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VIN

Des mannoprotéines pour parfaire les vins

MARION BAZIREAU - La vigne - n°287 - juin 2016 - page 50

Six préparations de mannoprotéines de levures viennent de faire leur entrée sur le marché. Toutes améliorent le profil sensoriel des vins, à condition d'y mettre le prix.
CONTRAIREMENT À LA GOMME ARABIQUE, les mannoprotéines semblent avoir un effet durable et apporter davantage de longueur en bouche. © C. WATIER

CONTRAIREMENT À LA GOMME ARABIQUE, les mannoprotéines semblent avoir un effet durable et apporter davantage de longueur en bouche. © C. WATIER

Jusqu'à récemment, les mannoprotéines de levures étaient sélectionnées et vendues pour leurs propriétés stabilisantes. Depuis 2015, une nouvelle génération de ces produits est apparue, dotée de diverses propriétés organoleptiques. Les préparations Ultima Soft, Ultima Fresh (IOC), Senso Ü (La Littorale), Final Touch Tonic (Œnobrands), Gomasol Seda (Agrovin) et Subli'Sense (Lamothe-Abiet) ont ainsi vu le jour.

Toutes sont censées améliorer les qualités sensorielles des vins. Selon leurs fabricants, elles prolongent leur durée de vie, apportent de la longueur ou abaissent leur astringence. Toutes s'ajoutent au vin quelques heures avant sa mise en bouteille. Elles agissent instantanément et sont sans effet sur la filtrabilité. Elles ne nécessitent pas de soutirage.

En avance sur la réglementation

Avec ces produits, les firmes oenologiques prennent les devants sur la réglementation. En effet, celle-ci n'autorise l'utilisation des mannoprotéines que pour la stabilisation tartrique et protéique des vins. Pour rester dans le droit chemin, les firmes ont trouvé un stratagème : elles rappellent sur toutes leurs fiches que leurs produits contribuent aussi à la stabilisation des vins.

Les préparations à base de mannoprotéines sont aussi interdites dans les vins bio depuis 2013. Mais cela pourrait changer. En effet, fin 2015, le groupe d'experts sur la production biologique de la Commission européenne a évalué favorablement les autolysats et les levures inactivées.

La société Laffort s'est engouffrée la première dans l'exploitation des propriétés organoleptiques des mannoprotéines. Dès 2008, elle a sorti Œnolees MP qui augmente la sucrosité et améliore l'équilibre des rouges et des blancs. Ce produit se présente sous forme de microgranulés comme Ultima Soft et Fresh de l'IOC. Ces trois solutions mises à part, toutes les autres mannoprotéines sont liquides, pour la simplicité d'emploi.

Hormis Final Touch Tonic, destiné à préserver les arômes des vins blancs et rosés, l'ensemble de ces préparations renferment de la gomme arabique enrobante, en plus des mannoprotéines. « Certaines gommes sont en effet très efficaces pour donner du gras au vin », justifie André Fuster, d'Agrovin. En prime, elles permettent de faire baisser les coûts de fabrication. Malgré cela, ces nouvelles préparations restent chères. Comptez 1 €/hl environ, pour Gomasol Seda, autour de 1,60 €/hl pour Subli'Sense et jusqu'à près de 2 €/hl pour les Ultima. La Littorale et Œnobrands n'ont pas voulu communiquer leurs tarifs. Le prix de la qualité ? En tout cas, les oenologues semblent convaincus.

Des qualités reconnues par les oenologues

À l'Université de Tarragone (Espagne), Fernando Zamora a testé trois préparations de levures inactivées riches en polysaccharides, « mannoprotéines incluses », explique-t-il. Ces produits ont contribué à la précipitation des tanins condensés, connus pour être les plus astringents. Les polysaccharides semblent aussi inhiber la formation de complexes entre les protéines salivaires et les tanins, diminuant encore l'astringence. Le chercheur n'a pas testé de solutions de mannoprotéines pures. « Mais je pense qu'elles auraient le même effet sur l'astringence. »

Au sujet de l'expression aromatique, Olivier Pillet, chef de produit Biotechnologies chez IOC, indique que « les mannoprotéines peuvent accroître ou au contraire faire baisser la volatilité des arômes par des liaisons hydrogène. Dans le premier cas, le nez est plus intense. Dans le second, la durée de vie du vin augmente. » En revanche, la contribution des mannoprotéines au volume des vins blancs reste à expliquer.

