Les crémants ne désarment pas. Début février, la Fédération nationale des producteurs et élaborateurs de crémants a déposé un nouveau recours devant le Conseil d'État, contestant pour la deuxième fois le droit des IGP à produire des effervescents. Cette action en justice est une nouvelle épée de Damoclès pour les opérateurs concernés.
« On nous coupe l'herbe sous le pied. Les effervescents sont en plein développement. Les IGP ne peuvent pas en profiter alors que le prosecco et le cava inondent le marché », déplore Jean-Jacques Bréban, PDG des vins Bréban, à Brignoles, dans le Var. Ce négociant avait été un des moteurs du projet de la marque collective So Med de rosé effervescent sous la dénomination IGP Méditerranée.
En mars 2015, la décision du Conseil d'État d'invalider le cahier des charges l'avait refroidi. « Nous achetons toujours nos vins de base en IGP, mais nous vendons le produit final en vin de France. Nous y perdons. Mais nous voulons être prêts quand la situation se débloquera. »
La cuvée vendue en vin de France
Marrenon, groupe coopératif basé dans le Ventoux et le Luberon, était lui aussi motivé. Dès 2013, il a lancé sa cuvée M, un grenache rosé IGP Méditerranée et élaboré en méthode traditionnelle. « Nous voulions répondre à la demande de nos clients en CHR », explique Carole Macia, responsable marketing. De 7 000 cols la première année, les ventes de ce produit bien packagé sont passées à 13 500 l'an dernier. Mais la mention IGP Méditerranée a disparu de l'étiquette. La cuvée est désormais vendue en vin de France.
C'est également la solution adoptée à contrecoeur par le Languedocien Jean-Claude Mas, des Domaines Paul Mas : « Ça ne m'intéresse en rien de faire des vins de France. Je suis attaché à la mention de l'origine. D'ailleurs, j'achète mes vins de base en IGP Oc. J'espère pouvoir un jour vendre mes effervescents sous cette mention ».
Rivarose est, elle, dans une position plus délicate. Filiale de Veuve Ambal, leader des crémants de Bourgogne, l'entreprise provençale, produit 3 millions de cols par an. Elle a lancé début 2015 sous sa propre marque un effervescent rosé en IGP Méditerranée. « Nous pensons que la mention de la région d'origine est un plus pour le consommateur », argumente François Piffaut, de la maison bourguignonne qui ne paraît pas décidée à abandonner l'IGP.
Le groupe Castel est dans la même situation. En 2014, il lançait sous sa marque Roche Mazet deux effervescents en IGP Pays d'Oc. Aujourd'hui, le groupe se fait discret sur ses intentions. « C'est à la production de clarifier les règles. Nous avons la capacité à développer des effervescents. Encore faut-il qu'on nous en laisse la possibilité », lâche Franck Crouzet, directeur de la communication. Une chose est sûre, Castel a considérablement réduit ses achats en vin de base dans les coopératives du Languedoc.
« Pas d'antériorité »
« En mars dernier, le Conseil d'État avait souligné que l'antériorité des IGP concernant la production d'effervescents n'était pas prouvée. Nous estimons qu'elle ne l'est toujours pas dans les nouveaux cahiers des charges », argumente Olivier Sohler, le directeur de la Fédération nationale des producteurs et élaborateurs de crémant (FNPEC). La fédération estime également que le lien au territoire n'est pas crédible sur des zones aussi vastes que les IGP Méditerranée ou Pays d'Oc. Enfin, elle conteste le très large éventail de cépages et de méthodes d'élaboration autorisés. La FNPEC a donc déposé, le 2 février, un nouveau recours devant le Conseil d'État pour obtenir l'annulation du droit des IGP à produire des effervescents.