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TOUT Y PASSE Ras le bol des vols !

CHRISTELLE STEF ET COLETTE GOINÈRE - La vigne - n°293 - janvier 2017 - page 6

Dans le Gard et en Gironde, les vols de matériels et de vins se multiplient. Les vignerons sont à bout...
LIONEL PUECH, viticulteur et coprésident des JA du Gard, devant son tracteur qu'un voleur a tenté de dérober. © M. GASARIAN

LIONEL PUECH, viticulteur et coprésident des JA du Gard, devant son tracteur qu'un voleur a tenté de dérober. © M. GASARIAN

LUDOVIC GERVAIS, viticulteur et maraîcher dans le Gard, devant sa cuve GNR éventrée à la suite d'un cambriolage. © M. GASARIAN

LUDOVIC GERVAIS, viticulteur et maraîcher dans le Gard, devant sa cuve GNR éventrée à la suite d'un cambriolage. © M. GASARIAN

C'est une nuit qu'il n'est pas près d'oublier. Durant les dernières vendanges, Sébastien Puech rentre chez lui au volant de sa voiture. Il est 23 h 40. En approchant de chez son frère Lionel, viticulteur qui habite à 200 m de chez lui, à La Rouvière (Gard), il voit le tracteur attelé d'une benne sortir de son exploitation. Supposant que son frère part vendanger, il fait des appels de phare pour le saluer. C'est alors que le tracteur s'arrête. En passant à sa hauteur, Sébastien Puech constate qu'un inconnu est au volant. Ni une, ni deux, il pile et effectue une rapide marche arrière « à l'Américaine ». Les pneus crissent. Le malfaiteur prend peur. Il descend du tracteur, avec un bâton lumineux en mains, et prend ses jambes à son cou, disparaissant entre les villas. « Il était inutile que je lui cours après car je n'avais pas de lampe », rapporte Sébastien Puech.

Cette nuit-là, le hasard a bien fait les choses. Lionel Puech, qui est aussi coprésident des JA du Gard, a pu récupérer son tracteur. Mais nombre de ses collègues n'ont pas eu cette chance. Ludovic Gervais, viticulteur et maraîcher basé à Corconne (Gard), s'est ainsi fait cambrioler cinq fois depuis fin septembre 2016. Les malfrats lui ont dérobé une tronçonneuse, une débroussailleuse, des sécateurs, des caisses à outils, des produits phytosanitaires, du carburant, mais aussi des courges et des oignons.

Le dernier vol remonte à la nuit du 9 au 10 décembre. Les malfaiteurs lui ont pris pas loin de 500 l de GNR qu'ils ont versés dans des bidons. Mais ils n'ont pas pu tout emporter en une fois. Ils ont donc caché une partie des bidons deux cents mètres plus loin et sont revenus les chercher une heure après. C'est là que le viticulteur les a surpris. Deux personnes ont ainsi été arrêtées et seront jugées en janvier.

Le département du Gard fait face à une recrudescence de vols en tout genre. Depuis le début de l'année 2016, les agriculteurs et les viticulteurs en ont déclaré 214. Cela va du gros matériel (tracteurs...) au petit outillage (disqueuse, tronçonneuse...), en passant par le carburant et les cartons de vins. « Rares sont les agriculteurs qui n'ont pas été cambriolés », déplore Lionel Puech.

Ces vols ne sont pas nouveaux, le problème est récurrent. En 2014, les syndicats agricoles, la préfecture, la police et la gendarmerie ont signé une convention afin de se donner les moyens de réagir face à ces exactions. Des agriculteurs et des gendarmes référents ont été désignés et un système d'alerte par SMS a été mis en place. « Grâce à ces mesures, les vols ont diminué. Mais depuis août 2016, ils sont en recrudescence sans que l'on sache pourquoi », déplore Lionel Puech.

Les agriculteurs sont exaspérés. Ils jugent les moyens mis en oeuvre peu efficaces, d'autant que beaucoup ne vivent pas sur leur exploitation et ne peuvent surveiller leurs biens. En outre, ils estiment que les décisions prises par la justice quand un présumé voleur est arrêté ne sont pas à la hauteur de leurs attentes.

Les JA et la FDSEA ont donc rencontré le préfet du Gard le 16 décembre 2016. « Il s'est montré compréhensif », note Lionel Puech. Il leur a annoncé qu'il demanderait à la gendarmerie de définir les lieux où il serait opportun de placer des caméras. Les communes concernées décideront ou non de les installer. Le préfet leur a aussi précisé qu'il allait remettre au goût du jour la convention de 2014. Lors d'une autre réunion, le 3 janvier, les services de gendarmerie ont insisté sur la préplainte en ligne. Il s'agit d'une procédure qui permet de déclarer un vol sur Internet. Ensuite, il suffit de prendre rendez-vous à la gendarmerie pour signer la déposition.

