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DOSSIER - Vins sans soufre : comment font-ils ?

Jean-Luc Andrieu, directeur et oenologue du Caveau d'Héraclès, à Vergèze (Gard) « Je ne laisse rien au hasard »

La vigne - n°278 - septembre 2015 - page 18

Le parcours des vins sans SO2 de la coopérative d'Héraclès n'est pas très différent des autres. Mais ils font l'objet d'une surveillance microbiologique plus attentive.
 © P. PARROT

© P. PARROT

ÀVergèze, dans le Gard (30), la coopérative d'Héraclès est la première cave productrice de vins bio en France, avec un volume de 52 000 hl en 2014. Son directeur, Jean-Luc Andrieu, a démarré les vins sans sulfites ajoutés en 2013, après la conclusion d'un partenariat commercial avec le négociant Gérard Bertrand. L'année dernière, il a ainsi vinifié 4 000 hl. Jean-Luc Andrieu n'a pas eu froid aux yeux et s'est engagé d'emblée sur les trois couleurs et sur différents cépages : chardonnay, sauvignon, merlot, cabernet-sauvignon et syrah.

L'oenologue n'inerte pas ses cuves mais il les levure et les ensemence en bactéries lactiques. Ce procédé ayant fait ses preuves, il l'a appliqué à ses vins sans soufre. D'après lui, « l'essentiel est de vendanger des raisins sains, sans pourriture ni oïdium ». Ils sont alors peu sujets à l'oxydation et aux déviations. La cave peut donc s'autoriser à les récolter à la machine, ce qu'elle fait à partir de 5 heures du matin, sans protection particulière.

Si la cave n'a pas tout chamboulé pour ses cuvées non sulfitées, elle prend néanmoins des précautions. Lors des vendanges, elle recrute une microbiologiste (photo) chargée de la préparation et du contrôle de tous les levains, levures et bactéries. Elle effectue aussi un suivi des cuves en prélevant des échantillons qu'elle met à incuber dans des boîtes de pétri. À cette fin, le laboratoire interne est équipé d'un microscope et d'une étuve. « Nous envoyons également des échantillons à des laboratoires externes », explique Jean-Luc Andrieu.

Pour éviter d'avoir du SO2 dans les vins et des déviations dans les cuvées les plus riches en sucres, l'oenologue emploie la Lalvin Okay de l'ICV, la B52 de La Littorale et la BC S103 de Fermentis. Ces levures ne produisent pas de composés soufrés et résistent aux degrés élevés. Pour s'assurer d'un déroulement rapide des FML, Jean-Luc Andrieu teste NoVA de CHR Hansen, une Lactobacillus plantarum qui s'inocule sur moût et termine souvent la malolactique avant la FA. Reste à trouver le meilleur moment pour les ajouts. « Pour l'instant, nous n'avons pas de recette magique. Nous avons juste remarqué qu'il ne fallait pas levurer trop tôt », reconnaît Jean-Luc Andrieu, qui poursuivra les essais cette année.

Toujours pour éviter des déviations, les vins rouges sans SO2 sont écoulés avant la fin de la FA, à environ 1 010 de densité. Cela évite tout accident lié à une attaque du marc, lequel contient encore beaucoup de sucre à ce moment-là. Après écoulage, le jus de goutte termine tranquillement sa fermentation, pendant que le jus de presse est réassemblé avec d'autres vins. Cette formule permet aussi de garder de la souplesse et du fruité.

La cave joue également sur les process. Par exemple, sur blancs et rosés, elle a testé le cracking, une technique qui consiste, après le pressurage, à débourber grossièrement les moûts, à les chauffer à 70 °C, puis à les laisser en stabulation dans une cuve en Inox pendant environ 12 heures avant de les refroidir. D'après Jean-Luc Andrieu, « en plus d'être intéressant sur le plan aromatique, le cracking permet de stabiliser les vins du point de vue protéique et microbiologique ».

À la fin des fermentations, tout s'accélère. En deux semaines, les vins sans soufre sont centrifugés, puis filtrés au tangentiel avant d'être refroidis à 14 °C. Ensuite, ils sont stockés dans des cuves pleines en béton revêtues d'époxy, d'où ils ne bougeront plus jusqu'à leur livraison en vrac, avant le printemps, au négociant Gérard Bertrand, qui les embouteille sous gaz inerte.

Valorisation 38% en plus pour le sans SO2

La cave coopérative d'Héraclès vend la quasi-totalité de ses cuvées sans sulfites ajoutés en vrac à son partenaire Gérard Bertrand. Elle lui livre aussi du vin conventionnel et du vin biologique. Cet acheteur lui a payé ses vins sans soufre du millésime 2014 38 % plus chers que ses cuvées conventionnelles et ses vins biologiques, 33 % de plus.

Ses surcoûts

- Nova de CHR Hansen : coûts partagés avec la firme pendant la phase de tests

- Une microbiologiste saisonnière payée au même salaire qu'un « winemaker »

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :