À 19 heures, les clients sont déjà bien installés entre les machines nomatic qui leur permettent de se servir au verre eux-mêmes, s'ils le souhaitent. P. ROY
Olivier et Thierry assument leur amour des vins de Bordeaux devant une assiette d'assortiments de charcuterie et fromage. P. ROY
Cet élégant gewurztraminer venu d'Allemagne remporte un franc succès. Léger en alcool et en sucre, il plaît à la clientèle féminine à la recherche d'originalité. Prix de vente : 25 €. P. ROY
Le vin régional est un passage obligé ! Parmi ses références, Chloé fait ressortir ce saint-émilion grand cru puissant et tannique. Son boisé fait le bonheur des amateurs bordelais pour un bon rapport qualité prix. La bouteille est vendue 33 €. P. ROY
Il est bientôt 19 heures. Le bar à vin de Chloé et Benjamin affiche déjà presque complet. Nous avons beau être en semaine, les clients se bousculent autour de la machine nomatic qui trône à l'entrée de l'établissement.
« Pour moi, c'était la base de notre concept, prévient Chloé. Nous avons découvert le système nomatic dans un bar à vin à Sydney, en Australie. On a trouvé ça génial ! À l'époque, je travaillais dans un domaine australien. De retour en France, nous nous sommes lancés sans trop savoir ce que ça allait donner. »
Six ans et quatre machines plus tard, les clients se pressent « Aux Quatre Coins du vin », et pas seulement pour faire joujou avec les nomatic. « Ça ne sert à rien d'avoir des distributeurs si c'est pour laisser les gens se débrouiller seuls, observe Aude, salariée du bar. Le vin, c'est du partage ! Il faut raconter la petite histoire. Mais surtout, conseiller les clients. »
Le concept du bar est simple. Les clients se servent eux-mêmes aux distributeurs, s'ils le souhaitent. Dans une des machines, Chloé a installé huit vins de bordeaux rouges (rive droite et rive gauche à égalité !) et huit vins étrangers. « Ici, le bordeaux, c'est une institution ! rappelle Chloé. Mais j'aime bien ouvrir de nouveaux horizons. »
Contre le mur, trois autres machines renferment huit vins rouges français hors bordeaux, huit blancs secs et huit liquoreux ou moelleux. « Nous changeons régulièrement les vins. Je ne m'impose pas de règles. » Pour Chloé, tout est affaire de plaisir et de découverte. Et c'est ce que ses clients, fidèles ou novices, viennent chercher.
Audrey connaît déjà l'endroit. « J'aime bien venir ici. Il y a toujours des nouveautés à découvrir. Et on y mange de bons produits. » Le bar propose en effet des assiettes de fromage et de charcuterie pour accompagner les vins. Audrey dîne avec Alban. Venu de Bayonne, le fin gourmet est impatient de commencer la dégustation.
« Nous ne laissons pas les gens seuls, explique Chloé. D'abord parce qu'ils doivent apprendre à utiliser les machines, ensuite pour les accompagner dans leur choix. » Alban et Audrey sont pris en charge par Christelle, une employée. « Que souhaitez-vous déguster ? Du blanc ou du rouge ? Des vins de la région ou d'ailleurs ? » Alban ne désire que du rouge et souhaite commencer par des vins légers. « Alors, démarrons par d'autres vignobles que le Bordelais ! », propose la jeune femme qui l'incite à la suivre.
Devant le choix, pas facile de s'y retrouver. Mais Christelle est là. Bourgogne, beaujolais, jura... Elle énumère les caractéristiques des différents vins pour cerner les envies de son client. « La cuvée Faustine vient de l'un des meilleurs vignerons corses. Elle a des notes de fraises très fraîches. C'est un vin facile à boire et très léger. » Alban est surpris : « Je ne connais pas du tout, ça m'intéresse ! » Christelle lui montre comment se servir : elle insère une carte créditée dans la machine et appuie sur l'un des trois boutons qui correspond aux trois doses disponibles (3, 6 ou 12 cl) au-dessus desquels les prix s'affichent. Une simple pression et le vin est servi à la température idéale.
