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VIN

Oxygène à la mise La double peine

MARION BAZIREAU - La vigne - n°286 - mai 2016 - page 50

En présence d'oxygène, le glutathion se combine au SO2 libre de manière irréversible, accélérant sa disparition. La vigilance est de mise à l'embouteillage.
À L'EMBOUTEILLAGE, il convient de laisser rentrer le moins d'oxygène possible. ©  L. WANGERMEZ

À L'EMBOUTEILLAGE, il convient de laisser rentrer le moins d'oxygène possible. © L. WANGERMEZ

Le phénomène vient d'être observé pour la première fois : en présence d'oxygène, le glutathion se combine au SO2 libre, le faisant disparaître d'autant plus vite. « C'est la confirmation qu'il ne faut pas prendre d'oxygène à l'embouteillage car, dans ce cas, on se prive à la fois de l'effet protecteur de cet antioxydant naturel qu'est le glutathion et du SO2 », analyse Stéphane Vidal, directeur de l'oenologie chez Nomacorc.

Financés par le bouchonnier, des chercheurs de la fondation Edmund March, à San Michele*, dans le nord de l'Italie, viennent de le démontrer sur 216 bouteilles de vin blanc issu de six cépages, contenant entre 35 et 40 mg/l de SO2 libre à l'embouteillage. « L'objectif de leur étude était d'évaluer l'impact global de l'oxygène sur tous les composés du vin », détaille Stéphane Vidal.

Pour cela, les chercheurs ont conditionné les vins en leur apportant soit 3 mg/l d'oxygène en inertant, soit 7 mg/l sans inerter et en jouant sur la perméabilité des bouchons.

Après seulement deux mois de stockage à température ambiante, l'oxygène a impacté 35 molécules. Les vins les plus soumis à l'oxygène contenaient moins de glutathion à l'état libre, mais davantage sous forme oxydée. Or, celle-ci se combine de manière irréversible avec une partie du SO2 libre (HSO3-).

Résultat, « alors que les vins contenaient deux antioxydants, le glutathion naturellement présent et le SO2 rajouté à la mise, et que l'on pouvait espérer qu'ils soient doublement protégés, ils ne le sont plus du tout », détaille Stéphane Vidal. Un phénomène que les chercheurs ont également vérifié dans des solutions modèles de vin.

Cette étude n'a porté que sur les vins blancs mais Stéphane Vidal estime qu'il y a autant d'inconvénients à apporter de l'oxygène aux vins rouges lors de la mise en bouteilles, même si c'est pour chasser des notes réduites. « On va se priver de glutathion et de sulfites, sans éliminer la réduction car la plupart des composés soufrés négatifs sont libérés dans le temps par hydrolyse. »

Dans ces essais, les teneurs en SO2 libre des vins conditionnées avec 7 mg/l d'oxygène ont chuté de 40 % en seulement deux mois. C'est deux fois plus que dans les vins embouteillés avec 3 mg/l d'oxygène. Quant au SO2 total, il a reculé en moyenne de 14 % dans le premier groupe et de 5 % dans le second.

Cette approche est très intéressante pour Philippe Darriet, directeur de l'unité de recherche oenologie de l'ISVV de Bordeaux. « Elle permet de mieux comprendre ce qu'il se passe dans le vin en présence d'oxygène ». Mais elle ne devrait pas changer la donne car, dans tous les cas, le glutathion est très vite épuisé après l'embouteillage. « Sur le sauvignon, nous avons constaté qu'il disparaît en six mois et que les vins perdent en moyenne 50 % de SO2 chaque année. Bien sûr, ces réactions sont d'autant plus rapides que le vin est plus exposé à l'oxygène. »

Fort de ces découvertes, Nomacorc s'attache à évaluer la prédisposition des vins à l'oxydation après le conditionnement. À terme, l'objectif est de guider les vignerons lors de leur embouteillage et de leur conseiller les bons obturateurs. L'entreprise s'apprête même à lancer un diplôme de « Master of bottling ». « L'idée est que le vigneron soit maître de sa mise en bouteille. Pour cela, il va recevoir de la documentation, sera formé puis audité par Nomacorc. S'il a bien amélioré son process, il pourra apposer un label sur ses bouteilles », dévoile Stéphane Vidal.

*Étude de P. Arapitsas et al., parue in Journal of Chromatography A (2015) : http://dx.doi.org/10.1016/j.chroma.2015.12.010

L'oxygène fait d'autres ravages

L'indole est un autre composé du vin qui réagit avec le SO2 en présence d'oxygène. C'est une molécule à l'odeur de jasmin, parfois présente dans les vins rouges ou blancs. « Le problème, c'est que la forme oxydée qui en résulte est aussi le précurseur de la 2-aminoacétophénone, responsable des arômes de vieillissement prématuré de type fruits cuits ou miel », souligne Stéphane Vidal. Autre constat, l'acide ascorbique compte parmi les composés les plus impactés. Les modalités peu oxygénées n'en ont perdu que 23 % deux mois après l'embouteillage. Dans le même temps, les vins qui ont reçu 7 mg/l en ont perdu 65 %, soit 27,4 mg/l. En revanche, côté flavonoïdes, les catéchine, épicatéchine et autres procyanidines ont été touchées différemment en fonction du cépage. D'où la nécessité de mener des recherches supplémentaires pour ajuster les conditions de mise en bouteille et les stratégies d'obturation.

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