Ni pompes, ni tuyaux. L'Union de producteurs de Saint-Émilion (UPSE) a été un précurseur. Dès 2003, avant même que les premières études en démontrent l'intérêt, elle a investi 8,5 M€ dans la construction d'un nouveau chai, entièrement conçu pour le traitement gravitaire de la vendange. « Nos équipements dataient de 1985, ils n'étaient plus adaptés à notre stratégie de développement de châteaux et grands crus », rappelle Bertrand Bourdil, directeur technique de l'Union de producteurs.
Pour répondre à ces objectifs, la coopérative devait s'équiper de cuves plus petites et des moyens de tirer le meilleur parti de la vendange. « Nous avions vu des installations gravitaires en Espagne et en Afrique du Sud. Nous étions convaincus de l'intérêt d'éviter les pompages. Nous avons fait chiffrer deux projets : l'un en gravitaire, l'autre classique avec des pompes. Le surcoût pour le gravitaire n'était que de 12 %. Ce faible delta a suffi pour gagner l'adhésion des coopérateurs », relate le directeur.
Aujourd'hui, la coopérative produit 36 000 hl par an dont 60 % en saint-émilion grand cru. Elle vinifie séparément une soixantaine de châteaux, tous tracés pour garantir qu'ils proviennent bien d'une même propriété.
Le nouveau chai, bâti au-dessus d'une cave enterrée, ne bénéficie pas d'une pente naturelle. Le bureau d'étude bordelais Jean Claude Bouillet a donc imaginé un système de cuvons en Inox, transportés par un pont roulant, qui se déversent directement dans les cuves. À l'arrivée en cave, la vendange est réceptionnée dans un conquêt peseur, puis entraînée dans l'égrappoir. À leur sortie, les raisins tombent sur un tapis qui les conduit dans un des cuvons, situés cinq à sept mètres plus loin et reposant, en contrebas, dans une fosse creusée à 6 mètres de profondeur.
Chaque cuvon a une capacité de cinq tonnes. Une fois plein, le cuvon est soulevé par un pont roulant qui le mène au-dessus d'une cuve. Le fond tronconique du cuvon s'emboîte de 10 cm dans le haut de la cuve. À l'ouverture de la vanne, située au fond du cuvon, les 5 tonnes de vendanges se déversent en cinq à six secondes dans la cuve.
Le process est entièrement automatisé. Le conducteur du pont roulant n'a qu'à suivre les instructions. Chaque apport est enregistré à son arrivée en cave. Puis tout son parcours de vinification est programmé et tracé. « Nous travaillons de gros volumes avec autant de précision qu'une propriété. C'est de l'artisanat à grande échelle », commente Serge Huart, oenologue en charge des vinifications.
Équipée de cinq conquêts dont quatre en gravitaire, la cave est capable de traiter 350 tonnes par jour, soit l'équivalent de 50 ha.
Les cuvons sont aussi utilisés pour les délestages. Pour cela, le conducteur du pont roulant les amène au pied des cuves. Les cavistes ouvrent les vannes. Quand le cuvon est plein, il est soulevé par le pont roulant et reversé dans la cuve de départ pour arroser le chapeau de marc. « Nous demandons à nos adhérents de nous apporter des raisins irréprochables. Nous devions être en mesure de respecter cette qualité d'apport. Avec notre installation, nous y arrivons. Nous n'utilisons plus de pompe à vendange, ni de pompe à marc. Tous les transferts de vendange et de marc s'effectuent par gravité. Qualitativement, nous avons vu la différence : les vins sont plus lisibles, francs et plus nets », affirme l'oenologue.
Les résultats sont si convaincants que la cave étudie la construction d'un second chai gravitaire pour y vinifier l'autre moitié de sa récolte, soit 20 000 hl qui, aujourd'hui encore, sont traités dans un chai classique.