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À l'écoute des salariés

FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°291 - novembre 2016 - page 92

Au domaine du Grand Chemin, Jean-Marc Floutier réunit régulièrement ses salariés pour parler de l'organisation du travail. Ensemble, ils ont amélioré le palissage, la préparation et le suivi des commandes. L'esprit d'équipe s'est renforcé.
SUR SON EXPLOITATION, Jean-Marc Floutier, ici au bureau avec Aurélie Hagen et Céline Delestre, a su créer un esprit d'équipe. F. EHRHARD

SUR SON EXPLOITATION, Jean-Marc Floutier, ici au bureau avec Aurélie Hagen et Céline Delestre, a su créer un esprit d'équipe. F. EHRHARD

À LA CAVE, EMMANUEL FLOUTIER, à droite, travaille aux côtés de Sylvain Majorel et de Joffrey Rey. F. EHRHARD

À LA CAVE, EMMANUEL FLOUTIER, à droite, travaille aux côtés de Sylvain Majorel et de Joffrey Rey. F. EHRHARD

« Depuis que j'ai impliqué mes salariés dans la réflexion sur l'organisation du travail, ils sont plus autonomes et communiquent mieux entre eux. Je m'absente plus sereinement pour aller voir les clients », note Jean-Marc Floutier, vigneron à Savignargues, dans le Gard.

Avec son fils Emmanuel, ils produisent 5 000 hl sur 70 ha et emploient huit salariés, trois à la vigne, deux à la cave et trois au bureau. Ils ont commencé à mobiliser leur équipe en 2009, lorsqu'ils se sont lancés dans la démarche Terr'avenir (voir encadré page suivante). « Notre objectif était d'obtenir la certification Iso14001. C'est là que nous avons commencé à définir les postes de travail et à réfléchir à notre organisation. C'était nécessaire pour que les procédures mises en place afin de mieux préserver l'environnement soient respectées », explique Jean-Marc.

Le viticulteur a suivi des formations au management. Elles font partie de la préparation de la certification qu'il a obtenue en 2012. Il a aussi organisé des réunions avec ses salariés et s'est rendu compte que ces échanges autour d'un projet renforçaient leur implication dans le travail. « J'ai décidé de poursuivre en instaurant des réunions régulières pour chercher ensemble comment améliorer notre fonctionnement. »

Ces réunions sont organisées plusieurs fois par an. Elles se tiennent le lundi de 10 h à 12 h. « Je commence par présenter la situation économique. Au début de nos rencontres, c'était encore la crise dans notre région, les salariés entendaient dire autour d'eux que la viticulture allait mal. C'était important de les rassurer en soulignant que notre domaine continuait à progresser », note le vigneron.

Après le point sur l'aspect économique, le chef d'exploitation explique les objectifs des investissements en cours - l'installation d'un deuxième pressoir, par exemple - ou fait le bilan des vendanges. Vient ensuite un tour de table où chacun est invité à dire ce qui va ou pas à son poste. Le groupe cherche alors des solutions pour améliorer ce qui ne fonctionne pas. Si une idée paraît bonne, une ou deux personnes sont chargées d'étudier sa faisabilité. À la réunion suivante, une décision est prise : s'il se confirme que la solution est adaptée, elle est appliquée. Sinon, elle est abandonnée. « C'est important, il ne faut pas que les idées se perdent. Pour que ce soit motivant, nous devons aller jusqu'à leur mise en oeuvre », souligne Jean-Marc.

Les initiatives retenues portent sur toutes les étapes du travail. À la vigne, par exemple, les fils releveurs s'écartaient lorsqu'il y avait du vent, et il fallait repasser pour remonter la végétation. « Houssine, qui est chargé de la taille et des travaux en vert, a soulevé ce problème et nous a proposé d'utiliser des agrafes pour tenir les fils. Nous en avons trouvé en carton biodégradable et les avons adoptées », note le vigneron.

