Depuis 2013, les services santé-sécurité au travail de la MSA proposent aux viticulteurs un accompagnement dans leur projet de rénovation, d'agrandissement ou de construction de chai. Dans le Beaujolais, c'est Jacques Vermorel, conseiller en prévention pour la MSA Ain-Rhône, qui officie. « De nombreux viticulteurs souhaitent moderniser leur chai. La région est particulièrement active et le mouvement s'est encore accentué ces dernières années, grâce aux aides à l'investissement de FranceAgriMer. » Malheureusement, beaucoup s'en remettent trop vite à un architecte plus intéressé par le design que par le travail de chai. Après les premières vinifications, ils doivent engager de nouveaux travaux pour corriger les erreurs de conception.
« Quand ils font construire un chai, les viticulteurs ont tendance à oublier trois points essentiels, à commencer par la facilité d'accès, observe Jacques Vermorel. Or, il faut penser au rayon de braquage des différents véhicules qui vont circuler autour du chai, tels que les semi-remorques, les camions de 19 tonnes qui livrent des palettes de bouteilles vides, ou les camions-citernes qui viennent retirer du vin en vrac. » Les chemins doivent être assez larges et les avant-toits suffisamment hauts. À l'intérieur du chai, la dalle doit être coulée en pente pour faciliter l'évacuation des eaux. Enfin, il faut anticiper l'avenir. « Par exemple, si le viticulteur pense se mettre à vinifier du crémant, il faut le prévoir. En prenant en compte l'organisation du travail en amont, il gagne du temps et de l'argent. »
En binôme avec un ergonome, Jacques Vermorel a déjà suivi cinq projets en un peu moins de trois ans. Le dernier en date est celui d'Yvan Morion, propriétaire du domaine Grand Saint-Cyr, à Quincié-en-Beaujolais. Le viticulteur travaille sur 17 ha. Il vend 4 ha en raisin et vinifie environ 600 hl chaque année, dont 90 % en rouge. Il produit des crus - régnié, côte-de-brouilly, morgon -, mais aussi des beaujolais-villages rouge, blanc et rosé. Il vend 80 % de sa production en vrac. Il embouteille et vend le reste au domaine.
Le vigneron a inauguré son chai en août dernier, une semaine avant les vendanges. Son ancien cuvier, qui longeait la route, était sombre et obsolète. « Pendant les vendanges, on bloquait le passage avec les tracteurs », expose le vigneron. En plus, il ne disposait pas de contrôle des températures intégré aux cuves. Un vrai handicap. « Pour refroidir mes cuves, j'étais contraint d'utiliser un échangeur coaxial externe, un système lourd à mettre en oeuvre, qui ne permet de traiter qu'une cuve à la fois et brasse le vin », explique-t-il.
Dès qu'il a eu connaissance du projet, le conseiller en prévention est venu avec un ergonome, Joffrey Beaujouan, pour une première tournée d'état des lieux à l'issue de laquelle le viticulteur a saisi l'opportunité d'un accompagnement de cinq jours financé par les fonds de la caisse MSA. Seuls les frais de déplacement de l'ergonome sont restés à sa charge. La tâche de l'ergonome a consisté à analyser le travail du viticulteur pour le rendre moins pénible et plus efficace. En complément, la MSA a apporté ses compétences en gestion des risques.
« Dans tous les cas, nous respectons les choix techniques du viticulteur. C'est lui le chef de projet, précise Jacques Vermorel. Nous le guidons simplement pour qu'il prenne les meilleures décisions en fonction de son budget. » Yvan Morion termine tout juste ses premières vendanges dans son nouveau chai. Il est ravi. « La thermorégulation me change la vie et je passe beaucoup moins de temps à nettoyer. Je suis moins stressé et je peux vraiment me concentrer sur la qualité du produit. »
Il estime le coût total de son chai à 380 000 € dont 80 000 € d'aides FranceAgriMer.
UN BÂTIMENT SPACIEUX...
De plus de 300 m2
Depuis sa maison, Yvan Morion bénéficie d'une vue panoramique sur le mont Brouilly. Pour la préserver, il a implanté son chai une cinquantaine de mètres plus bas, à la place de vignes en pente.
