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Magazine - Etranger

Monténégro Un géant et des petits poucets

THIERRY JOLY - La vigne - n°289 - septembre 2016 - page 72

Plantaze, une société publique, domine la scène viticole monténégrine. Des domaines familiaux tirent leur épingle du jeu grâce au tourisme et aux aides de l'État.
PLANTAZE, société d'État privatisée partiellement en 2006, exploite 2 310 ha d'un seul tenant, ce qui constitue le plus grand domaine viticole d'Europe. © D. MILJANIC

PLANTAZE, société d'État privatisée partiellement en 2006, exploite 2 310 ha d'un seul tenant, ce qui constitue le plus grand domaine viticole d'Europe. © D. MILJANIC

PLANTAZE a réaménagé un ancien tunnel abritant des avions de l'armée de l'air pour accueillir les touristes et proposer des séances de dégustation. T. JOLY

PLANTAZE a réaménagé un ancien tunnel abritant des avions de l'armée de l'air pour accueillir les touristes et proposer des séances de dégustation. T. JOLY

LES CUVES THERMORÉGULÉES sont de rigueur à Plantaze, les températures lors des vendanges (de la mi-août à la mi-septembre) sont très élevées.  T. JOLY

LES CUVES THERMORÉGULÉES sont de rigueur à Plantaze, les températures lors des vendanges (de la mi-août à la mi-septembre) sont très élevées. T. JOLY

ZENTA VUCINIC, petite exploitation fondée il y a dix ans à côté de la capitale, produit surtout du rouge, le climat étant peu propice au blanc. T. JOLY

ZENTA VUCINIC, petite exploitation fondée il y a dix ans à côté de la capitale, produit surtout du rouge, le climat étant peu propice au blanc. T. JOLY

DRASKO VUCINIC, le fondateur de Zenta Vucinic, qui sort 20 000 cols par an sur une superficie de 3 ha.  T. JOLY

DRASKO VUCINIC, le fondateur de Zenta Vucinic, qui sort 20 000 cols par an sur une superficie de 3 ha. T. JOLY

TAMARA ET MILOTIN MASANOVIC sont à la tête du petit domaine éponyme situé à Virpazar. T. JOLY

TAMARA ET MILOTIN MASANOVIC sont à la tête du petit domaine éponyme situé à Virpazar. T. JOLY

BILJANA KNEZEVIC, la directrice de la production de Plantaze, le plus gros domaine du pays. T. JOLY

BILJANA KNEZEVIC, la directrice de la production de Plantaze, le plus gros domaine du pays. T. JOLY

Impossible d'ignorer que le Monténégro produit du vin. Juste avant d'atterrir à Podgorica, la capitale, une mer de vignes défile sous les ailes de l'avion. Il s'agit de Cemovsko, le plus vaste domaine viticole d'Europe avec 2 310 ha d'un seul tenant et 11,5 millions de ceps. Plantée à partir de 1977, cette gigantesque exploitation appartient à Plantaze, une société étatique qui possède aussi deux restaurants et cinq magasins.

Créée en 1963, Plantaze a été partiellement privatisée en 2000. Elle emploie aujourd'hui plus de six cents personnes. « 44 % du capital est détenu par les employés et des clients », précise Biljana Knezevic, la directrice de la production. Nous élaborons 15 millions de litres par an que nous commercialisons presque uniquement en bouteilles de 1 ; 0,75 et 0,18 l. Nous faisons peu de Bag-in-Box et quasiment plus de vrac. »

L'entreprise produit principalement du vin rouge (de 70 à 75 %), mais aussi un peu de blanc ainsi qu'une infime quantité de rosé et d'effervescent. Sa gamme comprend plus de quarante vins vendus entre 1,5 et 120 €, la plus grande partie se situant entre 2 et 5 €. Mais Plantaze souhaite développer le segment premium.

Toute la récolte provient du domaine Cemovsko. Déployées sur une plaine aride et très caillouteuse, plus de 80 % de ses vignes sont vendangées manuellement. Il a d'abord été planté à 3 800 pieds/ha puis à 5 000. Le vranac, un cépage de raisins noirs originaire du Monténégro d'après les habitants, couvre 70 % de la surface. 200 ha sont plantés en krstac, un cépage blanc cultivé nulle part ailleurs. Le reste est occupé par vingt-quatre variétés parmi lesquelles les cabernet-sauvignon, merlot, chardonnay, pinot blanc et sauvignon blanc. Les rendements varient de 6 à 10 t/ha. Grâce au climat sec, trois à quatre traitements suffisent pour contrôler les parasites. La température moyenne est de 12 °C en hiver et de 30 °C en été avec des pointes à 40 °C. L'irrigation est donc indispensable. Elle est assurée par goutte-à-goutte sur 80 % du domaine et par arrosage sur le reste. « Vingt-deux puits nous garantissent l'approvisionnement en eau », indique Biljana Knezevic.

