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L'année 1920 : la Première Guerre mondiale a pris fin mais les jeunes générations ont été décimées. C'est le début d'une nouvelle ère, celle de la motorisation agricole et viticole. L'ingénieur centralien Georges Vidal construit, à Montpellier, un chenillard classique pour la culture interligne et le premier tracteur enjambeur sur chenilles de l'histoire viticole. Après sa mort prématurée, son frère Émile les commercialisera.
Les deux frères sont nés à Vannes, dans le Morbihan. Émile, le 12 janvier 1884, Georges le 1er août 1885. Diplômé de l'École de commerce de Montpellier, Émile est embauché en 1903 « à Billancourt, par Louis Renault dont il deviendra le secrétaire particulier jusqu'en 1911, indique le dictionnaire des personnalités de l'Hérault. Il fonde ensuite à Montpellier la première succursale de Renault. »
Georges, lui, est diplômé de l'École centrale des arts et manufactures de Paris, aujourd'hui Centrale Paris, en 1909. On sait par les archives de l'école qu'il est déjà de santé très fragile. En 1913, il commence sa carrière en Guadeloupe comme sous-directeur de la Société industrielle et agricole de Pointe-à-Pitre. Il y travaille sur la mécanisation de la production de canne à sucre et de rhum. Mais sa santé se détériore rapidement.
En 1919, dans un état très grave, il rejoint son frère aîné à Montpellier. « Durant ces heures de chaise longue, Georges Vidal voit de sa terrasse les chevaux des propriétés voisines cultiver [...] les rangées de vigne », signale Jean Noulin dans son Histoire des tracteurs à chenilles. Il a tout le loisir de penser à sa mécanisation. Il a travaillé sur la canne à sucre, il a déjà des idées. Peut-être même adapte-t-il à la vigne un appareil conçu pour la canne... C'est probable puisque la société Vidal commercialisera également des tracteurs pour cette culture. Une autre version prétend que « Georges Vidal s'inspire du jeu de Meccano de son neveu, et invente ainsi un enjambeur sur chenilles pour la vigne ».
C'est au sein des ateliers de son frère que le tracteur est mis au point. « Le prototype est étroit et se distingue par un barbotin de très grand diamètre, continue Jean Noulin. Il est déjà équipé d'un système de relevage des outils par treuil et chaînes. »
Georges Vidal décède le 22 février 1923, quelques mois avant les expériences officielles, en juin, qui consacrent ses inventions. Il ne connaîtra pas leur succès.
Son frère Émile commercialise différents modèles : des chassis-ponts ou enjambeurs et des interlignes à essence ou diesel. De types étroits ou larges, ils sont vendus entretien compris, et payables en cinq ans. « Le tracteur G. Vidal fait toutes les façons culturales [...], vante une publicité de l'époque. Il chevauche la rangée de souches et cultive à la fois les deux interlignes. Il pivote sur place [...] . Il économise l'emploi de cinq ou six chevaux et le personnel correspondant. Il fait les travaux de sulfatage (réservoir de 220 litres) tout en effectuant les façons culturales. Le tout avec un seul homme. » Bref, c'est une révolution pour l'époque, même si ce sont les grosses propriétés qui peuvent se permettre de l'acheter.
Dans des tracts envoyés à ses prospects, Émile Vidal, pragmatique, ne manque pas d'humour et d'arguments pour les convaincre de « l'économie indiscutable » de son tracteur. « Monsieur, vous avez tous les jours les pires ennuis avec la main-d'oeuvre agricole, y explique-t-il. Vos régisseurs sont les premiers à attirer votre attention sur les difficultés qu'ils éprouvent pour se procurer le personnel nécessaire à effectuer vos labours, vos sulfatages, etc. Nous avons résolu cette question pour vous. » C'est le tracteur G. Vidal, bien sûr !
Les tracteurs sont produits jusqu'après la Seconde Guerre mondiale. Puis le tracteur enjambeur à roues, inventé par le Champenois Vincent Ballu en 1947 (lire La Vigne n° 275), arrive sur le marché. Émile Vidal meurt à Montpellier, le 15 décembre 1958. La Société Georges Vidal est alors dissoute par ses héritiers. Le tracteur G. Vidal, pionnier des tracteurs enjambeurs, disparaît définitivement. Mais son concept de double opération en un passage pourrait bien équiper à nouveau les tracteurs de demain. Qui sait ?
Bibliographie :Dictionnaire des personnalités de l'Hérault, de Pierre Clerc - édition 2006 - Archives départementales de l'Hérault.Histoire des tracteurs à chenilles, de Jean NoulinLou Rec, association pour la sauvegarde du matériel agricole et viticole ancien.Archives de l'École centrale.
