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VENDRE - Conseils de pros

Comment valoriser vos démarches environnementales

ÉMILIE-ANNE JODIER - La vigne - n°279 - octobre 2015 - page 58

Certification bio, Terra Vitis ou HVE en poche, il est temps de montrer vos efforts à vos clients. Petit guide à l'usage de ceux qui veulent faire de leur engagement environnemental un argument de vente.

1. Tâchez de cerner votre interlocuteur

« La clé pour réussir est d'écouter son client, rappelle Mathilde Boulachin. Il ne faut pas partir de votre démarche environnementale en espérant la vendre au monde entier. » Ce travail d'écoute a un but : il faut cerner rapidement votre interlocuteur. C'est la règle d'or pour toute démarche commerciale. Même en matière environnementale, il ne faut « surtout pas imposer un discours », prévient Laurent Brault. Face au particulier qui vous demandera le plus souvent si vous êtes en bio, la meilleure réponse à lui apporter est... une autre question. « Le bio, c'est très vaste, rappelle Laurent Brault. Il faut alors savoir ce qui interpelle votre client dans cette démarche pour aller dans son sens. » D'où l'idée de lui demander : « Le bio vous intéresse ? Qu'est-ce qui vous préoccupe le plus ? » Le dialogue s'installera de lui-même en fonction de sa réponse. À celui qui s'inquiète avant tout des pesticides, vous pourrez expliquer que vous avez les mêmes préoccupations et lui détailler vos efforts pour réduire les traitements. Le tout sans forcément mettre sur la table votre certification. « Cela peut donner lieu à un dialogue de sourds », observe Laurent Brault. Surtout si vous n'êtes pas en bio, le label de loin le plus connu.

2. Parlez avec conviction

Jouer directement la carte du label, même avec les professionnels, n'est pas l'idéal. Mieux vaut parler avec conviction de son travail et de l'importance que vous accordez à la biodiversité ou à l'impact social et environnemental de votre domaine. Pour Joëlle Brouard, les « gens sont pragmatiques. Donner force détails sur les cahiers des charges n'est pas la bonne approche. Ce qui est important, c'est de parler de la passion de son métier, de montrer qu'on fait le meilleur vin possible dans les meilleures conditions ». Et d'ajouter : « Il ne faut pas hésiter à évoquer ses échecs, à montrer les problèmes et à expliquer les choix qui doivent être faits. »

3. Affichez votre certification... ou pas !

« Un logo peut être apprécié comme il peut être considéré comme kitsch, observe Mathilde Boulachin. Affubler une étiquette d'un énorme label n'est pas forcément une bonne idée. » Mieux vaut opter pour la subtilité et imprimer, par exemple, le label sur la contre-étiquette. « Pour ma part, je suis beaucoup plus favorable à un affichage discret au caveau, affirme Laurent Brault. Les vignerons ne sont pas là pour vendre une certification mais leur image de marque. »

Pour Joëlle Brouard, « une certification a le mérite de rassurer. C'est toujours une bonne chose d'en parler ». En l'affichant, vous ouvrez la porte au dialogue. « Certains vignerons ayant décroché la certification HVE ont été déçus, rapporte Laurent Brault. Ils pensaient que le logo allait couper court aux questions. Souvent, c'est l'inverse qui se produit. »

Sans oublier qu'un logo, c'est aussi un moyen de justifier un prix. « Les démarches environnementales impliquent des coûts de production plus élevés, reconnaît Joëlle Brouard. Expliquer ce que l'on fait et pourquoi on le fait valorise votre travail. » Et donc vos vins.

4. Apporter des preuves

Les démarches environnementales ont le mérite de pouvoir être traduites en images. Pour Joëlle Brouard, ça n'a pas de prix : « On peut apporter des preuves de son engagement. » Haies, présence d'insectes et d'oiseaux, enherbement... il faut montrer le travail accompli. « Un petit film peut donner un résultat très sympathique, ajoute Mathilde Boulachin. On peut faire passer beaucoup d'émotions par ce biais. » Mais pour ceux qui n'ont pas les moyens, une succession de photographies sur leur site Internet fait très bien l'affaire. Joëlle Brouard conseille d'en prendre beaucoup et de réaliser des montages avant/après.

