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DOSSIER - Vins de France : et pourtant ils en vivent !

Gers Une approche industrielle

La vigne - n°290 - octobre 2016 - page 20

Les vins de France ont toute leur place dans l'offre des coopératives gersoises car ils répondent à une demande. Ces dernières incitent les viticulteurs à en produire régulièrement et à moindre coût.
SERGE TINTANÉ, président de Gerland et de l'Anivin de France, demande aux adhérents de sa coopérative de produire un raisin conforme à un cahier des charges. © M. TRÉVOUX

SERGE TINTANÉ, président de Gerland et de l'Anivin de France, demande aux adhérents de sa coopérative de produire un raisin conforme à un cahier des charges. © M. TRÉVOUX

MICHEL DEFRANCÈS, coopérateur aux Vignerons de Gerland, cherche à faire produire au maximum ses ceps. ©  M. TRÉVOUX

MICHEL DEFRANCÈS, coopérateur aux Vignerons de Gerland, cherche à faire produire au maximum ses ceps. © M. TRÉVOUX

« Le cep de vigne, c'est une usine à produire. Je cherche à le faire tourner à plein régime. » Par ce témoignage, Michel Defrancès, viticulteur à Caussens, illustre bien l'approche particulière de la filière viticole gersoise. Ici, pas de vague à l'âme. L'objectif de productivité est clairement annoncé. Au viticulteur de produire au moindre coût un raisin adapté à une demande du marché qu'il soit en IGP ou en vins de France.

La démarche a été initiée il y a cinq ans par les Caves et Vignobles du Gers (CVG), l'union de coopératives créées par les Vignerons du Gerland et Vivadour pour commercialiser leurs vins blancs en vrac. Pour commencer, CVG a bâti une segmentation à partir de la demande du marché et non des catégories réglementaires. L'union, qui commercialise 350 000 hl de vin par an, a défini trois niveaux qualitatifs pour chaque cépage : générique, premium et super premium. Puis elle a établi le cahier des charges de chaque niveau en précisant, pour chaque cépage, le rendement attendu (90, 120 et 150 hl/ha), l'âge minimum du vignoble, la densité de plantation, l'état sanitaire du raisin, le degré et l'acidité totale...

Chaque viticulteur se positionne selon ses parcelles. À lui d'atteindre les objectifs qualitatifs et de rendements fixés. Les trois qualités sont rémunérées au même prix - 5 000 €/ha - afin que la segmentation repose avant tout sur des critères techniques et non économiques. Ces 5 000 €/ha doivent couvrir les frais de production, rémunération du viticulteur incluse. Celui-ci peut accroître son revenu en diminuant ses coûts de production ou en récoltant plus que prévu, dans une limite de 5 à 15 hl/ha, tout en restant dans l'objectif qualitatif. En revanche, s'il n'atteint pas le rendement prévu, sa rémunération baisse.

Michel Defrancès, coopérateur aux Vignerons de Gerland, cultive 60 ha de vigne. Selon les années, il affecte entre 10 et 20 % de sa surface à la production de vins de France et le reste en IGP. Il ne constate pas de différence de rentabilité entre les IGP et les vins de France. « Ma rémunération est la même et mes coûts de production sont équivalents », confie-t-il. Pour gagner en rentabilité, il fut un des premiers à expérimenter la taille mécanique, en s'inspirant de l'exemple italien : « Au début, j'ai tâtonné. Aujourd'hui, je maîtrise la technique à 90 % et j'ai divisé par quatre mon coût de main-d'oeuvre. L'économie s'élève à 700 €/ha », assure-t-il.

Pour être sûr d'atteindre chaque année les rendements visés, il a revu son plan de fumure. Il apporte 80 unités d'azote par an, en trois fois dont une juste avant les vendanges afin que la vigne reconstitue ses réserves. Il apporte également de la potasse et un engrais organique à des doses 15 à 20 % supérieures à celle d'un plan de fumure classique.