C'est au tour d'Audrey de choisir. « J'aime les vins tanniques, mais je voudrais goûter autre chose que du bordeaux. » Christelle lui suggère une découverte : « Vous pouvez essayer ce vin d'Israël, il est très complexe, boisé et charnu. C'est un domaine familial qui cultive des cépages bordelais. C'est original ! »
Audrey est ravie de cette proposition et se lance. Christelle leur souhaite une bonne dégustation et les laisse à leur plaisir. « Souvent, les gens ont besoin de nous pour choisir leur premier verre de vin. Ensuite, ils continuent seuls, mais nous restons à leur disposition », assure-t-elle.
« Nos salariés ne sont pas des serveurs, insiste Chloé, qui se démène en cuisine. Ce sont des sommeliers-conseils. » De fait, ils ont tous suivi un cursus de sommelier ou de caviste.
« Goûter les vins, les connaître, c'est primordial pour conseiller les gens. Et au contact des clients, on se rend compte qu'ils ne connaissent pas bien le vin. Ce n'est pas grave, nous sommes là pour les guider ! »
Plusieurs groupes se présentent à l'entrée. Mais ils doivent rebrousser chemin. « Nous ne fonctionnons que sur réservation, explique la propriétaire. Et nous affichons complet tous les soirs. »
José a eu de la chance. Arrivé très tôt, il a pu se glisser à une table entre deux réservations. « Je connais le principe de ces machines, raconte ce jeune retraité espagnol venu à Bordeaux pour étudier le français. Je connais bien les vins espagnols, mais je voulais goûter du bordeaux. J'ai choisi un saint-émilion. Je le trouve très facile à boire. »
Effectivement, dans ce bar à vin, le bordeaux est une institution. Thierry et Olivier partagent une assiette devant deux verres de vin rouge. « Nous avons goûté un vin espagnol, mais là je reviens à ce que j'aime vraiment, c'est un pessac-léognan », explique Thierry. Les deux amis se sont fait conseiller au début. Mais, à l'heure du deuxième verre, il semblerait que l'appel des graves soit le plus fort !
Chloé a remarqué cet appétit régionaliste. « Les gens sont assez ouverts, mais ils boivent quand même en priorité du bordeaux », s'amuse-t-elle. Les vins étrangers semblent également avoir la cote. « Mon but, c'est de leur faire découvrir de nouveaux vignobles », insiste la jeune femme. Et à en croire tous les clients interrogés dans le bar, l'objectif est plutôt atteint... même si beaucoup vont boire au moins un verre de Bordeaux dans la soirée !
DÉBRIEFING
Les distributeurs automatiques ne font pas tout. « Nous servons toujours les gens qui le souhaitent », explique Chloé. Tout le monde n'a pas le contact facile avec les machines !
Organiser des événements, cela prend du temps. « Au début, nous organisions beaucoup de rencontres avec des vignerons, se souvient Chloé. C'était toujours un succès. Mais avec la fréquentation, nous ne pouvons plus le faire », regrette-t-elle. Les deux salles du bar peuvent accueillir 90 clients.
Le bar ne fonctionne que sur réservation. Cela permet aux serveurs de disposer de suffisamment de temps pour présenter les vins aux clients.
CHLOÉ ALLANO, PROPRIÉTAIRE DU BAR AUX QUATRE COINS DU VIN « Garder le contact avec les vignerons »
« Avec mon mari et associé, nous avons fait des études dans le commerce des vins et spiritueux. Nous nous destinions à travailler dans l'import-export. Mais nous avons préféré créer ce bar à vin et, très vite, nous avons dû embaucher. En tout, nous avons mille références. Pour les sélectionner, nous faisons beaucoup de visites de vignobles et de dégustations. Nous travaillons aussi avec des agents. Mais, ce que je préfère, c'est le contact avec les vignerons. Les machines, c'est un investissement de l'ordre de 42 000 euros, mais ça ne suffit pas pour vendre du vin car les gens veulent être conseillés. Nous avons une offre assez large, ce n'est pas facile de s'y retrouver quand on ne s'y connaît pas. Notre référence la moins chère est à 3,50 € le verre de 12 cl. En général, les gens choisissent 6 cl pour pouvoir essayer plusieurs vins. Nos clients sont surtout des Bordelais. C'est un public assez jeune et féminin. Les jeunes femmes aiment bien venir en groupe ! Nous avons aussi beaucoup d'étrangers, car nous sommes apparus dans des articles de presse étrangère. Mes salariés parlent d'ailleurs plusieurs langues, c'est devenu indispensable. »