Aurélie, à l'époque responsable des livraisons et aujourd'hui assistante commerciale, a relevé un problème au niveau des tournées. « Je prenais toutes les commandes, même celles de dernière minute. Si c'était pour un client situé au milieu de la tournée de livraison, cela compliquait ensuite le déchargement des cartons chez les premiers livrés », explique-t-elle. Le domaine a demandé à ses clients et à ses commerciaux de passer leurs commandes avant midi la veille de la livraison. Les cartons sont ainsi chargés dans le bon ordre, ce qui fait gagner du temps et évite les erreurs.

Franck, en charge de la préparation des commandes et de l'informatique, a suggéré de regrouper toutes les informations sur les livraisons dans un document unique. Informaticien de formation, il a créé un réseau interne pour que tous puissent partager ces données. « Avant, elles étaient dispersées, et il n'était pas facile de retrouver quel lot de bouteilles avait été livré à tel client, et par quel transporteur. Nous avons ainsi perfectionné le suivi des livraisons », note Jean-Marc.

Au début, la démarche a surpris les salariés. « Ils n'étaient pas habitués à s'arrêter pour réfléchir à l'organisation du travail. Parler des difficultés n'allait pas de soi non plus. J'ai dû expliquer qu'il s'agissait de progresser ensemble », relève le vigneron. Aujourd'hui, les salariés se sont pris au jeu et apprécient ces temps d'échange. « C'est bien d'avoir des informations sur la vie de l'exploitation. Si un client me demande comment se sont passées les vendanges, par exemple, je peux lui répondre », observe Aurélie. « Nous pouvons nous exprimer sur ce que nous vivons au travail, c'est positif », souligne de son côté Franck, qui regrette que ces réunions ne soient pas plus fréquentes. « C'est un investissement en temps. Mais le résultat en vaut la peine. L'équipe a gagné en efficacité », note Jean-Marc.

Créer un esprit d'équipe

« En 2009, durant la préparation de la certification, nous avons fait le tour des différents postes de travail. Chaque salarié a expliqué aux autres ce qu'il faisait », raconte Emmanuel Floutier, le fils de Jean-Marc. Cela a permis à chacun de mieux se situer dans la chaîne de production. S'inspirant de ce qu'il avait vu dans une winery australienne, Emmanuel propose désormais chaque année aux salariées du bureau de participer durant une journée à la vinification. « Elles peuvent ainsi découvrir le travail du vin. » En fin de saison, tout le personnel se réunit pour récolter à la main une parcelle destinée à l'élaboration d'une cuvée vendanges tardives. Tout cela contribue à développer la cohésion de l'équipe. Chacun prend conscience que son travail est important pour atteindre un objectif commun : bien servir les clients. « Je l'explique aux employés, le patron du domaine ce n'est pas moi, c'est le client. En achetant nos vins, il me donne les moyens de payer les salaires », relève Jean-Marc Floutier.

Terr'avenir Une démarche de progrès

La démarche Terr'avenir, à laquelle Jean-Marc Floutier a participé, permet à des agriculteurs de se préparer en groupe à l'obtention de la certification Iso 14001.

Portée par le cabinet de consultants PériG et le réseau des CER France, cette démarche va au-delà du respect de l'environnement. « Nous avons rajouté un volet social avec des formations au management de façon à donner aux entreprises des outils pour améliorer leur fonctionnement », explique Muriel Clarac, du CER France Midi-Méditerranée. « Pour obtenir la certification, il faut se fixer des objectifs à atteindre en équipe, développer la communication en interne et responsabiliser ses salariés », précise-t-elle. « Pour nos clients d'Europe du Nord, l'obtention de cette norme est un gage de sérieux, d'efficacité », constate Jean-Marc Floutier.

Dans le Languedoc-Roussillon, seize entreprises sont déjà certifiées depuis 2012 et quatorze autres devraient l'être début 2017. Le coût pour chacune d'elles est de 1 500 €/an, un tarif qui comprend un service de veille réglementaire.

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