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VIN

Douceur et vivacité On the rocks !

MICHÈLE TRÉVOUX - La vigne - n°278 - septembre 2015 - page 48

Les rosés et les blancs à déguster avec des glaçons visent une nouvelle catégorie de consommateurs de vin décomplexée. Les vinificateurs de ces produits tendance nous livrent quelques-uns de leurs secrets de fabrication.
LES VINS À BOIRE avec des glaçons ont trouvé leur public. ©  P. ROY

LES VINS À BOIRE avec des glaçons ont trouvé leur public. © P. ROY

Le Rosé Piscine de Vinovalie a fait des émules. Lancé en 2006 par ce groupement de producteurs du Sud-Ouest, ce vin « à boire absolument avec des glaçons » a trouvé son public. Les ventes annuelles dépassent 1,5 million de cols. Rançon du succès, d'autres entreprises, et non des moindres, lui ont emboîté le pas. « L'idée est venue de nos équipes marketing qui souhaitaient un produit à contre-courant de tous les codes du vin. Au début, tout le monde a rigolé. Aujourd'hui, on nous copie », confie Pascal Nacenta, directeur technique de la Cave de Fronton, une des quatre coopératives membres de Vinovalie. L'oenologue se veut donc très discret sur l'élaboration de son Rosé Piscine, un IGP Comté Tolosan.

« On a démarré avec un rosé vinifié classiquement, mais les ventes ne décollaient pas. Il y a cinq ans, nous avons repensé le process. Depuis, le succès est au rendez-vous. Il faut dès le départ avoir dans l'idée que ce vin sera consommé avec des glaçons et donc viser le bon équilibre sucre/acidité pour obtenir un vin frais et facile à boire. » Pascal Nacenta n'en dira pas plus.

Les Grands Chais de France, le négociant bordelais GRM et Loire Propriétés, qui proposent tous trois des produits similaires, se montrent un peu plus diserts.

La date des vendanges, d'après Bertrand Praz, directeur des achats de vins aux Grands Chais de France, est l'élément clé de l'élaboration de ce type de produit. Ce négociant a lancé J. P. Chenet Ice en 2014, en IGP Pays d'Oc rosé, complété en 2015 par un blanc et un deuxième rosé. « Ces produits demandent une acidité un peu plus marquée que pour un vin classique, avec une bonne proportion d'acide malique, détaille Bertrand Praz. C'est la date de récolte qui détermine cet équilibre. Pour notre blanc tranquille, produit à base de muscat, et notre rosé, fait essentiellement à base de grenache, on récolte un peu avant maturité, entre 11 et 12°. On vise des pH entre 3,3 et 3,4. »

On retrouve la même stratégie pour le Rosé On Ice de GRM, sorti à la même époque. Il s'agit d'un assemblage de syrah, grenache et cinsault récoltés autour de 12 % vol. « On recherche un profil frais, fruité et acidulé. On ramasse donc les raisins avant la maturité optimale », explique Thierry Laborie, oenologue chez GRM.

Compenser la dilution

Autre point important : la teneur en sucre du produit fini. « Les glaçons diluent le vin. Cette dilution impacte l'acidité et le degré alcoolique, mais affecte peu les arômes. Après l'ajout des glaçons, le titre alcoométrique tombe à 8 % vol. Pour éviter d'amaigrir la bouche, on édulcore », admet Thierry Laborie. « Les glaçons diminuent la perception sucrée », ajoute Bertrand Praz qui édulcore aussi.

La teneur en gaz carbonique est tout aussi déterminante pour ces vins. « Si on veut garder du peps, le CO2 doit être ajusté entre 900 et 1 100 mg/l comme pour un blanc ou un rosé vif et fruité », estime Thierry Laborie. Bertrand Praz monte, lui, jusqu'à 1 200 mg/l.

Obtenir des vins aromatiques

Pour le reste, le processus de vinification suit celui des blancs et des rosés classiques à profil variétal. Le but : obtenir des vins souples, frais et fruités. Les vendanges sont donc réalisées de nuit pour éviter l'oxydation et préserver les arômes. Pour son blanc « on ice », Bertrand Praz pratique une stabulation à froid des moûts de quelques jours. Puis il les débourbe pour atteindre une turbidité de 50 NTU et les vinifie à basse température (16 °C). Pour son rosé, il suit un schéma quasi identique, excepté que le débourbage est un peu moins sévère (entre 50 et 100 NTU). De son côté, Thierry Laborie presse la vendange après l'avoir refroidie, puis il débourbe au froid avec un enzymage pour obtenir une turbidité de 100 NTU. Il ensemence les moûts en levures à profil thiol et conduit la fermentation à basse température (10 °C).

En fin de fermentation, les vins sont soutirés et sulfités. Ils sont ensuite élevés sur lies fines. « Il faut veiller à les conserver au froid en les protégeant de l'oxydation afin de conserver une couleur pâle et des arômes frais », précise Thierry Laborie.

La mise en bouteille est idéalement pratiquée dès les mois de janvier et février pour minimiser les risques d'oxydation. « Ce sont des produits à cycle court. On travaille sur le fruit et la fraîcheur, pas sur la complexité », indique Bertrand Praz.

FRÉDÉRIC MOREAU, OENOLOGUE CHEZ LOIRE PROPRIÉTÉS, À BRISSAC-QUINCÉ (MAINE-ET-LOIRE) « Je sélectionne des terroirs acides »

 © P. TOUCHAIS

© P. TOUCHAIS

Sorti cette année, le Cab'ice de Loire Propriétés est un cabernet d'Anjou destiné à être consommé avec des glaçons. Frédéric Moreau, oenologue, détaille son process de vinification. « Je sélectionne des terroirs aptes à produire des raisins acides sans les notes de poivron vert que l'on trouve souvent sur les cabernet-sauvignon récoltés avant maturité. Pour compenser la dilution causée par les glaçons, je conserve entre 32 et 34 g/l de sucres résiduels alors que je suis plutôt à 25 g/l pour mes cabernets d'Anjou classiques. Je vise également un degré alcoométrique moindre, aux alentours de 10,5 % vol. pour faire un vin très désaltérant dont on peut consommer plusieurs verres sans effets secondaires. Après débourbage statique, j'utilise des levures à profils aromatiques et je vinifie à 16 °C. Comme je vise une couleur pus pâle que pour mes rosés classiques, j'effectue un collage si nécessaire. »

Des vins acidulés et sucrés

La Vigne a demandé à l'ICV d'analyser trois rosés à boire avec des glaçons, achetés début août. Tous se rangent dans la catégorie des moelleux : le J. P. Chenet Ice Rosé renferme 31 g/l de glucose-fructose ; le Rosé Piscine de Vinovalie, 28 g/l et le Rosé On Ice de GRM, 24 g/l. Tous contiennent également de l'acide malique : jusqu'à 4 g/l pour le Rosé Piscine, preuve que la malo n'a pas eu lieu. Ces vins sont donc relativement acides, avec des pH compris entre 3,3 et 3,4. Enfin, ils titrent de 11 à 11,9°.

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