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Cuves La ruée vers l'Inox écologique

MARION BAZIREAU - La vigne - n°291 - novembre 2016 - page 72

Les nouvelles règles d'attribution des aides à l'investissement donnent un coup de fouet aux ventes de cuves en Inox poli vinicole ou recuit brillant. Les vignerons économisent du temps, de l'eau et des produits de nettoyage.
LE NETTOYAGE DES CUVES en Inox recuit brillant consomme beaucoup moins d'eau que celui des cuves en Inox 2B classique. ©  P. ROY

LE NETTOYAGE DES CUVES en Inox recuit brillant consomme beaucoup moins d'eau que celui des cuves en Inox 2B classique. © P. ROY

En juin 2016, France-AgriMer a modifié les règles d'attribution des aides à l'investissement. Chaque dossier sera noté sur 20 points, dont 12 portent sur l'acquisition de matériel permettant des économies d'eau, d'énergie ou de réduction des déchets. Les fournisseurs de cuves en Inox se frottent les mains, puisque les vignerons sont incités à acheter les moins rugueuses, en Inox recuit brillant, poli miroir ou électropoli.

« C'est bon pour notre chiffre d'affaires car ces cuves se vendent plus cher, se réjouit Jean-François Chiron, gérant d'Alliance Inox Industrie, à Beychac-et-Caillau (Gironde). Mais surtout, le vigneron va gagner du temps et économiser de l'eau et des produits de nettoyage. » La chambre d'agriculture de Gironde l'a chiffré : pour détartrer une cuve de 2 hl à l'eau chaude, elle a utilisé 5 l d'eau dans le recuit brillant, alors que plus de 13 l ont été nécessaires dans la cuve en Inox 2B classique.

« Nous faisons la promotion des revêtements écologiques depuis plusieurs années. Les nouveaux critères d'attribution des aides nous donne un bon coup de pouce. Depuis, nous avons beaucoup moins de mal à convaincre les vignerons, explique Patrick Lejeune, dirigeant de la société du même nom, à Saint-Magne-de-Castillon (Gironde). Nous vendons surtout des cuves en Inox recuit brillant. Elles représentaient 40 % de nos ventes il y a cinq ans, alors qu'aujourd'hui c'est presque 75 %. » Jean-François Chiron en est, quant à lui, à un peu plus de 50 %, « avec beaucoup de devis en cours pour 2017 ».

Dans le Vaucluse, Sébastien Dubos distribue les cuves Intranox fabriquées en Espagne. Lui ne constate pas d'emballement particulier cette année. « Les demandes de recuit brillant ont augmenté dès 2013, lorsque FranceAgriMer a accordé un taux d'aides augmenté de 5 % aux vignerons investissant dans du matériel à faible impact environnemental, explique-t-il. À cette époque, la demande a été telle que nous n'avons pas pu fournir tout le monde. » Depuis cette date, ses ventes ont augmenté de 20 % en recuit brillant, malgré le surcoût d'environ 10 % qu'il engendre sur le prix d'une cuve.

Pas d'emballement non plus chez Vinego (ex-Fabbri et Demoisy), à Entraigues-sur-la-Sorgue (Vaucluse). François-Xavier Denneulin, responsable opérationnel de l'entreprise, explique que la majorité de ses ventes d'Inox se faisaient déjà en poli vinicole. « La modification des règles de FranceAgriMer ne change pas la donne, d'autant plus que les vignerons ne se leurrent pas : les 165 millions d'euros prévus pour l'aide à l'investissement vont vite partir, tout le monde ne sera pas servi. Peut-être que seuls ceux qui auront une note supérieure à 19 sur 20 auront quelque chose. »

Les fournisseurs de cuves proposent essentiellement du recuit brillant et du poli vinicole. Mais FranceAgriMer encourage aussi les ventes de cuves électropolies. « Les bureaucrates sont déconnectés de la réalité, explique Jean-François Chiron. L'électro-polissage coûte beaucoup plus cher que le recuit brillant, alors que son indice de rugosité est presque le même. Dans le domaine vinicole, je n'en vois pas l'utilité. »

En effet, seules quelques entreprises spécialisées sont capables d'électropolir des cuves. « Nous devons d'abord réceptionner des bobines d'Inox, fabriquer les cuves, les envoyer dans l'entreprise spécialisée qui les plonge dans des bains électrolytiques, puis les rapatrier », détaille Jean-François Chiron. À l'arrivée, la facture a doublé. « Et l'électropolissage n'est réalisable que sur des petits volumes de quelques centaines de litres », renchérit Sébastien Dubos. « On ne peut électropolir que des petites pièces, comme les portes de cuves », précise Patrick Lejeune.

