Environ 20 000 ha en 2000 ; pas plus, pas moins en 2016. La surface du vignoble angevin semble immuable depuis des années. Une stabilité qui masque en réalité des mouvements structurels. L'Anjou-Saumur comptait 1 600 exploitations professionnelles il y a une quinzaine d'années. Elles sont à peine un millier aujourd'hui. Conséquence mathématique : la moyenne des surfaces exploitées a progressé de 8 ha durant cette période, pour s'établir à un peu plus de 20 ha.
Toutefois, après avoir été plutôt actif pendant plusieurs années,le marché des parcelles semble désormais atone, faute de vendeurs. Les deux grosses agences privées de vente de domaines viticoles dans le Maine-et-Loire - Quatuor Vignobles et Ampelio - dressent le même constat. De plus en plus de vignerons désireux de s'agrandir leur demandent des parcelles, alors que ce n'est pas leur fonds de commerce.
En Anjou, « le marché se tend », note Alain Paineau, responsable du Val de Loire chez Quatuor. « Il y a peu d'offres et beaucoup de demandes. Toutes les semaines, je reçois des appels pour savoir si j'ai des parcelles dans le Layon ou à Savennières », confirme Candice de Gramont, conseillère à la Safer Maine-Océan. Dans le Saumurois, rien ne bouge. « Certes, on voit passer quelques transactions. Des locataires achètent des parcelles à leurs propriétaires. Des personnes âgées nous proposent des petites parcelles qu'elles avaient gardées une fois à la retraite. Mais cela ne représente pas de grosses surfaces », souligne la conseillère.
« L'essentiel des transactions se fait de gré à gré », ajoute Marine Dargery, gérante d'Ampelio. « Il y a de la bagarre sur les belles parcelles en production », observe Olivier Brault, viticulteur siégeant à la Safer. « Ça va vite, reconnaît un vigneron qui vient d'acquérir 3 ha en Anjou. Mon voisin m'a proposé des vignes. J'ai saisi l'occasion. » Et quand la mise en vente d'une parcelle devient « publique », c'est qu'elle n'est pas très intéressante : enclavée, mal tenue, trop chère...
Pour Alain Paineau, « il y a un secteur assez actif en apparence, c'est celui des néovignerons qui cherchent à s'installer sur deux ou trois hectares en bio. Mais, ça représente peu de volumes. » « Ces vignerons veulent acheter plutôt que louer », précise Candice de Gramont.
Ces agrandissements et acquisitions se font pour l'essentiel par achat à titre individuel. « Jusqu'à 3 ha, c'est faisable », précise Philippe Percher, directeur de mission au cabinet comptable Strego, à Doué-la-Fontaine. « Au-delà, c'est plus compliqué. Il faut faire appel à des investisseurs ou à du capital familial. » Dans les AOC de prestige (Savennières, Quarts de Chaume...), certains vignerons constituent des groupements fonciers viticoles (GFV).
Conséquence de ce déséquilibre entre l'offre et la demande, les prix sont légèrement orientés à la hausse. Au cours des cinq dernières années, le prix moyen en Anjou-Saumur a pris 8 %, à 18 700 €. « Cependant, on observe une grande diversité de prix en fonction des produits, y compris au sein d'une même appellation », analyse Alain Paineau.
En Saumur-Champigny - une appellation très prisée -, les prix ont ainsi oscillé entre 46 000 et 65 000 € en 2015. Dans les Coteaux du Layon, on enregistre des écarts de 13 000 à 22 000 €. « Dans l'AOC Anjou, c'est plus resserré - de 12 000 à 14 000 €/ha - et globalement stable », souligne Marine Dargery.
Si le marché des parcelles est plutôt calme, celui des domaines est plus soutenu. D'abord parce qu'il y a de l'offre. Certains - par leur surface ou leur patrimoine bâti - ne peuvent être repris par un membre de la famille.
Trois types de clients sont sur les rangs. Parmi eux, des investisseurs hors vignoble. « Leurs demandes sont de plus en plus qualifiées », précise Marine Dargery. Plus personne ne vient s'acheter une « danseuse » ou une résidence secondaire viticole. « On a aussi des vignerons qui cherchent à s'agrandir ou à se diversifier et qui sont prêts à reprendre un domaine entier. » Récemment, un domaine de Bourgueil est acquis le château de Suronde au coeur du Layon.
Et, ce qui agite parfois le marché, ce sont les reprises par les coopératives ou les négociants. Depuis quelques années, Ackerman ne cesse de grossir. Ce négociant saumurois a mis la main sur plusieurs domaines viticoles. D'abord, une grosse centaine d'hectares en 2013, dont il a revendu une partie à des exploitants à la condition qu'ils lui livrent la récolte. Puis, en 2015, il a racheté les 160 ha des domaines Beaujeau (115 en Anjou et 45 en Saumurois) et, quelques mois plus tard, 33 ha à un voisin.
La coopérative Les Caves de la Loire se montre, elle aussi, active. Elle est sur le point de reprendre deux affaires représentant au total plus d'une centaine d'hectares. « Cela fait du bruit parce qu'on croit que ça fait grimper les prix. Mais ces achats se font au prix du marché. Nul doute que ces hectares se seraient vendus plus chers par morceaux », conclut Alain Paineau.
ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER DES VIGNES ? Alexandre Cady, 26 ha à Saint-Aubin-de-Luigné (Maine-et-Loire)
« Avec des taux d'emprunt plutôt bas et des fermages à la hausse, il vaut mieux acheter en AOC Anjou ou Coteaux du Layon. Pour les crus, c'est plus compliqué. Je suis installé avec mes parents qui ont 19 ha, dont 8 en fermage. J'ai acquis 7 ha, parce qu'un voisin en bio - comme moi - arrêtait. Si le propriétaire des 8 ha que nous louons nous proposait de les reprendre, je signerais. Mon objectif est de continuer à tout vendre en direct, ce qui est le cas aujourd'hui. Je ne souhaite donc pas monter à 50 ha et vendre une partie de ma production au négoce. »
ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER DES VIGNES ? Fabrice Baron, Domaine des Garennes, 40 ha à Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire)
« Pour moi, la question ne se pose pas. Dans le Saumurois où je suis installé depuis 1998, il n'y a rien à vendre. Tout le monde observe les futurs retraités. Les vignes valaient 15 000 €/ha il y a dix ans. On parle de 25 000 aujourd'hui. Je loue les 40 ha que j'exploite. J'ai signé un bon fermage avec un propriétaire qui finance le renouvellement des vignes et l'entretien du palissage. Je vends une moitié de ma production en direct, l'autre en moût. Je ne cherche pas à m'agrandir. »
ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER DES VIGNES ? Damien Laureau, 8,5 ha à Savennières
« Acheter du foncier, ce n'est pas ma priorité. J'ai débuté en 1999, sur 10 ha de vignes et 6 de verger, en rachetant la moitié des parts de la société d'exploitation dans laquelle je m'installais. J'avais peu d'argent. J'ai privilégié l'achat d'équipements et le besoin en fonds de roulement. En 2007, j'ai repris la totalité de la société et, aujourd'hui, j'exploite 8,5 ha en location en AOC Savennières. Je continue à investir dans le matériel et dans la cave. Comme je ne souhaite pas faire appel à des investisseurs, pour l'heure, je poursuis en location avec mes quatre propriétaires. »