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« Derrière chaque vin, il faut une histoire »

COLETTE GOINÈRE - La vigne - n°255 - juillet 2013 - page 67

À VINEXPO, LAURENT DE BOSREDON A MOUILLÉ LA CHEMISE. Il a multiplié les contacts pour renforcer ou relancer ses réseaux, parlant avec passion de ses vins et de leur histoire. Nous l'avons suivi toute une journée.
LAURENT DE BOSREDON accueille Vincent et Jonathan Lam sur son stand. À la tête d'une société de distribution, ces deux Chinois viennent déguster ses vins. PHOTOS P. ROY

LAURENT DE BOSREDON accueille Vincent et Jonathan Lam sur son stand. À la tête d'une société de distribution, ces deux Chinois viennent déguster ses vins. PHOTOS P. ROY

À VINEXPO, Laurent de Bosredon faisait stand commun avec la maison Klipfel, le domaine d'Ognoas et le négociant et producteur bordelais Thienpont.

À VINEXPO, Laurent de Bosredon faisait stand commun avec la maison Klipfel, le domaine d'Ognoas et le négociant et producteur bordelais Thienpont.

LE COMTE DE BOSREDON a l'œil sur tout ce qui se passe dans l'allée (ci-dessous). Pour éveiller la curiosité de ses interlocuteurs, il flashe le QR code présent sur ses bouteilles, ce qui lance un film présentant le domaine (à droite).

LE COMTE DE BOSREDON a l'œil sur tout ce qui se passe dans l'allée (ci-dessous). Pour éveiller la curiosité de ses interlocuteurs, il flashe le QR code présent sur ses bouteilles, ce qui lance un film présentant le domaine (à droite).

LE COMTE DE BOSREDON a l'œil sur tout ce qui se passe dans l'allée (ci-dessous). Pour éveiller la curiosité de ses interlocuteurs, il flashe le QR code présent sur ses bouteilles, ce qui lance un film présentant le domaine (à droite).

LE COMTE DE BOSREDON a l'œil sur tout ce qui se passe dans l'allée (ci-dessous). Pour éveiller la curiosité de ses interlocuteurs, il flashe le QR code présent sur ses bouteilles, ce qui lance un film présentant le domaine (à droite).

RAOUL KOUOKAM, un importeur de vins français au Cameroun s'est déplacé à Vinexpo pour goûter la production de Laurent de Bosredon, qui n'hésite pas à sortir sa carte des appellations de l'Aquitaine.

RAOUL KOUOKAM, un importeur de vins français au Cameroun s'est déplacé à Vinexpo pour goûter la production de Laurent de Bosredon, qui n'hésite pas à sortir sa carte des appellations de l'Aquitaine.

Mardi 18 juin, 9 h 30. Vinexpo, le salon international du vin de Bordeaux (Gironde), commence à s'animer. Laurent de Bosredon, propriétaire du château Bélingard, à Pomport, en Dordogne, est déjà sur le pont. Il échange avec Angélique Pételet. Cette conseillère export à la mission économique d'Ubifrance à Milan, en Italie, vient d'arriver sur son stand. Elle tente de le convaincre de participer à la dixième édition des rencontres Terroirs et vignerons de France, le 17 février 2014 à Milan. Au menu : des échanges avec des importateurs et acheteurs italiens, des visites de points de vente.

Laurent de Bosredon est-il appâté ? Pas sûr. L'Italie n'est pas sa préoccupation première. Il vend 60 % de ses vins à l'export dans 25 pays différents (Europe, Amérique du Nord, Australie, Moyen-Orient et Extrême-Orient). Seul à la barre pour assumer la partie commerciale, il doit faire les choix les plus judicieux possibles. Notamment financiers.

Ainsi, Vinexpo pèse lourd. Pour alléger le coût de sa participation, il partage son stand avec trois autres sociétés : la maison Klipfel, une entreprise familiale qui détient 40 ha de vignes en Alsace, le domaine d'Ognoas, producteur d'armagnac, et le négociant et producteur bordelais Thienpont.

Les quatre entreprises se partagent un stand de 32 m2. Vinexpo leur a facturé l'emplacement 11 360 euros. À cela, il faut ajouter 5 000 euros pour la décoration du stand, 2 000 euros de prestations techniques et 1 480 euros de droits d'exposants. Soit un total de 19 840 euros.

