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À LA VIGNE - OCTOBRE

Une année à rouges

MARION BAZIREAU - La vigne - n°291 - novembre 2016 - page 8

L'arrière-saison a permis aux vignerons d'attendre pour profiter de belles maturités. Ils obtiennent des vins fruités et très équilibrés. Les rouges sont particulièrement réussis.

Ils ont les traits tirés. Mais ils ont aussi le sourire. Les vignerons se sortent finalement bien d'une année difficile qui s'est achevée par des vendanges étalées. L'arrière-saison leur a permis d'aller chercher des maturités optimales. « Les baies n'ont pas pourri. Nous avons pu attendre et découvrir le stade fruits rouges pour le petit verdot. Pour le cabernet-sauvignon, nous avions même des arômes de gelée de fruits noirs », se réjouit Christophe Coupez, directeur du centre oenologique de Pauillac (Gironde). Pour obtenir ces maturités, les Bordelais se sont octroyés une semaine de plus pour vendanger.

Même chose dans le Val de Loire. « D'habitude, le laboratoire connaît deux semaines de forte activité. Là, ça a été plus long. Les vignerons ont vraiment bien fait d'attendre », rapporte Mathilde Ollivier, de Litov Œnologie (Maine-et-Loire). Dans les Côtes du Rhône, Olivier Roustang, lui aussi, est éprouvé. « Cela a été haché : on a vendangé, arrêté, repris. C'était interminable. »

Heureusement, une fois bien complémentés en azote, les moûts n'ont eu aucune difficulté à fermenter. « Les raisins ont été rentrés sains et, à l'arrivée, les acidités volatiles sont très basses. Autre fait notable : je n'ai jamais vu aussi peu de drosophiles dans les caves ! », constate Éric Pilatte, en Bourgogne. À l'Enosens de Cadillac (Gironde), Henri Ducourneau fait exactement la même réflexion.

Les vins dévoilent des arômes bien francs. « Les blancs ont un nez de fruits blancs, de poire et de pêche », relate Fabrice Doucet, directeur de la Sicavac (Cher). En Anjou, Mathilde Ollivier déguste des sauvignons aux belles notes exotiques.

En Bourgogne, Éric Pilatte a néanmoins un petit regret : le manque de gras des chardonnays.

Les rouges, eux, mettent tout le monde d'accord. Ils sont aromatiques et très colorés. « Nous n'avions pas eu un si bon ensoleillement en septembre depuis 1951. De plus, nous avons eu de grosses différences de températures entre le jour et la nuit. Toutes les conditions étaient favorables à la biosynthèse d'anthocyanes », explique Éric Pilatte. Le laboratoire de Pauillac en a compté en moyenne 822 mg/l. « Nous avons de fortes couleurs et des structures bien équilibrées. En fin de fermentations, les vins présentent des rapports tanins sur anthocyanes proches de 4 et des IPT autour de 80 : c'est l'idéal », précise Christophe Coupez. Dans le Centre, les pinots noirs dévoilent de beaux tanins.

Tout est réuni pour faire un grand millésime, même l'acidité. Lorsqu'il prélevait des baies, Antoine Médeville craignait qu'elle soit un peu faible. « Mais finalement, les vins ont gagné entre 2 et 2,5 points d'acidité totale pendant la cuvaison. On va pouvoir faire des vins de garde. » Attention toutefois aux pH. Dans quelques régions, ils sont élevés. C'est le cas des derniers vins des Côtes du Rhône, autour de 3,8 et 3,9. Il faudra surveiller les Brettanomyces.

Un peu partout, les fermentations malolactiques ont démarré, favorisées par des températures douces l'après-midi.

« Certaines se font même très vite, en trois à quatre jours. Il faut bien surveiller les cuves dans lesquelles il reste quelques sucres résiduels pour éviter les piqûres acétiques », prévient Daniel Granès, dans le Languedoc.

Le Point de vue de

Jean-Bernard Chauvin, Domaine de Clayou, 34 ha, à Saint-Lambert-du-Lattay (Maine-et-Loire)

« Des vendanges décousues »

«C'était une année bizarre. Nous avons lancé les vendanges du crémant le 26 septembre, puis arrêté, puis repris, puis arrêté... Pour la bonne cause, puisque la belle arrière-saison nous a permis d'aller chercher des maturités optimales jusqu'à début novembre, en coteaux-du-layon. L'état sanitaire n'a jamais décroché, et une fois le raisin encuvé et réajusté en azote, tout s'est bien déroulé. J'ai une cuve qui réduit un peu mais c'est classique. Les fermentations des vins de base sont terminées. Ces vins sont ronds et très fruités. Les rosés de Loire sont en cours de fermentation malolactique. Ils sont à base de grolleau qui a donné beaucoup de couleur et parfumé de belles notes de fruits rouges, notamment de fraise, sans végétal. Nous venons de refroidir les cabernets d'Anjou pour qu'ils gardent quelques sucres résiduels. Nous nous apprêtons à les filtrer et à les sulfiter. Quant aux rouges, ils sont encore en fermentation car nous les avons rentrés début novembre. Mais ils présentent déjà de beaux arômes de fruits mûrs. Comme la couleur s'est vite diffusée, nous n'avons fait que quelques remontages, puis immergé les marcs. La qualité est là, dommage que le gel ait emporté 50 % de la récolte. Les cabernets sont assez chargés en sucres, avec des TAP de 14. Les rosés affichent entre 12,5 et 13 et les chenins entre 13,5 et 14. Côté pH et acidité, nous avons des situations très hétérogènes en fonction du stress hydrique subi par les parcelles. »

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