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DOSSIER - Bonnes nouvelles de nos régions

Bergerac Du ressort à tous les étages

COLETTE GOINÈRE - La vigne - n°282 - janvier 2016 - page 42

Viticulteurs, coopératives et négociants s'emploient à rendre plus attractive l'offre en vins de la région. Revue de détail de quelques initiatives récentes.
NICOLAS MONBOUCHÉ ET ANDRÉ PETITEAU, les inventeurs du Tib, un nouveau contenant de 1,5 litres s'ouvrant par le dessus.

NICOLAS MONBOUCHÉ ET ANDRÉ PETITEAU, les inventeurs du Tib, un nouveau contenant de 1,5 litres s'ouvrant par le dessus.

VIANNEY DE TASTES ET LAURENT DE BOSREDON, respectivement directeur général et propriétaire du Château Bélingard, à Pomport.

VIANNEY DE TASTES ET LAURENT DE BOSREDON, respectivement directeur général et propriétaire du Château Bélingard, à Pomport.

On connaissait les Bib de 3 à 10 litres, voilà le « Tib ». Ce Bib, d'une contenance de 1,5 litre et de section carrée, a son robinet verseur placé sur le dessus. De ce fait, il se sert comme une bouteille. Un modèle conçu - et une marque déposée - par André Petiteau, 43 ans, et Nicolas Monbouché, 37 ans, dont la famille détient le Château Le Thibaut, à Monbazillac (Dordogne).

Pour commercialiser leur invention, les deux compères ont fondé la SAS « Le TIB » en octobre dernier et lancé le site letib.fr. Pour le moment, leur gamme est courte : un monbazillac, un pécharmant et un bergerac blanc sec. Mais d'ici l'été prochain, ils vont l'étoffer avec un bergerac rosé. « Nous sommes partis du constat que de plus en plus de consommateurs boivent du vin au verre, explique André Petiteau. Or, dans les bars à vins situés hors de la Dordogne, on ne trouve quasiment pas de pécharmant, monbazillac ou bergerac. »

Pour diffuser les vins de leur région, ils misent sur l'originalité. « Nous avons voulu un Bib de 1,5 litre qui s'utilise comme une bouteille et qui tienne verticalement dans la porte du réfrigérateur, comme une brique de lait. N'en ayant pas trouvé sur le marché, nous avons développé notre propre modèle », raconte André Petiteau.

Le packaging se veut ludique, avec pour décor un géant nommé Thibaut, un personnage de bande dessinée qui parcourt les vignes. Les ventes semblent bien démarrer. Pour les stimuler, les deux associés vont organiser des « apéros Tib » dans des bars à vins parisiens.

À Pomport, Anthony Castaing, est, lui aussi, sur une dynamique porteuse. À la tête du Domaine de Grange Neuve, 50 ha en AOC Monbazillac, il a investi le créneau de l'oenotourisme avec succès. Trois mille personnes par an viennent sur place pour déguster ses vins. Son domaine comprend une bâtisse de 450 m2, offrant une vue imprenable sur le vignoble, avec piscine chauffée, billard... Le vigneron y loue des chambres et une salle de réception entre seize et vingt semaines par an. En octobre dernier, il s'est vu décerner le Best of Wine Tourism 2016, dans la catégorie hébergement. Un concours organisé par la chambre de commerce de Bordeaux qui récompense chaque année les meilleurs sites d'oenotourisme.

Anthony Castaing vient de racheter 17 ha du Domaine de Chantalouette, en AOC Monbazillac. « Ce rachat va me permettre d'alimenter en monbazillac des marchés que je ne pouvais pas accepter faute de volumes. » Et d'ajouter : « Ici, dans le Bergeracois, il faut se secouer sinon on disparaît. »

Un propos que ne reniera pas Laurent de Bosredon, à la tête du Château Bélingard, à Pomport également. Confronté au vieillissement de sa clientèle et de son entreprise, il a opéré un rebond dès 2013. « Pour éviter la descente aux enfers, j'ai embauché Vianney de Tastes en tant que directeur général qui, à 35 ans, a fait ses armes dans plusieurs propriétés. Il va poursuivre ce que j'ai entrepris depuis des années », confie-t-il.