Sans compter une bonne dose de persuasion et de système D. Laurent de Bosredon a dû insister pour obtenir une place dans le hall 1 du salon, où se trouvent toutes les grandes maisons, alors qu'il risquait de se retrouver « relégué au fin fond » du hall 2. Client de Vinexpo depuis 1983, il n'a pas hésité à écrire aux organisateurs, rappelant sa fidélité sans faille et se demandant si elle n'était pas inutile. Son vœu sera finalement exhaussé.

Il a aussi dû faire preuve de débrouille dans les préparatifs du salon. La société chargée de laver les verres s'est retrouvée en panne de paniers pour les ranger dans ses machines à laver. Le viticulteur a dû se démener pour en acheter lui-même avant le salon ! Mais ce sont déjà des histoires anciennes.

Ce matin, il préfère évoquer ses projets de développement, loin de l'Italie. Sa cible ? L'Afrique, « c'est la zone de demain, bien plus facile que la Chine », lâche-t-il. Pour ce Vinexpo, il a envoyé 1 500 invitations par mail dont une bonne trentaine à des importateurs et à des prospects africains. Raoul Kouokam a reçu le mail du château Bélingard. C'est la première fois que ce Camerounais se rend à Vinexpo. Avec son épouse Keby, il a créé une SARL qui importe des vins français.

Laurent de Bosredon se met en quatre pour son interlocuteur. Il lui explique qu'il partage le stand avec trois autres producteurs. Pédagogue, il sort une carte de l'Aquitaine, lui montre les différentes appellations, de Jurançon à Bordeaux, en passant par Madiran, Buzet, Duras et Bergerac. Zoom sur sa propriété à Pomport, ses 85 ha, ses 4 000 hl de production annuelle et ses 500 000 bouteilles. Raoul Kouokam se sent en confiance. Il répète qu'il veut connaître les produits pour donner une information fiable à ses clients, des chefs de magasins, des particuliers et des restaurateurs. « Le Cameroun est le pays d'Afrique qui a consommé le plus de vins en 2012. Je suis content de voir que des viticulteurs français s'intéressent à notre pays », confie-t-il. Puis c'est le moment de la dégustation. Le Camerounais entend se concentrer sur les rouges qui vont si bien avec la cuisine épicée de son pays. C'est parti pour la découverte du Château Bélingard 2012, un bergerac composé à 60 % de merlot, 25 % de cabernet sauvignon, 10 % de cabernet franc et 5 % de malbec. Un vin marqué par un nez de fruits rouges. Place ensuite à Ortus, un vin de garde. Raoul Kouokam apprécie la couleur profonde et les tanins puissants de ce côtes-debergerac rouge 2009.

Après avoir goûté les rouges, Raoul Kouokam se laisse séduire par les blancs. Il ne boude pas la cuvée Blanche de Bosredon, un côtes-de-bergerac sec 2010. Le viticulteur lui explique que ce vin porte, à titre d'hommage, le nom de sa grand-mère, décédée à 102 ans et qui a dirigé le domaine pendant soixante ans. Vient enfin le monbazillac 2007 Blanche de Bosredon. C'est un vin liquoreux élevé vingt mois en barriques.

Le Camerounais est séduit. De fait, cet importateur que Laurent de Bosredon appelle par son prénom est sur le stand depuis trois quarts d'heure. Pas vraiment pressé de quitter les lieux. Laurent de Bosredon, lui, est au four et au moulin. Rien n'échappe à son regard. Un importateur qu'il connaît passe dans l'allée. Ses yeux pétillent. Il se précipite vers lui. Il le salue, échange quelques paroles, verbe haut, éclats de rire et anglais impeccable. Les deux hommes promettent de se revoir d'ici la fin du salon.

Revenu sur le stand, il offre à son visiteur des canapés au caviar d'Aquitaine et du foie gras de chez Rougié, une entreprise de Dordogne, comme Bélingard. L'apothéose vient lorsqu'il débouche un monbazillac 1942. Robe couleur miel doré. Superbe ! Raoul Kouokam est scotché. « Je repars à Douala. Je me laisse deux semaines pour organiser toutes les infos recueillies. Je vais me souvenir du château Bélingard. Les prix sont un peu élevés mais la qualité est là. Je vais négocier », promet-il.

Le Camerounais n'est pas le seul pour lequel le viticulteur se donne sans compter. Toute la journée, le stand ne désemplit pas. Laurent de Bosredon n'a pas son pareil pour animer l'espace : il parle avec les mains, l'œil malicieux, la passion chevillée au corps.

