Retour

imprimer l'article Imprimer

GÉRER

L'essor prudent des SCEV

AUDE LUTUN - La vigne - n°287 - juin 2016 - page 72

Plus rare que l'EARL, la SCEV commence à être plus présente en viticulture. Souvent choisie en deuxième partie de carrière, cette société présente plus de souplesse.
LA SCEV, un choix qui se fait le plus souvent en deuxième partie de carrière, et qui a de plus en plus les faveurs des viticulteurs. © C. WATIER

LA SCEV, un choix qui se fait le plus souvent en deuxième partie de carrière, et qui a de plus en plus les faveurs des viticulteurs. © C. WATIER

« L'EARL (exploitation agricole à responsabilité limitée) reste la forme sociétaire la plus utilisée en agriculture. Mais, en viticulture, la SCEV (société civile d'exploitation agricole) se développe », note Éric Mastorchio, directeur adjoint de Gaec & Société. Ce que confirme Me Philippe Laveix, notaire à Sauveterre-de-Guyenne, en Gironde, et président de Jurisvin : « La SCEV progresse car l'environnement juridique des exploitations viticoles évolue, entre autres avec la création de holdings. La SCEV présente plus de possibilités de ce point de vue. »

Le schéma classique du parcours d'un viticulteur est souvent de débuter avec une entreprise unipersonnelle pour être au forfait. Ensuite, il peut être amené à opter pour une société pour diverses raisons : car son chiffre d'affaires progresse, parce qu'il veut entrer dans la société de ses parents, transmettre progressivement son exploitation, accueillir plus facilement des associés, donner un statut à son conjoint, etc. « Une société est obligatoirement au réel », rappelle Me Laveix.

Lors du passage en société, le choix porte souvent sur l'EARL, qui peut ensuite être transformée en SCEV. Cette opération ne génère pas de fiscalité particulière et peu de frais d'enregistrement. EARL et SCEV sont soumises au même régime fiscal. Il y a cependant une déduction pour investissement (DPI) par exploitant dans une EARL contre une seule DPI pour la SCEV.

Quatre grandes différences distinguent l'EARL et la SCEV. Elles expliquent pourquoi le choix se porte plutôt vers l'EARL en début de carrière pour évoluer ensuite vers la SCEV. La première tient à la notion de responsabilité. « L'EARL est une société à responsabilité limitée, comme l'indique son nom, précise Me Laveix. C'est un avantage en début de carrière, quand on est souvent peu solvable, car les créanciers ne peuvent pas se retourner contre les associés d'une EARL, à la différence d'une SCEV. »

La deuxième différence tient à la nature des associés. Dans une EARL, ceux-ci ne peuvent être que des personnes physiques, alors qu'une SCEV peut accueillir des personnes morales, donc des sociétés. Cette possibilité peut faciliter l'apport de capitaux extérieurs pour accompagner le développement de l'exploitation.Le troisième point concerne le statut des associés et du gérant.

Dans une EARL, les associés exploitants doivent être majoritaires. « Ce n'est pas le cas dans une SCEV, rappelle Éric Mastorchio. L'exploitant peut très bien ne détenir que 10 % des parts. Il se peut également qu'il n'y ait pas d'exploitant au capital, ce qui reste exceptionnel. » Pour bénéficier des aides OCM, il faut que les associés exploitants détiennent au minimum 50 % du capital. Quant au gérant, il n'y a pas l'obligation de participer au travail dans une SCEV, alors que dans une EARL, il doit impérativement être associé exploitant. Un gérant de SCEV peut ainsi se détacher de l'opérationnel pour se consacrer à d'autres projets.

Enfin, une EARL peut n'avoir qu'un seul associé. Il s'agit alors d'une EARL unipersonnelle. Une SCEV, en revanche, comprend au minimum deux associés. C'est la dernière grande différence entre ces deux formes sociétaires.

C'est surtout à partir de 2006 que les SCEV ont commencé à se développer, grâce à la loi d'orientation agricole votée en 2005. L'article L411-37 du code rural a alors permis aux associés d'une SCEV de mettre à la disposition de leur société les terres qu'ils louent à titre individuel à un bailleur, y compris si cette SCEV compte d'autres sociétés comme associés. La loi a donc autorisé la mise à la disposition de terres à des SCEV partiellement détenues par une holding. Dans ce cadre, la majorité du capital doit être détenue par des personnes physiques. Cette loi n'est pas rétroactive et ne concerne que les baux signés depuis 2006. Il est néanmoins possible, pour les baux contractés précédemment, de proposer la signature d'un avenant aux propriétaires.

MARIE-ODILE DEVRESSE, FISCALISTE À AS ENTREPRISES (REIMS) « Un outil pour un départ progressif »

« La SCEV peut être adaptée à un départ progressif à la retraite. Si on prend l'exemple d'une SCEV père-fils, le père peut prendre sa retraite et rester majoritaire dans la SCEV sans être exploitant, ce qui n'est pas possible avec une EARL. Cela peut laisser plus de temps à son fils pour racheter progressivement ses parts. La SCEV permet également d'avoir le statut de gérant et de salarié tout en étant minoritaire. Dans notre cas de figure, le père peut rester gérant-salarié après avoir pris sa retraite mais il cotisera alors à fonds perdus à sa caisse de retraite puisque sa pension ne sera pas revalorisée pour autant. »

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :