les salaires inférieurs à 2,5 Smic. Comme une grande partie des viticulteurs, Louis vient juste de connaître le montant de son CICE à l'occasion du dépôt de sa déclaration de revenus 2014 où il a fait état des salaires de 2013. « Je vais bénéficier d'un crédit d'impôt de 3 200 €, témoigne ce viticulteur des Côtes-du-Rhône qui emploie 3,5 équivalents temps plein. C'est un montant important, mais il vient contrebalancer d'autres mesures qui nous coûtent plus cher, comme la modification du mode de calcul des charges sociales des associés non exploitants et la suppression de l'exonération des heures supplémentaires. Même si cette exonération ne bénéficiait qu'à mes salariés, sa suppression est un vrai problème pour moi car, depuis, je leur donne une prime pour compenser une partie de leur manque à gagner. »

En Champagne, le Syndicat général des vignerons (SGV) a calculé qu'un CICE à 6 % équivalait, dans les meilleurs cas, à une baisse de charges sociales comprise entre 9 et 12 % selon le mode (IS ou IR) et le taux d'imposition du chef d'exploitation. Mais là aussi, on considère que ce crédit d'impôt n'est qu'une manière de rendre d'une main un peu de ce qu'on avait déjà pris de l'autre.

La limitation des exonérations de charges patronales aux saisonniers rémunérés moins de 1,25 Smic a fait progresser significativement les cotisations des employeurs qui accordent une prime de fin de contrat de 10 % ce qui est le cas des Champenois. « Le CICE est un allégement conséquent des coûts salariaux, mais l'agriculture n'en bénéficie pas autant qu'elle le devrait en raison de plusieurs facteurs », ajoute Étienne Benedetti, responsable juridique du SGV. La première raison est que le travail non salarié, qui représente une partie importante du coût du travail dans les TPE (très petites entreprises), ne bénéficie pas du CICE. Ensuite, les viticulteurs au forfait sont exclus du dispositif, de même que les caves coopératives. Les groupements d'employeurs, eux, n'y ont accès que partiellement. De plus, « le CICE est assez mal adapté aux sociétés qui sont assujetties à l'impôt sur le revenu car seul l'exploitant peut bénéficier du crédit au prorata du capital détenu », poursuit Étienne Benedetti.

Si un chef d'exploitation détient 60 % d'une SCEV et que ses parents en détiennent 40 %, l'exploitant bénéficiera d'un crédit portant sur 60 % de la masse salariale et les 40 % restants seront perdus.

Dernier point limitant la portée du CICE pour la viticulture : quand un associé est également salarié, son salaire est exclu de l'assiette de calcul du CICE.

« Le CICE a pour objectif de redonner de la compétitivité aux entreprises pour investir, explique Jérôme Volle. Or, quand on conteste la suppression du contrat vendanges ou que l'on discute de l'instauration de la prévoyance santé, on nous dit que nous pouvons compenser ou assumer grâce au CICE ! »

Une mesure en sursis ?

Souvent pointé du doigt par les syndicats de salariés pour son coût, le CICE sera-t-il supprimé ? Une rumeur avait circulé fin 2014, précisant qu'il s'arrêterait après 2016. Les entreprises perdraient alors toute contrepartie à la hausse des charges qu'elles ont supportée. Mais rien ne permet d'étayer cette rumeur. Pour sa part, Jérôme Volle reste confiant. « Le gouvernement nous a demandé de signer le pacte de responsabilité en contrepartie du CICE, explique le vice-président de la commission emploi à la FNSEA. Nous l'avons fait en avril dernier en nous engageant à passer de 310 000 à 325 000 emplois permanents en trois ans, avec une clause de révision en cas de crise majeure dans un secteur agricole. On espère que parole vaut engagement ! » Des experts comptables se montrent moins optimistes, estimant que les mesures fiscales bénéficiant exclusivement aux employeurs pourraient être supprimées ou revues à la baisse, de telles décisions comportant peu de risques sur le plan politique.

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