La Gironde est tout aussi touchée. Dans la nuit du 2 au 3 octobre dernier, un tracteur, du matériel, de l'outillage entreposés dans le hangar d'une exploitation viticole, à Vignonet, ont disparu. Montant du préjudice : 30 000 €. Deux mois plus tard, les voleurs - trois jeunes - se sont retrouvés devant le tribunal correctionnel de Libourne. Prison ferme et mise à l'épreuve à la clé.

En novembre dernier, c'est le château Coucy, à Montagne-Saint-Émilion, qui s'est fait dérober neuf barriques de 225 l. Les Vignobles Despagne-Rapin, une propriété de 25 ha, proche de Château Coucy, ont eux aussi été la cible de malfaiteurs. Franck Despagne garde en mémoire ce matin de mars 2015. En voulant entrer dans l'atelier d'outillage qui jouxte sa maison d'habitation, il ne peut que constater les dégâts : porte fracturée ouverte, atelier vide. Tout a disparu : tronçonneuses, fils électriques, attacheurs électriques, perceuses, meuleuses, clés... 20 000 € de matériel ont ainsi été dérobés dans la nuit. « C'était la première fois que nous étions victimes d'un vol. Cela a été difficile à encaisser », confie-t-il. Rebelote en décembre dernier : cette fois, c'est un vieux véhicule qui sert aux ouvriers pour aller dans les parcelles qui a été volé. Franck Despagne tente alors de s'organiser. « On a renforcé les fermetures. Et, désormais, on s'assure tous les soirs que les bâtiments et véhicules sont bien cadenassés. » Le viticulteur a également revu à la hausse son capital auprès de son assurance et s'apprête à investir dans un système de caméras.

Jean-Marie Garde, président du syndicat de Pomerol, n'est guère optimiste : « Ces vols récurrents nous préoccupent. Nos propriétés sont ouvertes. C'est facile de faire du repérage. » Certains adoptent le système D. Lassé des vols réguliers de plants de vignes, Rémi Lacombe, à la tête de 138 ha répartis sur quatre communes du Médoc, a trouvé la parade : il fait peindre les plants par ses ouvriers en jaune pétard ou rouge vif. Pas question de traîner. Mis en terre le matin, les plants doivent être peints le soir. « C'est un travail stupide, mais je n'ai pas trouvé mieux pour identifier mes plants », lâche-t-il. D'autres misent sur l'entraide. Aux Vignobles Meyre, à Listrac-Médoc, un deal a été passé avec un voisin. Ce dernier fait paître ses vaches gratuitement sur les prairies qui jouxtent la propriété viticole d'Alain Meyre. En échange, le fermier jette un oeil sur la propriété, histoire d'assurer une vigilance.

Vols de produits phytosanitaires en Charente

En novembre dernier, deux distributeurs de produits phyto ont été victimes de vols en Charente. L'un des délits a été commis dans la nuit du 25 au 26 novembre chez Vitinature, à Genté. Les malfaiteurs ont d'abord tenté de fracturer le volet roulant d'une fenêtre. Puis ils ont pris un chariot manuscopique pour percer une ouverture dans le toit. À l'intérieur du dépôt, ils ont dérobé un véhicule utilitaire qu'ils ont chargé de produits. « Le samedi matin, à mon arrivée, j'ai vu que le fourgon avait disparu, mais je ne me suis pas rendu compte qu'il manquait des phytos. Ce n'est que le lundi matin qu'on s'en est aperçu en faisant l'inventaire », rapporte Jean-Louis Thévenon, le gérant. Les auteurs se sont emparés d'insecticides Reldan et Jokari (anticicadelle) et d'anti-oïdiums. Par la suite, ils ont abandonné le fourgon qui a été retrouvé vide. Le préjudice s'élève à près de 30 000 €. Fin décembre, une enquête judiciaire était en cours. Quelques jours auparavant, dans la nuit du 20 au 21 novembre, un autre vol a eu lieu dans une société située à Reignac. Les auteurs y ont volé divers produits dont de l'Aviso DF (antimildiou), du Dipel DF (insecticide) et du Basta (herbicide).

Optez pour un diagnostic sécurité

Chaque département dispose d'au moins un référent sûreté au sein de la gendarmerie. À la demande des exploitants, il peut se rendre sur leur domaine afin d'établir un diagnostic de sécurité et donner des recommandations pour prévenir les actes de malveillance. Ce diagnostic est gratuit. Le dispositif est en place depuis plusieurs années. À Cognac, ce service est de mieux en mieux connu des viticulteurs et le référent est de plus en plus sollicité. Cela semble porter ses fruits. « Le nombre de cambriolages (tous types confondus, NDLR) baisse depuis trois ans. En 2016, à la fin novembre, il a baissé de 17 % dans l'arrondissement de Cognac », explique la gendarmerie. Si vous souhaitez bénéficier d'un tel diagnostic, il vous suffit de prendre contact avec votre brigade de gendarmerie locale.

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