Bélingard produit sur 82 ha 400 000 bouteilles en AOC Bergerac, Côtes de Bergerac et Monbazillac dont elle vend 60 % à l'export. En vue de redresser la barre, les chantiers s'enchaînent : renouvellement des vignes, formation des tailleurs, acquisition de matériels. Pour coller au goût du jour, Laurent de Bosredon a abaissé de moitié la teneur en sucres résiduels de son côtes-de-bergerac blanc et s'est mis à produire un rouge de thermovinification et un rosé de pressurage direct. Depuis, la production de rosé est passée de 90 hl en 2013 à 300 hl en 2015.

Pour rendre son offre plus lisible, il l'a remaniée autour de trois pôles : les vins d'entrée de gamme (6 €), les vins de réserve (9 €) et le haut de gamme (de 15 à 20 €). Quant au réseau d'agents commerciaux en France, il va s'étoffer. La refonte se dessine touche par touche. De quoi mettre du baume au coeur du viticulteur.

Du côté des coopératives, ça bouge aussi. Couleurs d'Aquitaine, la société de commercialisation des quatre caves coopératives de Dordogne (10 millions de cols commercialisés) annonce un plan ambitieux à l'export. Elle a embauché deux commerciaux dans ce but et segmenté sa gamme entre IGP périgord élevés en cuve, bergerac secs élevés en fûts de chêne et liquoreux. Elle se prépare désormais à lancer une marque pour rendre cette offre plus lisible.

La lisibilité ? C'est le vrai problème des bergeracs, qui souffrent de l'ombre que leur porte Bordeaux. Comme pour l'AOC Duras, toute proche. Comment s'en sortir ? Mathieu Crosnier, directeur du domaine du Grand Mayne, 34 ha en côtes-de-duras, a eu une bonne idée. Il a suggéré à son propriétaire anglais de miser sur le crowdfounding. Il a ainsi proposé aux clients qui le souhaitaient d'acheter des parts de la société. En retour, l'investisseur a droit à des tarifs privilégiés, des étiquettes personnalisées, etc. Grand Mayne a séduit 650 actionnaires dont 90 % d'Anglais et a récolté 620 000 €, ce qui va lui permettre de mener à bien ses développements, avec une clientèle fidélisée.

122 €/hl

Prix moyen du bergerac rouge durant la campagne 2014-2015. Un niveau plus rémunérateur après des années où le cours a stagné entre 80 et 90 €/hl.

Source : IVBD.

ÇA MARCHE AUSSI...

- Le monbazillac se porte bien. Les cours du vrac sont passés de 296 €/hl à 322 €/hl en novembre dernier, alors que les sorties de chai sont restées stables, se fixant à 58 000 hl environ par an.

- « Les volumes disponibles pour la campagne 2015-2016 sont bien calibrés, estime Éric Hugot, responsable du service économie de l'interprofession des vins de Bergerac et de Duras. Les marchés seront bien approvisionnés. Les acheteurs peuvent s'appuyer sur des prix stables pour se développer. »

- Les interprofessions de Bergerac et de Duras ont fusionné en novembre 2014. Une façon de mettre des moyens et des compétences en commun. La nouvelle interprofession veut engager « un travail collectif qui valorise les vins du Sud-Ouest, en France comme à l'export », d'après Vincent Bergeon, son directeur.

ÇA POURRAIT ALLER MIEUX...

- L'absence de notoriété est un problème récurrent. « La marque Bergerac ne s'impose ni en grande distribution, ni à l'export. Le manque de notoriété est patent. Bergerac ne fait pas rêver », déplore Laurent de Bosredon, propriétaire du Château Bélingard, à Pomport (Dordogne). « On a la qualité, mais pas la reconnaissance », renchérit Anthony Castaing, son voisin, à la tête du Domaine de Grange Neuve.

- La région manque de têtes de file. « Les propriétés restent familiales et atomisées. Les appellations n'ont pas de leaders qui pourraient tirer l'image vers le haut », constate le négociant Didier Grandeau.

- La production, elle, déplore la dépendance au négoce bordelais qui reste le principal acheteur des vins de Bergerac. Conséquence ? « Bergerac apparaît comme un complément de gamme, un produit secondaire », lâche Éric Chadourne, président du conseil de surveillance de Couleurs d'Aquitaine.

L'essentiel de l'offre

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