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Affectation des résultats Réserves ou distribution ?

PROPOS RECUEILLIS PAR AUDE LUTUN - La vigne - n°286 - mai 2016 - page 73

Quand faut-il mettre en réserve ou distribuer les résultats d'une exploitation ? Deux experts répondent à cette question qui se pose à chaque assemblée générale. Il faut d'abord apurer ses pertes antérieures puis s'interroger sur ses besoins.

Tous les bénéfices sont-ils distribuables ?

Non. « Il faut d'abord apurer les pertes antérieures, s'il y en a eu, précise Serge Thomas, conseiller d'entreprise chez Cerfrance Haute-Savoie. C'est une obligation liée au droit des sociétés. Si une société a enregistré un déficit de 20 000 € en 2014, ce déficit est inscrit en report négatif. Si cette entreprise réalise un bénéfice de 45 000 € en 2015, elle doit en priorité apurer le report négatif. La distribution portera sur le solde, soit 25 000 €. »

Il est également possible que les statuts d'une société stipulent la mise en réserve obligatoire d'une partie des bénéfices. Dans ce cas, cette part n'est pas non plus distribuable.

Que doit-on distribuer ?

Avant de songer à distribuer le bénéfice, il faut déterminer les besoins de l'exploitation et ses projets. Serge Thomas invite les vignerons à se poser les questions suivantes : « Ma société dispose-t-elle de la trésorerie nécessaire au financement de son fonds de roulement et à la prise en charge de nouveaux investissements ? » et « Est-elle armée pour faire face à un coup dur ? » Si ce n'est pas le cas, ce conseiller préconise de mettre une partie des bénéfices en réserve.

« Si après avoir rémunéré le travail, il reste 50 000 € de bénéfice, on peut par exemple mettre 20 000 € en réserve pour financer le prochain achat d'un matériel, laisser 20 000 € sur le compte de la société pour investir dans une nouvelle plantation et distribuer 10 000 € aux associés en complément de rémunération, si la trésorerie le permet », détaille-t-il.

« L'arbitrage sur l'affectation du résultat doit aussi se faire en fonction de l'âge de l'exploitant et de la présence ou non de repreneur », ajoute Aymeric Leseur, expert-comptable chez AS Entreprises, à Reims (Marne). Un vigneron âgé aura moins d'intérêt qu'un jeune à laisser de l'argent dans sa société.

Quant à la distribution de ce résultat, elle peut se faire soit en numéraire soit par une inscription du montant distribué en compte courant d'associé. Cette seconde solution préserve la trésorerie de la société.

Quel est l'intérêt de faire des réserves ?

Les sommes mises en réserve font partie des capitaux propres de la société. « Cela donne donc plus de valeur aux parts de la société, précise Aymeric Leseur. Les parts vaudront plus cher mais, heureusement, il y a davantage de leviers d'exonération fiscale sur les donations de biens professionnels que sur les biens privés. Le Pacte Dutreil permet, par exemple, de limiter le coût d'une donation de biens professionnels. » Autre atout de la mise en réserve, les sommes affectées n'entrent pas dans l'assiette de l'ISF puisqu'elles sont considérées comme des biens professionnels.

Peut-on facilement débloquer les réserves ?

Oui. Les sommes concernées peuvent être distribuées sans difficulté. En effet, après une assemblée générale annuelle où l'on affecte le bénéfice, on peut toujours convoquer une assemblée générale extraordinaire pour distribuer les réserves qui doivent l'être.

Quelles en sont les limites ?

La mise en réserve peut désavantager les associés minoritaires. En effet, comme les réserves sont intégrées à la valeur des parts, les associés en bénéficient au prorata du nombre de parts qu'ils détiennent dans la société, alors que le résultat, lui, peut être distribué selon une règle différente. Prenons l'exemple d'une société détenue à 70 % par Paul et à 30 % par Sylvie et qui distribue son résultat à 50-50. Dans ce cas, Sylvie verra ses prélèvements obligatoires calculés sur 50 % du résultat alors que seulement 30 % du montant mis en réserve lui reviendra.

Prend-on un risque à alimenter des comptes courants ?

Oui, car « le compte courant fait partie de l'actif privé et peut être mobilisé à tout moment par son détenteur », rappelle Aymeric Leseur. S'il faut débloquer rapidement un compte courant - après le décès de son détenteur ou à sa demande - et que la société n'a pas la trésorerie équivalente, elle court au-devant des difficultés. Les conseillers préconisent donc de ne pas laisser ces comptes atteindre des niveaux tels qu'ils pourraient mettre la société en danger.

Que faire dans le cas d'un désaccord entre les associés ?

« Selon les statuts de la société, la décision de l'affectation du résultat se prend à l'unanimité des parts ou à la majorité des parts, indique Aymeric Leseur. En cas de désaccord entre les associés, le tribunal de grande instance peut être saisi. » Ce dernier prend souvent une décision qui assure la pérennité de l'entreprise.

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SERGE THOMAS, conseiller d'entreprise chez Cerfrance, Haute-Savoie

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AYMERIC LESEUR, expert-comptable chez AS Entreprises, à Reims (Marne)

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