Chez Zenta Vucinic, situé un peu plus haut en altitude toujours près de Podgorica, la donne est différente. Si Plantaze ne connaît ni gelée ni grêle, ces fléaux y surviennent parfois. « Le climat est plus irrégulier qu'auparavant », note Drasko Vucinic qui a fondé le domaine il y a dix ans. Il exploite ainsi 3 ha plantés à 3 500 pieds/ha et irrigués au goutte-à-goutte.

Limitée à 20 000 cols par an, la production est là aussi constituée de rouges à 70 %. « Les températures estivales ne sont guère propices aux blancs », justifie Drasko Vucinic.

Pour cette raison, à Virpazar, près du lac Skadar, le microdomaine Masanovic (1 ha, 3 000 bouteilles) a arrêté d'en produire. Outre leur petite taille, Zenta Vucinic et Masanovic ont en commun d'avoir planté du marselan. « Il a la réputation de s'adapter à toutes sortes de temps », expliquent-ils. Ce cépage côtoie du vranac, du kratosija, du petit verdot, du sangiovese et de la syrah. Les plants des variétés communes sont fournis par Plantaze qui en greffe 800 000 par an.

En revanche, tout l'équipement des caves est importé d'Italie, de Croatie ou de Slovénie. Seule exception : les fûts qui sont français ou américains. « Mais nous n'utiliserons bientôt que des français, bien meilleurs », assure Simo Knezevic, maître de chai chez Plantaze. Compte tenu des températures élevées lors des vendanges, de mi-août à mi-septembre, l'usage de cuves thermorégulées est de rigueur. Les raisins destinés au blanc et au rosé sont par ailleurs réfrigérés à la réception.

Les petits domaines affirment n'avoir aucun problème à exister à côté de Plantaze « dès lors que l'on fait de la qualité au juste prix », assure Drasko Vucinic. Démarchant lui-même les clients, il vend ses vins entre 7 et 18 €, essentiellement en été sur la côte adriatique qui accueille plus de 1,5 million de touristes par an. Durant cette période, il reçoit trois petits groupes par semaine par l'intermédiaire d'agences de voyage. Chez Masanovic, en été, ce sont trois à cinq groupes par jour. « Nous vendons 90 % de nos vins à des touristes étrangers », révèle Tamara Masanovic, qui s'est positionnée sur la niche des vins natures haut de gamme à des prix allant de 10 à 100 €.

De son côté, Plantaze propose une visite du domaine pour 10 € ainsi que des cours de dégustation et d'accords mets-vins. Une prestation élaborée « à l'origine pour les groupes, mais que depuis peu l'on propose également aux voyageurs individuels », précise Dijana Milosevic, responsable de l'oenotourisme. Plantaze organise également des événements accueillant jusqu'à 800 personnes dans un caveau où reposent 2 millions de litres de vin en fûts et en bouteilles. Il s'agit d'« un ancien tunnel destiné aux avions de l'armée de l'air que nous avons réaménagé », indique l'entreprise.

Mais aussi nombreux soient les touristes, Plantaze ne peut pas s'en contenter. Le marché intérieur ne lui suffit pas davantage car la population du Monténégro ne dépasse pas 700 000 habitants. « Nous exportons 65 % de notre production dans 35 pays et participons à un maximum de salons internationaux pour nous faire connaître », révèle Milan Milutinovic, le directeur des ventes internationales. Les pays de l'ex-Yougoslavie, où l'entreprise est connue de longue date, absorbent les deux tiers des exportations suivis par la Russie où sont expédiées 1 million de bouteilles par an. Viennent ensuite la Chine, les États-Unis, la Pologne, la Suisse et l'Allemagne.

Des aides publiques pour nouveaux venus

Le Monténégro compte 4 400 ha de vignes. Mais il n'existe qu'une quarantaine de wineries en sus de Plantaze. La quasi-totalité possède moins de 5 ha et a vu le jour au cours des dix dernières années, grâce à une politique incitative des autorités qui souhaitent développer la production. « L'État a remboursé jusqu'à 50 % des frais d'achat de plants, d'équipements de vinification et de fûts », détaille Drasko Vucinic, le fondateur de Zenta Vucinic, un domaine proche de Podgorica. L'État a également demandé à Plantaze d'acheter du raisin aux nouveaux viticulteurs pour leur laisser le temps d'investir dans la cave. Mais tous n'y sont pas parvenus. Ceux qui se retrouvent le bec dans l'eau cherchent à tout prix à écouler leur récolte. « Depuis que le programme d'achat de Plantaze est terminé, certains me contactent pour me vendre tout ou partie de leur raisin », rapporte Drasko Vucinic, dont les capacités d'achat sont limitées.

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