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DOSSIER - Bonnes nouvelles de nos régions

Provence Success Story aux USA

CHANTAL SARRAZIN - La vigne - n°282 - janvier 2016 - page 36

Les exportations de vins de Provence ont connu une accélération significative en 2015. Elles sont dopées par les États-Unis, qui recherchent des qualités haut de gamme.
ISABELLE ET JEAN-PIERRE DAZIANO, viticulteurs aux Mayons, dans le Var, exportent 40 % de leur production vers les États-Unis. © D. LATOUR/ANDIA

ISABELLE ET JEAN-PIERRE DAZIANO, viticulteurs aux Mayons, dans le Var, exportent 40 % de leur production vers les États-Unis. © D. LATOUR/ANDIA

PHILIPPE BRU, régisseur du Château Vignelaure, à Rians (Var). © J. NICOLAS

PHILIPPE BRU, régisseur du Château Vignelaure, à Rians (Var). © J. NICOLAS

Les exportations de vins de Provence ont battu des records en 2015. Entre janvier et septembre, elles se sont élevées à 22 millions de litres. C'est plus que durant toute l'année 2014. Il s'agit à 80 % de rosés, dont les Américains sont devenus très friands. Les exportations vers les États-Unis ont ainsi quasiment doublé entre 2012 et 2014. À fin juillet 2015, elles ont frôlé les 7 millions de litres.

« Les États-Unis, c'est notre premier débouché à l'export », signale Jean-Pierre Daziano, vigneron aux Mayons (Var), où il cultive 20 ha de côtes-de-provence en bio. Il vend 60 % de sa production hors de France, soit 35 000 cols. 40 % d'entre eux partent aux États-Unis. Deux importateurs, l'un sur la côte Est, l'autre sur la côte Ouest, distribuent ses vins en exclusivité. Le prix moyen de ses rosés affiche un peu plus de 5 € HT départ cave vers ce pays. « Mes importateurs sont exigeants. Ils veulent du haut de gamme, des rosés pâles, frais, avec des notes d'agrumes. » Tous les ans, ils définissent ensemble les assemblages après les vendanges. Hormis cela, Jean-Pierre Daziano a peu de contraintes. « Ils ne nous ont jamais demandé d'aller promouvoir nos vins sur place. Ils préfèrent venir au domaine, avec leurs agents ou distributeurs. C'est l'attrait de la Provence ! »

Le viticulteur exporte également en Belgique, Grande-Bretagne, Autriche et Italie, toujours via des importateurs. Il a rencontré ces derniers lors des Salons des vignerons indépendants de France (Vif) de Paris et Strasbourg. « Ce sont des clients fidèles, et ils prennent en charge les frais de transport », souligne-t-il. Mais Jean-Pierre Daziano n'en cherche pas de nouveaux. N'ayant plus assez de rosés pour répondre à la demande, il limite déjà les quantités allouées à ses clients.

Pas étonnant que les acheteurs étrangers se mettent en quête de nouveaux fournisseurs. La cave coopérative de Gonfaron (30 000 hl) vient ainsi de décrocher un premier contrat avec un importateur de Floride. L'affaire porte sur 25 000 cols d'un côtes-de-provence rosé dont le profil et l'habillage ont été choisis avec le client. « Il travaille déjà avec des caves particulières, expose Éric Pastorino, le président. Mais il recherchait des quantités plus importantes. C'est lui qui nous a contactés. » À terme, la commande pourrait grimper à 120 000 cols.

Les coteaux-varois et les coteaux-d'aix-en-provence profitent aussi de cette embellie. « Les États-Unis boostent nos sorties de chai, annonce Philippe Bru, régisseur du Château Vignelaure - 52 ha en coteaux-d'aix-en-provence - à Rians (Var). Le mot Provence les fait rêver, et il rime avec rosé de qualité. » Le château produit 200 000 cols par an qu'il exporte à 55 %. Il vient de trouver un importateur aux États-Unis, soit un marché de 20 000 cols en 2016, contre 3 000 en 2015. Philippe Bru l'a rencontré sur place et s'y rend au moins une fois par an.

