« Ce n'est pas déshonorant de produire des entrées de gamme. Et en plus, il y a un marché », constate Éric Chadourne, président de Couleurs d'Aquitaine, société de commercialisation des caves coopératives de Dordogne. Il en veut pour preuve le cas d'Alliance Aquitaine (75 000 hl, 1 400 ha). Cette coopérative basée au Fleix, commercialise environ 3 000 hl de vins sans IG chaque année, directement dans ses trois points de vente. Elle les vend essentiellement en Bib au prix de 13,95 € les 10 litres. Elle produit aussi une gamme de vins mousseux de qualité (VMQ) en méthode traditionnelle. Baptisés Jacquou le Pétillant, ces vins valent entre 6,80 et 7,80 € la bouteille.
« Ces vins sont parfois mieux valorisés que nos AOP vendus en vrac. Le problème, c'est qu'on les produit à partir de vignobles destinés à l'AOP ou l'IGP. C'est un non-sens économique car les coûts de production sont trop élevés », observe Éric Chadourne.
Forte de ce constat, Alliance Aquitaine a décidé de planter un vignoble dédié à ces vins. En mai 2015, elle a créé une SCEA qui a pris 10 ha en fermage pour pouvoir planter ce vignoble. Les parcelles se situent dans la plaine de la Dordogne, sur des sols profonds qu'il est possible d'irriguer.
Cette année, 4 ha de merlot ont déjà été plantés et 2 ha de marselan sont prévus l'an prochain. « On souhaiterait planter des cépages résistants sur les quatre hectares restants. Mais si les autorisations tardent, on fera autrement », précise Dominique Samin, le directeur d'Alliance Aquitaine. L'objectif est de montrer aux adhérents qu'une viticulture industrielle et adaptée à la demande du marché est rémunératrice. Taille mécanique, irrigation au goutte à goutte, fumure élevée, tout l'itinéraire technique sera adapté pour atteindre 120 hl/ha.
« Avec les technologies actuelles, il est possible d'élaborer des vins ronds et charmeurs sur ce type de vignoble », assure Éric Chadourne. Les dirigeants espèrent convaincre les adhérents de segmenter leur vignoble selon les besoins du marché. La politique de rémunération de la coopérative pourrait également évoluer pour encourager ces orientations, notamment avec des frais de vinification différenciés entre vin de France et AOP.
Le pari n'est pas pour autant gagné tant les freins restent importants. « L'an dernier, des jeunes coopérateurs ont demandé des droits pour planter 20 hectares en vin de France. Leur demande a été refusée. Du coup, ils ont planté des noyers. Avant d'avoir un vignoble industriel en France, il risque de se passer des années », se désole Dominique Samin.