Dans l'optique de réduire l'utilisation des intrants en viticulture, l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea) a mis au point le système Picore. Il s'agit d'un outil qui, durant un traitement, permet de visualiser en temps réel sur son smartphone la vitesse du tracteur, la pression de travail et le volume à l'hectare. L'Irstea annonce ainsi des gains de produits phytosanitaires de 15 à 20 %.
« Très peu de vignerons modifient la pression de travail au cours d'un traitement pour obtenir un volume constant de produit à l'hectare. En général, ils la règlent une fois pour toutes avant de commencer, explique Vincent de Rudnicki, responsable de recherche à l'Irstea. Avec Picore, grâce aux indications qu'ils reçoivent durant le traitement, ils peuvent ajuster le volume à l'hectare en modifiant la vitesse d'avancement ou le régime du moteur. Si la pression augmente d'un coup, ça peut signifier qu'une buse est bouchée. »
Le kit Picore comprend deux capteurs de pression que l'on installe directement, sans dérivation, sur les deux tronçons d'une rampe de pulvérisation. Il comporte aussi une centrale d'acquisition de données qui transmet la pression et la localisation GPS en permanence au smartphone du vigneron par Wi-Fi. Ainsi, dès la fin du traitement, le viticulteur peut visualiser son parcours sur son smartphone. À son retour au bureau, il dispose de toutes les informations relatives au traitement sur la plateforme web de Picore.
Cette année, Picore est en phase de test dans une trentaine d'exploitations viticoles et instituts techniques en Europe dont vingt-cinq en France. « Nous avons identifié une forte demande en France. La consommation de produits phytosanitaires y est importante et le contexte politique actuel favorise les initiatives telles que la nôtre », explique Philippe Balamoutoff, gérant de Sika France, société en charge de la commercialisation de Picore.
Le kit Picore doit être lancé en 2017 pour un coût de 2 100 €. Il pourra être installé sur tous les types de pulvérisateur, à l'exception des pulvérisateurs à circulation continue sur lesquels les capteurs ne peuvent mesurer la pression de manière instantanée.
D'ici au lancement commercial, l'Irstea espère rendre la plateforme web de son système compatible avec les logiciels de gestion agricole, comme Mes P@rcelles ou encore Smag. Une interface commune avec ces applications permettrait en effet de compiler automatiquement les données relatives aux traitements. Les utilisateurs n'auraient ainsi pas à les saisir dans leur logiciel de traçabilité. Une telle amélioration s'inscrirait parfaitement dans la démarche participative qu'a suivie l'Irstea depuis le début. « Nous avons convié des viticulteurs et des techniciens pour qu'ils collaborent à notre projet afin de concevoir un produit pratique, simple d'utilisation et peu coûteux », explique Vincent de Rudnicki. À première vue, l'objectif est atteint.
PHILIPPE BARDOU, GAEC VAL DES BRUYÈRES, À NEFFIÈS (HÉRAULT), 70 HA, PRÉSIDENT DE TERRA VITIS RHÔNE-MÉDITERRANNÉE « L'utilisation du système Picore est très intuitive »
« Pour enregistrer la moitié de mes parcelles sur le site internet, j'ai mis seulement 2 heures. L'utilisation de Picore est très intuitive. Et comme on saisit les informations au fur et à mesure des traitements, ça nous évite aussi de faire nos cahiers phyto au dernier moment. J'ai effectué deux traitements avec Picore. Pour le deuxième, j'avais prévu de traiter tous les quatre rangs. Arrivé à la vigne, je suis passé tous les trois rangs car il y avait plus de végétation que prévu. Les informations que j'avais entrées dans le système étaient donc fausses. Ce serait un plus si on pouvait les modifier en cours de route. Mais cela ne m'a pas empêché de traiter. Par ailleurs, il faut que la batterie du smartphone tienne longtemps car le portable peut rester allumé jusqu'à 8 heures d'affilée. Comme les informations collectées sont transférées via Internet sur le site Picore après chaque traitement, un forfait téléphonique avec Internet est, bien sûr, indispensable. À noter : lors d'un traitement, le téléphone est relié au boîtier d'acquisition de données par Wi-Fi. On a donc parfois des microcoupures de connexion. Mais cela ne gêne pas le traitement. Je possède aussi un DPAE.
Avec celui-ci, quand une buse se bouche, on ne le voit pas forcément car le système compense pour que le débit reste constant. Avec le système Picore, ce genre de problème peut être très vite identifié, mais c'est au vigneron d'effectuer les réglages. »
LIONEL DELSOL, VIGNERON À ALIGNAN-DU-VENT, DANS L'HÉRAULT, SUR 22 HECTARES, ADHÉRENT À TERRA VITIS « Le plus compliqué a été d'apprendre à me servir d'un smartphone »
« J'ai participé à la conception du projet Picore avec l'Irstea. Cette année, je teste pour la première fois le système que j'ai installé sur mon pulvérisateur Calvet semi-porté qui traite deux rangs complets par passage. J'en suis déjà à mon deuxième traitement. J'ai juste eu un petit problème de capteur de pression défaillant au démarrage. Mais il a été changé rapidement. Depuis, je n'ai rencontré aucune difficulté. Le système est très simple d'utilisation. Finalement, le plus compliqué pour moi, c'est juste d'apprendre à me servir d'un smartphone. Avant d'effectuer un traitement, il suffit d'entrer les informations sur la surface à traiter, la vitesse d'avancement du tracteur, le produit utilisé, le volume et la dose à l'hectare, etc., sur le logiciel Picore. Puis on imprime un document qui indique la quantité exacte de produit et d'eau nécessaire pour le traitement ainsi que la pression à régler au niveau des buses. Durant le traitement, s'il y a un écart de plus ou moins 8 % entre la pression réelle lors du traitement et la consigne, cela s'affiche en rouge sur l'écran du téléphone portable et il ne reste plus qu'à ajuster la pression en jouant avec le régime moteur. Ce système fonctionne au litre prêt. Je n'ai pas besoin de prévoir plus de produit que nécessaire. S'il en reste, c'est que j'ai oublié un rang. Ce que je vois tout de suite sur le smartphone à la fin d'un traitement car il y a des zones en blanc sur le dessin de mes parcelles. Avec ce système, j'ai réalisé environ 15 % d'économie de produits. »