« Avec l'essor de nos exportations, il n'y a plus d'excédent », analyse Didier Pauriol, président du Syndicat des vins des coteaux d'Aix-en-Provence. Les cours du vrac ont fortement progressé, le haut de gamme - très prisé des importateurs - ayant connu l'inflation la plus importante.

Dans ce contexte, une partie du négoce peine. C'est le cas de Gilardi, aux Arcs-sur-Argens (Var). L'entreprise vend six millions de cols par an, essentiellement en CHR. « Autrefois, nous réalisions la quasi-totalité de nos achats en début de campagne, indique Alain Radigone, directeur de site chez Gilardi. Aujourd'hui, nous n'achetons que la moitié de nos besoins à cette période, soit 15 000 hl. Il s'agit de volumes contractualisés. Nous attendons que le cours retombe pour compléter nos approvisionnements. »

Bien que l'export s'envole, les opérateurs restent prudents. « Nous exportons un tiers de notre volume, soit un million de cols. Les deux tiers restants se répartissent entre grossistes, CHR et vente directe en région. Nous tenons à conserver cet équilibre. C'est parce que nous sommes forts chez nous que nous pouvons rayonner à l'export », souligne Stéphanie Cottreau, responsable du marketing aux Vignerons de la Presqu'île de Saint-Tropez.

Mais gare au miroir aux alouettes. « L'export ne rapporte pas plus que la France, lance Philippe Brel, président du CIVP. Certes, les statistiques montrent que les prix de vente départ sont supérieurs à la moyenne. Mais les coûts de commercialisation sont tels qu'au final, le revenu est comparable à celui que procure le marché français. »

Christophe Bernard, directeur général du Château Sainte-Roseline, complète : « D'après les Douanes, le prix moyen des vins de Provence exportés s'élève à 4,15 euros le col HT. C'est bien supérieur au prix moyen de vente en France. Mais ce chiffre reflète les pratiques des exportateurs ayant une forte notoriété et dont les prix sont élevés, en France comme à l'étranger. » Pour le tout-venant, l'export n'assure pas de meilleurs revenus, seulement des débouchés supplémentaires.

+ 32 %

C'est la hausse des exportations de vins AOC de Provence entre janvier et septembre 2015 par rapport à la même période en 2014. Source : CIVP douanes

ÇA MARCHE AUSSI...

- La Provence annonce un volume de vin disponible à la vente stable pour 2015-2016, avec 1,35 million d'hectolitres. Et ce, en dépit d'une récolte 2015 estimée à 1,14 million d'hectolitres, soit une baisse de 6 % par rapport à la précédente campagne. Le cours moyen du côtes-de-provence rosé devrait donc se stabiliser autour de 200 €/hl.

- Les ventes des rosés de Provence résistent bien dans la grande distribution française, malgré l'inflation. Entre 2010 et 2014, le prix moyen du côtes-de-provence a subi 30 % de hausse alors que les ventes n'ont reculé que de 20 %. Le coteaux-varois et le coteaux-d'aix-en-provence ont connu des évolutions similaires.

ÇA POURRAIT ALLER MIEUX...

- Le budget consacré à la promotion est insuffisant. Pour Didier Pauriol, président du Syndicat des vins des coteaux d'Aix-en-Provence, « Notre interprofession [CIVP, NDLR] est celle qui dispose du plus petit budget alloué à la communication, avec 630 000 euros en 2015. On veut être leaders du rosé haut de gamme. Il faut des moyens pour le faire savoir. »

- Depuis 2008, les surfaces revendiquées en AOC Côtes de Provence ne progressent plus. Elles stagnent autour de 19 700 ha alors que l'aire de l'appellation s'élève à 61 400 ha. Le syndicat cherche à comprendre les causes de cet écart en étudiant le potentiel qui peut réellement être planté en vignes.

- Le négoce grince des dents. Des entreprises n'ont pas répercuté l'intégralité de la hausse des cours auprès de leurs clients. « Le CHR l'aurait refusé, souligne Alain Radigone, directeur chez Gilardi. En 2015, nous avons préservé nos marges en diminuant nos achats au début de la campagne quand les prix étaient élevés. » D'autres, en revanche, ont dû comprimer leurs marges et réduire leur budget de promotion.

L'essentiel de l'offre

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