Vincent et Jonathan Lam, à la tête de Woodland Liquors, font le pied de grue devant le stand. Ils viennent de la part d'un producteur de cru bourgeois du Médoc. Ces deux Chinois vivent à Toronto et distribuent des vins français en Chine. Ils veulent déguster.

Rebelote. Le vigneron ressort sa carte de l'Aquitaine et insiste sur l'histoire du domaine. Lui, comte Laurent de Bosredon, représente la septième génération à la tête du château. Ex-consultant en marketing à Paris, il a rejoint la propriété familiale en 1980. Puis il présente toute sa gamme d'AOC Bergerac, Côtes de Bergerac et Monbazillac, « la plus grande appellation de liquoreux du monde », ajoute-t-il. Il s'empare d'un côtes-de-bergerac moelleux 2012 – « medium sweet », explique-t-il à ses interlocuteurs – et flashe avec son portable le QR code imprimé sur l'étiquette. Défile alors une vidéo de 30 secondes dans laquelle on le voit présenter son domaine et ses vins. Jonathan et Vincent Lam apprécient.

Au fil de la dégustation, il n'oublie pas de mentionner les médailles remportées par ses vins. Ainsi, le bergerac blanc sec cuvée Blanche de Bosredon 2011 est médaille d'or aux Citadelles du vin 2012, un concours organisé à Bourg, en Gironde, et prix spécial du jury à Hong Kong pour la France. Les frères Lam poussent un « ah ! » admiratif et s'empressent de noter dans leur carnet ces bonnes infos.

Pendant que ses visiteurs dégustent, Laurent de Bosredon a toujours l'œil sur ce qui se passe dans l'allée. Et le voilà se précipitant sur Xavier Logette, qu'il connaît depuis quinze ans. Aujourd'hui à la tête d'Ares International, Xavier Logette vend la gamme de Bélingard au Royaume-Uni. Il est accompagné de Marie Knight, courtière à la recherche de vins pour des chaînes de distribution anglaises.

Il est 18 heures, le salon ferme ses portes dans une demi-heure. Laurent de Bosredon n'a pas eu le temps d'avaler un sandwich de toute la journée. Qu'importe, il tient la forme ! Il s'enflamme lorsqu'il parle de son grand vin blanc sec, Lyvress, aux nez de coing et de fruits confits ou d'Ortus, ce vin de garde qui tire son nom du latin « hortus deorum quo ortus es » : issu du jardin des dieux.

« Le commerce, c'est une histoire. Derrière chaque vin, il faut une histoire », glisse le vigneron. Une pause pour faire le point sur les contacts emmagasinés. « On ne signe pas de contrats à Vinexpo, on entretient son réseau. On relance des affaires ou on les conforte », affirme-t-il. Le propriétaire de Bélingard étale ses cartes de visite : une bonne trentaine engrangée depuis ce matin.

Il est 18 h 15, le salon se vide. Place aux petites mains chargées de la logistique. Constance, étudiante en droit, a été embauchée pour ramasser les verres sales sur les stands. Laurent de Bosredon en profite pour lui expliquer les notes de fruits secs du monbazillac 1942. « Peut-être qu'un jour, elle se souviendra de Bélingard », confie-t-il dans un sourire.

OPTIMISEZ VOTRE PARTICIPATION AVANT, PENDANT ET APRÈS LE SALON

Laurent de Bosredon participe depuis 1983 à Vinexpo. Il constate que « ce n'est pas forcément un salon où l'on signe des contrats. On y entretient sa clientèle. Il faut y être. Sinon, on laisse la place aux autres ». Après des années d'expérience, voici ses conseils.

Organisez des événements sur votre stand en invitant dans un créneau horaire précis des clients et prospects (pas plus d'une trentaine) à une dégustation. « Il ne s'agit pas d'organiser des cocktails mondains, mais c'est une façon de renforcer les liens avec des clients confirmés ou des prospects très ciblés », indique-t-il.

Limitez les frais pour la décoration du stand. L'astuce étant d'être attractif tout en ne se ruinant pas.

N'oubliez rien : des torchons aux éponges, en passant par la bonne dose de café et les produits nettoyants, sans oublier un marteau et des clous, toujours utiles sur un stand.

Jouez la complémentarité : être plusieurs exposants non concurrents à partager un même stand peut s'avérer fructueux.

Ayez votre carnet de bord : Laurent de Bosredon consigne chaque jour sur un cahier quelques lignes à l'issue de chaque rencontre avec un visiteur. Fastidieux, mais nécessaire pour les relances après Vinexpo.

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