MYLÈNE DOUX, OENOLOGUE POUR LE LABORATOIRE THIOLLET, À PESCADOIRES (LOT) « De quoi pallier un manque de maturité »

 © M. SALVET/DDM

© M. SALVET/DDM

« Nous avons testé le Subli'Sense de Lamothe-Abiet chez plusieurs vignerons. Vers Montauban, une tempête a précédé les vendanges 2015. Il a fallu récolter des parcelles plus tôt que prévu. Les chardonnays et sauvignons étaient un peu justes en maturité. On y a ajouté 10 à 20 cl/hl de Subli'Sense avant la mise en bouteille. Ils ont aussitôt perdu leurs goûts végétaux, laissant place au fruité et aux thiols. Le produit a aussi fonctionné sur les vins rouges - malbec et merlot - en baissant les notes de pyrazine et en amplifiant le milieu de bouche. Là encore des petites doses ont suffi. Mais nous avons eu parfois des échecs. Il est impératif de faire des essais avant d'envisager un traitement. On travaille également avec Senso Ü de La Littorale, mais Subli'Sense élimine mieux les notes végétales. Néanmoins, ces produits ne remplacent pas les gommes arabiques. Ainsi, contrairement à Subli'Sense, la Polygom de Lamothe-Abiet apporte de la fraîcheur et de la vivacité. Nous ne nous en sommes pas servis en 2014, mais elle a été très utile en 2015, un millésime au pH élevé. »

VALÉRIE BADET, GÉRANTE DU LABORATOIRE HERMITAGE ŒNOLOGIE, À TAIN-L'HERMITAGE (DRÔME) « Un effet durable sur le volume en bouche »

« Nous distribuons l'Ultima Soft de l'IOC depuis un an. Il a un effet remarquable sur le volume en bouche, des syrahs notamment. En plus, il enrobe plus agréablement les vins que la gomme arabique. Sur rouges, il n'a aucun impact olfactif, mais sur certains viogniers nous avons remarqué un gain très plaisant en minéralité. Ce produit va bien aux vins d'élevage long, manquant de milieu de bouche. Il coûte plus cher que les gommes, mais agit durablement alors que certaines gommes ont une efficacité limitée dans le temps. En outre, son effet est instantané, contrairement aux tanins utilisés pour gommer la verdeur et apporter de la rondeur. Le client sait aussitôt après un test au laboratoire si le résultat lui convient. Et il peut embouteiller 48 heures après l'ajout des mannoprotéines. Certains de mes clients emploient les mannoprotéines de Laffort et en sont très satisfaits. Ils notent, entre autres, une baisse de l'amertume en fin de bouche. Je suis ravie que de plus en plus de concurrents se lancent sur le marché, cela devrait rendre ces nouveaux produits plus accessibles. »

PAUL DE SURMONT, CO-GÉRANT DU LABORATOIRE LITOV, À SAUMUR (MAINE-ET-LOIRE) « Il n'y a pas photo avec la gomme arabique »

« Nous travaillons avec Subli'Sense et nous en sommes plutôt contents. Ce produit nous a permis d'aller chercher du gras sur les 2015 juste avant les mises en bouteille de printemps. Subli'Sense augmente davantage la longueur en bouche que les gommes arabiques enrobantes. En revanche, il faut bien faire attention aux doses et toujours réaliser des tests préliminaires car il donne aux vins une petite note saline. Cela peut être très agréable et donner une envie de revenir au vin après la première gorgée, mais parfois, c'est trop marqué. Sur le cabernet franc, nous ajoutons entre 20 et 30 cl/hl, mais sur des vins un peu maigres il ne faut pas dépasser 15 cl/hl, et sur le chenin nous ne mettons jamais plus de 10 cl. Certes, Subli'Sense est plus cher que la gomme arabique mais il n'y a pas photo entre les deux. La gomme arabique vient juste gonfler le milieu de bouche et n'a aucun effet sur la longueur des vins. Si l'on recherche un petit effet stabilisant vis-à-vis des précipitations tartriques, nos tests au froid nous ont appris que Subli'Sense est également plus efficace que la gomme arabique enrobante, mais nous ne le vendons pas pour cela. »

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