Michel Palacin a lui aussi opté pour la taille mécanique pour améliorer son revenu. Sur son exploitation de 17 ha, à Vic-Fezensac, 10 % de sa production part en vin de France. Son rendement moyen avoisine les 100 hl/ha avec des parcelles de colombard qui montent jusqu'à 130 hl/ha. « Implanter une vigne en taille mécanique coûte plus cher au départ : il faut compter 2 000 à 4 000 € de plus par hectare car cela nécessite des fils, des agrafes et des piquets plus solides. » Mais, à partir de la huitième année, il s'y retrouve : « J'ai réussi à réduire mon temps de travail de 100 à 45 heures/ha par an. »

« Chacun son métier : nous demandons au viticulteur de produire un raisin conforme au cahier des charges. Nos caves le transforment pour obtenir le vin souhaité. Nos commerciaux sont alors en mesure de proposer à nos clients des bases d'assemblage pour construire leur gamme », explique Serge Tintané, président de Gerland et de l'Anivin de France.

Aujourd'hui, les vins de France représentent plus de la moitié des volumes commercialisés par CVG. « Nous avons de sérieux concurrents. Sur le marché allemand, nous devons rivaliser avec des colombard-chardonnay sud-africains qui sont 30 à 40 % moins chers que nous. Et pourtant, nos clients nous restent fidèles. La certification de notre production, notre proximité et notre régularité en volume comme en qualité sont des atouts qui comptent », confie Éric Lanxade, le directeur de CVG.

« Notre offre en vin de France n'a absolument pas déstabilisé l'IGP Côtes de Gascogne, ajoute Serge Tintané. Au contraire, elle protège l'IGP, dont le prix de référence s'est stabilisé à 90 €/hl. L'important, c'est d'organiser la cohabitation entre les deux avec un modèle économique où chaque maillon de la chaîne fait sa marge. »

Le système semble fonctionner puisque la relève se profile : sept jeunes vont s'installer cette année comme coopérateur au sein de la filiale viticole de Vivadour.

Des vins de France à la fois icônes et premiers prix

ÉRIC LANXADE, directeur des Caves et Vignobles du Gers (CVG). © PHOTO WJ

ÉRIC LANXADE, directeur des Caves et Vignobles du Gers (CVG). © PHOTO WJ

« Ce n'est pas parce qu'on est sur le marché du vrac qu'on ne fait pas de marketing », explique Éric Lanxade, directeur des Caves et Vignobles du Gers (CVG). Chaque année au mois de juillet, CVG adresse à ses clients une plaquette pour présenter ses nouveautés et annoncer ses tarifs. « C'est à nous de fixer nos prix de vente. Nous sommes un groupement de producteurs, notre mission prioritaire est la rémunération de nos adhérents. Nous devons être capables de calculer nos prix de vente pour garantir cette rémunération. Et pour nos clients, c'est l'assurance qu'ils n'achèteront pas plus chers que leurs concurrents », détaille Éric Lanxade. CVG segmente son offre en quatre niveaux qualitatifs, sans préciser, pour trois d'entre eux, s'il s'agit d'IGP ou de vins de France. Seul l'« Essentiel » est annoncé en IGP Côtes de Gascogne à 90 €/hl. « Nos clients veulent d'abord une qualité, c'est-à-dire une puissance aromatique. » Les vins de cépages « icônes » (sauvignon, chardonnay, gros manseng), affichés à 150 €/hl, tout comme les « premium », entre 130 et 100 €/hl, sont livrés en vins de France ou IGP à la demande du client. Idem pour les « blends », des bicépages vendus entre 110 et 90 €/hl. Au bas de l'échelle, CVG propose des produits à 75 €/hl. « Nos vins les plus chers sont des vins de France comme nos premiers prix », souligne Éric Lanxade.

Cet article fait partie du dossier Vins de France : et pourtant ils en vivent !

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