Inutile d'accompagner ces images de longues explications. « En montrant ses enfants en train de croquer les raisins dans les vignes, on sous-entend que les baies ne sont pas traitées », indique Mathilde Boulachin. Idem pour la biodiversité. Une photo de coccinelle ou d'un autre insecte a un impact plus fort qu'un long discours. « Surtout sur les réseaux sociaux, indique Laurent Brault, où ce genre d'image a largement plus de retentissement qu'une photo qui annonce la certification. »

5. Donnez une visibilité à votre engagement

Sur le sujet, Mathilde Boulachin est intarissable : « Vous pouvez utiliser du papier recyclé pour vos courriers et vos plaquettes, même chose pour les cartons. Certaines techniques d'impressions utilisent des encres organiques. Vous pouvez ajouter le logo de votre certificat environnemental à votre signature dans vos mailings et courriels, ou même, plus subtil, une image de coccinelle, par exemple. Le caveau peut être décoré à partir de matières recyclées, de bois, etc. Pensez à tout ce qui fait référence à l'environnement ou à la nature. » À chacun de trouver son style. Car il faut aussi penser à se différencier, un impératif pour l'experte en marketing.

Laurent Brault, lui, se souvient d'un vigneron qui avait trouvé une idée bien à lui : « Il récupérait tous les bouchons de ses clients pour les recycler. C'est tout bête et ça ne coûte pas grand-chose. Et ses clients pensaient toujours à lui en débouchant une bouteille, même si elle venait d'un autre viticulteur ! »

Pensez aussi à tisser un réseau avec d'autres producteurs locaux engagés dans une démarche environnementale. Ils parleront de vous à leurs clients, ce qui vous fera connaître auprès d'eux. « Il y a tout intérêt à mettre en place des partenariats », assure Mathilde Boulachin.

6. Tout en restant cohérent

Attention toutefois à ne pas mettre l'environnement à toutes les sauces - ce que Joëlle Brouard appelle le greenwashing - car vous provoqueriez une indigestion de communication verte. « Les consommateurs ont perdu leur naïveté sur le sujet », assure la chercheuse. « Attention à ne pas tomber dans l'excès, confirme Laurent Brault. Il ne faut pas chercher à faire dans le recyclé à tout prix. » L'environnement, c'est aussi faire des économies : sur les emballages, les cartons, l'eau... Et ne pas vouloir à tous crins installer des panneaux photovoltaïques fabriqués en Chine et au bilan carbone pour le moins lourd.

Le Point de vue de

BERTRAND COULY, DOMAINE PIERRE ET BERTRAND COULY, 20 HA EN APPELLATION CHINON, CERTIFIÉ HVE

« À la belle saison, je poste une photo de fleur par jour sur Facebook »

 © KOEPHOTOGRAPHY

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« Nous avons depuis le début une démarche éco-responsable au vignoble. Mais nous avons toujours eu un peu de mal à faire comprendre à la clientèle ce que cela signifie. Avec la certification HVE (haute valeur environnementale), nous avons un dispositif reconnu par l'État qui appuie notre discours et donne de la valeur à notre engagement, même si cela fait très longtemps que nous avons adopté ces pratiques. C'est tout bête, mais j'ajoute le logo HVE à la signature de mes e-mails. Dans mes courriers, j'utilise un petit texte tout simple, de quelques lignes seulement, pour expliquer notre philosophie. Nous avons une activité oenotouristique très forte avec 10 000 visiteurs par an. Les gens sont très curieux de savoir comment on travaille. J'emmène les visiteurs dans les vignes où j'évoque toujours la biodiversité : je montre les haies et je leur parle de la richesse que représentent les insectes, les araignées... Par ailleurs, j'utilise énormément les réseaux sociaux. J'ai toujours fait de la photographie, et ça me plaît de prendre les insectes en photo. Je les poste sur Facebook. Des gens suivent notre page au jour le jour. À la belle saison, je mets même en ligne une photo de fleur différente chaque jour ! Il suffit de cinq minutes : le matin, en partant, je prends une photo en vitesse avec mon smartphone et je l'envoie instantanément sur le site de Facebook. C'est devenu un jeu avec les clients, qui s'amusent à donner le nom de la fleur. Ce sont des petits clins d'oeil comme cela qui nous rapprochent de nos consommateurs et leur rappellent notre engagement quotidien. »

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JOËLLE BROUARD Professeur de marketing à l'École supérieure de commerce de Dijon Bourgogne

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MATHILDE BOULACHIN  Directrice de l'agence de marketing et communication Avina

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LAURENT BRAULT Chargé de mission développement aux Vignerons indépendants de France

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