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À LA VIGNE - NOVEMBRE

Du fruit et de la couleur

MARION BAZIREAU - La vigne - n°280 - novembre 2015 - page 8

Cette année, les oenologues prennent beaucoup de plaisir lors de leurs tournées dans les chais. Ils y dégustent des vins colorés, fruités, charnus et équilibrés.

D'où qu'ils soient, les oenologues font le même constat : 2015 est un grand millésime, que ce soit en blanc, rouge ou rosé.

En Corse et en Provence, les raisins sont rentrés très sains. « Du coup, les vignerons ont beaucoup utilisé la stabulation sur bourbes à froid et ont obtenu des vins blancs et rosés très thiolés », explique Olivier Naslès, oenologue au laboratoire Aix Œnologie.

En Alsace, certains rieslings fermentent encore. « Mais ils présentent déjà un profil très intéressant, avec des arômes de tilleul, de citron et de pamplemousse », se réjouit Michel Pinsun, de la chambre d'agriculture du Haut-Rhin. Les vignerons ont pu filtrer les bourbes et les réintroduire dans les vins, exacerbant ainsi les notes exotiques.

Le même enthousiasme s'affiche dans le Centre-Loire. Benoît Roumet, directeur du BIVC, promet des vins « solaires, charnus et très aromatiques ».

Les rouges ne sont pas en reste. Dans la vallée du Rhône, Olivier Roustang, gérant de Rhône Œnologie, déguste des syrahs et des grenaches équilibrés, colorés et aux arômes fruités, mais non compotés. Selon lui, dans le nord de la vallée, c'est même « un millésime historique, comme on en voit que trois ou quatre au cours d'un siècle ». Malgré des degrés alcooliques souvent supérieurs à 14 % vol., les pH ne dépassent pas 3,6 après la FML. « On a donc du volume en bouche mais aussi de la fraîcheur. »

En Bourgogne, Éric Pilatte, oenologue-conseil, déguste « des pinots noirs comme jamais » et des blancs gras et fruités. Plus à l'ouest, Mathilde Ollivier, oenologue chez Litov Œnologie, se réjouit de la qualité des vins rouges d'Anjou : « Les cabernets présentent une robe foncée et offrent une bonne charge tanique. Ils sont très fruités, sans déviations aromatiques, ni notes végétales. »

En Touraine, « les vins offrent des arômes de cassis, ainsi que des tanins souples », souligne Anne Buchet, de la chambre d'agriculture du Loir-et-Cher.

Les fermentations alcooliques se sont très bien déroulées dans l'ensemble et, contrairement à ce que certains craignaient, les fermentations malolactiques ne traînent pas. D'après Olivier Naslès, 2015 est un millésime facile à tous les points de vue.

Le plus gros défi résidait peut-être dans la gestion de l'extraction de la couleur et des tanins. Sur les pinots noirs bourguignons, « les peaux étaient épaisses. Elles ont mis du temps à libérer la couleur », explique Éric Pilatte.

Au contraire, Thomas Duclos, oenologue à Libourne, a conseillé à ses clients de ne plus travailler le chapeau de marc à partir de 1 050 de densité. « Il ne fallait pas commettre la même bêtise qu'en 2005, à savoir trop travailler les vins et les rendre trop taniques et austères. Cette année, les vins ont de la couleur, une bonne longueur en bouche et de la sucrosité. En plus, malgré des pH parfois un peu hauts, ils restent frais en bouche. »

Dans la Vallée du Rhône, beaucoup de vignerons ont adopté la technique de la « cocotte », qui consiste à rajouter du vin dans une cuve pour immerger le chapeau de marc, sans le travailler. « La couleur s'est très bien diffusée par ce moyen. On a atteint l'équilibre en douceur, en dégustant régulièrement, explique Olivier Roustang. Les macérations ont duré entre trois semaines et un mois, comme lors des années précédentes. En 2013 et 2014, on a bougé les vins dans tous les sens et obtenu des résultats bien moins intéressants. »

Emmanuel Ogereau, viticulteur au Domaine Ogereau, 25 hectares, à Saint-Lambert-du-Lattay (Maine-et-Loire) « Il fallait être précis dans la cueillette »

Emmanuel Ogereau (à droite, aux côtés de son père Vincent) © J. CLAIR/LE COURRIER DE L'OUEST/MAXPPP

Emmanuel Ogereau (à droite, aux côtés de son père Vincent) © J. CLAIR/LE COURRIER DE L'OUEST/MAXPPP

« Notre principal cépage est le chenin blanc. Cette année, après le stress hydrique du mois d'août, il a fallu être précis dans sa cueillette. Nous avons démarré les vendanges des blancs secs autour du 25 septembre et fait deux tris car la maturité était hétérogène dans certains secteurs. L'état sanitaire du raisin était en revanche parfait et nous a permis de ne pas sulfiter la vendange à plus d'1 g/hl. Les fermentations, en levures indigènes, se sont déroulées sans heurts. Les vins affichent 13 % vol. Malgré la chaleur, ils ont gardé des pH assez bas - entre 3 et 3,2 - et de bonnes teneurs en acide malique, souvent supérieures à 5 g/l.

Sur les rouges, que nous avons écoulés fin octobre, nous obtenons de très belles couleurs. Nous avons vinifié les cabernets francs à des températures inférieures à 25 °C, en infusion. Nous avons procédé à un seul délestage, en début de fermentation, et n'avons fait aucun remontage. Les vins sont très intéressants, sans notes végétales et avec des tanins soyeux. Ils contiennent entre 2,5 et 3 g/l d'acide malique. Les fermentations malolactiques auront lieu un peu plus tard, en barriques. La seule déception vient du rendement, qui peine à dépasser les 30 hl/ha sur les parcelles de schiste.

En ce qui concerne les liquoreux, nous avons rentré un premier tri passerillé début octobre. Ensuite, grâce aux épisodes pluvieux, le botrytis s'est installé facilement. En moyenne, nous avons fait quatre passages par parcelle. Nous avons vinifié des coteaux-du-layon à 17, voire 18 de TAP. Et nous avons atteint les 22 de TAP sur notre parcelle de quarts-de-chaume. Pour cette appellation, 2015 est un millésime extraordinaire. Nos liquoreux sont très fruités et concentrés, tout en ayant gardé une belle acidité. Ils présentent des arômes de fruits mûrs, type coing. »

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