Avec le recuit brillant et le poli miroir, les choses sont plus simples. Les fabricants de cuves achètent de l'Inox possédant déjà ces qualités. « Ça ne bouleverse pas les méthodes de travail, il faut juste faire un peu plus attention en manipulant la tôle pour ne pas l'abîmer », explique Jean-François Chiron. « Pour bien faire, il faut aussi qu'un ouvrier entre dans la cuve pour polir toutes les soudures à la brosse afin que le tartre ne s'y accroche pas. » Cela engendre un autre surcoût. « Il n'est donc pas rare de voir des cuves en Inox recuit brillant dont les soudures ne sont pas polies », ajoute Patrick Lejeune.

Certains vignerons hésitent encore. Ils boudent le geste de l'Europe en faveur des revêtements écologiques car les aides ne couvrent pas forcément tout le surcoût engendré par ces finitions. « À eux de voir. Ce qui est sûr, c'est qu'à partir du moment où ils achètent de telles cuves, ils apprécient la différence et ne reviennent pas à la finition 2B », affirme Jean-François Chiron.

Le service de télédéclaration des demandes est ouvert depuis novembre. Les vignerons ont jusqu'au 15 décembre pour déposer leur dossier, devis compris. Ils seront retenus par ordre décroissant de notes jusqu'à épuisement de l'enveloppe fixée à 165 millions d'euros.

Recuit brillant, poli miroir : kezako ?

Dans les caves, la finition de l'Inox que l'on rencontre le plus souvent est la 2B. Son indice de rugosité va de 0,1 à 0,2 micromètre. Il s'agit d'un Inox laminé à froid et recuit sous une atmosphère normale. Lors de cette cuisson, une couche d'oxydation se forme qu'il faut ensuite décaper, alors que l'Inox recuit brillant (2R ou 2RB) est recuit sous atmosphère contrôlée. Le recuit brillant, beaucoup plus lisse, ne favorise pas l'accroche des produits salissants tels que le tartre. Le poli vinicole possède la même propriété. « Il faut compter six mois pour recevoir de l'Inox recuit brillant. En conséquence, quand nous n'en avons plus, nous envoyons les tôles d'Inox 2B dans une société spécialisée qui les brosse au feutre pour obtenir la même qualité de surface », explique Patrick Lejeune.

Ce travail augmente le prix de l'Inox de 10 à 15 % par rapport au recuit brillant. « On peut aussi brosser les tôles avec du coton pour obtenir du poli miroir à l'indice de rugosité de 0,02, le même que l'électropoli, quand celui du recuit brillant va de 0,02 à 0,06 et celui du poli vinicole tourne autour de 0,07. »

Pour Patrick Lejeune, recuit brillant et poli vinicole suffisent amplement. Ces finitions sont indépendantes de la qualité de l'Inox.

Le Point de vue de

BRUNO BAYLET, GÉRANT DU CHÂTEAU LANDEREAU, 85 HECTARES, À SADIRAC (GIRONDE)

« Nous sommes passés de 30 à 5 minutes de nettoyage »

« Cette année, nous avons augmenté notre capacité de cuverie en blanc. J'ai profité de l'occasion pour acheter trois cuves en Inox recuit brillant, convaincu de leur intérêt pratique, sans déposer de demande d'aide. L'Inox 2B paraît lisse mais, si on l'observe au microscope, on réalise que ce n'est pas le cas : il est plein d'aspérités. Nous avons utilisé nos nouvelles cuves pour la première fois cette campagne, qui est une année à tartre. Je n'ai pas été déçu, mon maître de chai non plus. Nous n'utilisons pas de soude pour détartrer. En temps normal, nous mettions 30 min pour nettoyer une cuve en Inox classique de 100 hl au nettoyeur haute pression. Cette année, c'était fait en 5 min, avec un simple jet d'eau chaude. Nous avons économisé du temps, et pas mal d'eau. Je suis d'ailleurs en train de monter un dossier FranceAgriMer et de recueillir des devis pour acheter six nouvelles cuves ainsi qu'un pressoir de nouvelle génération, et faire une extension de bâtiment. À l'avenir, je ne prendrai plus que du recuit brillant, même si c'est plus cher. »

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