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Fin du contrat vendanges Une charge de plus

ROXANE POUR-SADJADI - La vigne - n°280 - novembre 2015 - page 96

Avec la suppression de l'exonération des cotisations salariales du contrat vendanges, les revenus des vendangeurs ont fondu de 60 à 100 euros cette année. Les viticulteurs ont dû improviser des compensations.
L'ARRÊT DE L'EXONÉRATION implique une baisse conséquente du salaire des vendangeurs. © P. ROY

L'ARRÊT DE L'EXONÉRATION implique une baisse conséquente du salaire des vendangeurs. © P. ROY

La récolte 2015 a beau être d'excellente qualité, elle laisse un goût amer à de nombreux vendangeurs.

Un manque à gagner pour les saisonniers

Ariane, étudiante parisienne de 25 ans, a ses habitudes dans un domaine de Quincié-en-Beaujolais (Rhône). « En 2013, j'ai gagné 700 euros pour treize jours de travail, explique-t-elle. Cette année, je n'ai reçu que 260 euros de salaire net pour six jours [frais de repas déduits, NDLR]. Je suis dégoûtée, c'est énorme de perdre 10 euros par jour pour un boulot aussi dur ! Les patrons ne nous ont pas prévenus. Je pense qu'ils ne voulaient pas prendre le risque que l'on se désiste à la dernière minute. Je l'ai appris en discutant avec d'autres coupeurs. Si je l'avais su avant, je ne serais pas venue. »

Philippe et Élisabeth Laffay, viticulteurs à Pommiers (Rhône), ont préféré jouer la carte de la transparence dès l'embauche : « On craignait de subir le contrecoup. Nous avons décidé de prévenir nos vingt-cinq vendangeurs par téléphone. Ils n'étaient pas ravis de payer 7,5 % de cotisation en plus, mais ils sont quand même venus. Ce sont des étudiants, des intermittents du spectacle. Ils se disent que c'est toujours bon à prendre et ils savent qu'on n'y est pour rien. »

Christine Mercier, gestionnaire du Domaine Picotin, à Lucenay (Rhône), a coupé la poire en deux : « J'avais peur qu'ils ne viennent pas, alors je les ai avertis juste avant de commencer. Ils étaient déçus. Ils m'en voulaient. Je leur ai expliqué que je ne faisais qu'appliquer la loi. Un de mes collègues a eu plus de problèmes : ses vendangeurs ont détruit du matériel pour se venger. »

Des mesures pour compenser

Face à la déception et à la colère des salariés, beaucoup de viticulteurs ont dû improviser des compensations à la mesure de leurs moyens. Bruno et Catherine Michel, exploitants d'un domaine de 13 h, à Pierry, dans la Marne, ont mis la main à la poche pour leurs vingt cueilleurs : « On a gonflé le brut de 7 % pour qu'ils gagnent la même chose qu'auparavant. La récolte a duré dix jours. Nos salariés sont payés à la tâche, au kilo. Cela nous a coûté 2 000 euros rien qu'en cotisations MSA. Pour les coupeurs, le salaire moyen était de 1 200 euros nets. On l'a fait uniquement parce que ce sont des habitués. »

Les vingt-cinq vendangeurs d'Olivier Depardon, du domaine de Villié-Morgon (Rhône), sont, eux, repartis avec de bons crus : « Je leur ai donné trois bouteilles Collections du domaine. Ils étaient contents. D'habitude, je leur offre des bouteilles moins prestigieuses. »

Christophe Pernet, à la tête du groupement d'employeurs de Champagne et exploitant au Mesnil-sur-Oger, dans la Marne, a opté pour une autre solution : « Nous leur avons fait vendanger quelques vignes non effeuillées, à un tarif plus avantageux. Grâce à cela, nos saisonniers ont pu toucher jusqu'à 20 % de plus par jour. »

La patronne de Julien, 31 ans, musicien et porteur en Côte-d'Or, a glissé un second chèque dans son enveloppe de fin de récolte : « J'ai reçu un chèque cadeau de 70 euros à utiliser dans des magasins. C'est une sorte de prime au noir. Elle ne paie pas de charges dessus. Et cela compense les 80 euros retirés de mes revenus nets cette année. »

À Saint-Étienne-des-Oullières (Rhône), le viticulteur Jacques Gennetier a préféré arrondir : « Mes vingt-neuf salariés ont vendangé mes 12 ha en six jours et demi. Je les ai payés une demi-journée de plus en comptant sept jours. Mes coupeurs s'en sont sortis avec 250 euros cette année. » Mais cet exploitant précise : « La majorité de mes employés sont Polonais et Hongrois. Ce qu'ils gagnent ici correspond à trois fois leur Smic. Cela reste avantageux pour eux. En partant, beaucoup m'ont dit "à l'année prochaine". »

Une baisse du revenu journalier de 7 à 10 €

L'Assemblée nationale a supprimé l'exonération des cotisations salariales du contrat vendanges, le 18 décembre dernier, dans le but de faire des économies. L'État compte ainsi récupérer 17 millions d'euros dans ses caisses. Créé en 2001, le contrat vendanges a été pensé pour faire face à une pénurie de main-d'oeuvre dans les vignes. Les vendangeurs étaient exonérés des cotisations maladie, maternité, invalidité et vieillesse, jugées inutiles car beaucoup d'entre eux bénéficiaient déjà d'une couverture par le biais de leur activité principale. L'article 47 du projet de loi de finances 2015 a donc supprimé cet avantage. Le manque à gagner pour les vendangeurs est estimé de 7 à 10 euros nets par jour.

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