Le bâtiment mesure 320 m² (32 m x 10 m). La surface a volontairement été surévaluée car le viticulteur envisage d'augmenter sa production. On y accède par deux chemins reliés à la route, l'un menant à la réception des vendanges, l'autre au pied du chai, quatre mètres plus bas. On y pénètre par trois grandes portes à ouverture électrique qui coulissent en hauteur. Pour une bonne isolation, Yvan Morion a choisi des briques de 30 cm d'épaisseur. Le chai est lumineux, « grâce aux cinq grandes fenêtres installées côté nord », explique-t-il. Ces puits de lumière n'engendrent aucun aveuglement et pas de réchauffement du bâtiment puisque le soleil n'y entre pas directement.
Avec un encuvage par gravité
Le vigneron souhaitait encuver ses raisins par gravité. Pour cela, il a fait construire un chai de 8 m de hauteur contre une pente. Le quai de réception se situe côté amont. Là, seize volets sont encastrés dans le mur au niveau du sol. Une fois ouvert, chacun donne directement accès à une cuve, qu'il est alors facile de remplir. La vendange rouge, récoltée à la main, arrive dans une benne qui est déversée, soit dans un égrappoir, soit dans un toboggan qui passe par le volet pour aboutir dans la cuve de destination. Quatre mètres au-dessus du quai de réception, le toit sert d'auvent et protège la vendange.
... SÉCURISÉ...
Avec une circulation pensée
Une passerelle dessert l'ensemble du haut des cuves situées du côté du quai de réception. Yvan Morion met moins de temps à se déplacer, n'a plus besoin de grimper sur ses cuves et ne risque plus de glisser.
Cependant, l'installation a eu lieu pendant l'été, en son absence. Bilan de l'opération : l'entreprise n'a pas respecté les plans. La passerelle est trop étroite et pas à la bonne hauteur, et l'escalier se trouve trop près du mur. Les ouvriers vont revenir pour remédier à ces défauts. Yvan Morion insiste sur la « nécessité de toujours suivre le chantier ».
Et une évacuation du CO2 bien étudiée
De part et d'autre du chai, à l'opposé l'un de l'autre, une entrée d'air neuf et un ventilateur expulsant l'air vicié sont placés au bas du mur. Pour supprimer tout risque d'intoxication, la ventilation s'active depuis l'extérieur. Ainsi, le viticulteur peut assainir l'air avant d'entrer dans son chai. Un voyant s'allume sur les interrupteurs lorsqu'elle est en marche.
... PRATIQUE...
Avec un laboratoire situé au centre du chai
Sur ses premiers plans, Yvan Morion avait placé le laboratoire à l'extrémité du chai. L'intervention de l'ergonome lui a permis de se rendre compte qu'il était plus judicieux de le positionner au milieu, afin d'éviter les allers et retours lorsqu'il effectue des prélèvements.
Plusieurs armoires électriques
Le viticulteur ne se prend plus les pieds dans les câbles lorsqu'il circule dans son chai. Ayant fait installer plusieurs armoires électriques, il peut brancher ses appareils à cinq endroits différents. Il a également prévu plusieurs prises de 32 A pour pouvoir brancher le gros matériel : pressoir, filtre tangentiel ou groupe d'embouteillage.
Et beaucoup de rangements
Fini les tuyaux qui traînent au sol. Des crochets ont été placés à différents endroits dans le chai pour les ranger.
... ET PROPRE.
Avec des équipements faciles à nettoyer
Le sol est en béton, une surface facile à nettoyer. La dalle a été coulée en « V » selon une pente de deux degrés. Les eaux de lavage sont ainsi conduites vers une gouttière centrale, équipée de paniers récupérateurs qui interceptent les parties solides.
Pour l'achat du pressoir, c'est aussi le nettoyage qui a guidé Yvan Morion. Aiguillé par Alain Gay, son conseiller technique, il a opté pour un pressoir Europress P34, à cage ajourée. Monté sur quatre roues, le pressoir se déplace facilement et se nettoie en vingt minutes. « Aujourd'hui je travaille seul au chai et je ne compte pas mes heures. Mais j'envisage d'agrandir l'exploitation et pourrais être amené à recruter. C'est une bonne chose pour les salariés d'avoir des matériels pratiques. »
Et une vaste aire de lavage
Tout comme il a surdimensionné son chai, Yvan Morion a vu grand pour l'aire bétonnée qui jouxte la porte principale. En plus de servir d'aire de lavage du matériel de vendanges, elle pourra accueillir un second pressoir, « si je me mets à vinifier davantage de vins blancs et de rosés ». La zone est équipée d'arrivées d'eau et de plusieurs prises électriques, de différentes capacités. Les ouvriers ont également installé des trappes équipées de by-pass pour l'évacuation des effluents.