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AU COEUR DU MÉTIER

À Peyriac-Minervois, dans l'Aude, chez Dominique André : « Un passage de relais bien préparé »

FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°294 - février 2017 - page 20

À PEYRIAC-MINERVOIS, Dominique André a retrouvé une rentabilité en optant pour le bio en 2011, après avoir arraché des vignes durant la crise. Depuis 2014, il replante sachant que son fils Guillaume va s'installer.
LE TABLEAU DE BORD DE LEUR EXPLOITATION

LE TABLEAU DE BORD DE LEUR EXPLOITATION

GUILLAUME ET DOMINIQUE ANDRÉ, devant les cuves dans lesquelles la cave de Peyriac-Minervois vinifie leurs raisins bio. PHOTO : L. LECARPENTIER

GUILLAUME ET DOMINIQUE ANDRÉ, devant les cuves dans lesquelles la cave de Peyriac-Minervois vinifie leurs raisins bio. PHOTO : L. LECARPENTIER

GUILLAUME (À GAUCHE) ET DOMINIQUE travaillent dans un plantier de syrah avec le nouvel intercep attelé à un des deux nouveaux tracteurs. PHOTO : L. LECARPENTIER

GUILLAUME (À GAUCHE) ET DOMINIQUE travaillent dans un plantier de syrah avec le nouvel intercep attelé à un des deux nouveaux tracteurs. PHOTO : L. LECARPENTIER

POUR PRÉPARER AU MIEUX LA TRANSMISSION de l'exploitation à son fils, Dominique André a investi dans du matériel et a replanté des vignes. Ici, il termine avec son fils Guillaume d'installer le palissage dans un plantier de syrah. PHOTO : L. LECARPENTIER

POUR PRÉPARER AU MIEUX LA TRANSMISSION de l'exploitation à son fils, Dominique André a investi dans du matériel et a replanté des vignes. Ici, il termine avec son fils Guillaume d'installer le palissage dans un plantier de syrah. PHOTO : L. LECARPENTIER

CES VIEUX CARIGNANS en gobelet, rachetés en 2015, ont un beau potentiel qualitatif. PHOTO : L. LECARPENTIER

CES VIEUX CARIGNANS en gobelet, rachetés en 2015, ont un beau potentiel qualitatif. PHOTO : L. LECARPENTIER

En 2016, Guillaume André a succédé à son père Dominique aux commandes du domaine Moulin Nouvel, à Peyriac-Minervois, dans l'Aude. Sur 18 ha, il produit des vins bio en appellation Minervois et IGP Pays d'Oc au sein de la coopérative La Tour Saint-Martin. « Avant de m'installer, j'ai dû patienter dix ans. Durant la crise, qui a débuté en 2006, il était impossible de dégager deux revenus sur le domaine », raconte le jeune vigneron, qui a aujourd'hui 34 ans. Pour patienter, il a d'abord prolongé ses études. Puis, après un BTS viti-oeno en alternance, il a travaillé comme salarié dans la vallée du Rhône, en Argentine et enfin dans le Minervois. « C'était enrichissant. J'ai acquis une expérience pratique des travaux dans les vignes. Mais j'ai toujours gardé en tête mon projet d'installation ! »

Pendant que Guillaume se formait, son père Dominique a dû faire face à la crise. « Avec un salarié permanent pour 35 ha de vignes, je n'arrivais plus à couvrir mes frais. C'était rude ! J'ai dû le licencier et réduire la surface pour travailler seul », relate-t-il. En 2008, il a profité des primes à l'arrachage et a supprimé 17,7 ha pour descendre à 17,3 ha. « J'ai conservé les vignes les plus proches de la maison, avec les cépages rouges de l'appellation et du merlot en IGP », détaille-t-il. Dans les parcelles arrachées, il a planté des oliviers et des chênes truffiers ainsi que de la luzerne afin de ne pas laisser les terres en friche.

En 2011, il s'est lancé dans le bio. « Je pratiquais déjà la lutte raisonnée depuis les années 1990. Je voulais aller plus loin pour préserver la santé et l'environnement. J'ai fait part de mon projet à la coopérative, qui a vu d'un bon oeil l'idée d'avoir des vins bio dans sa gamme », relate Dominique. De son côté Guillaume avait constaté que c'était réalisable après avoir travaillé dans un domaine en bio.

« Le défi, c'est de maîtriser l'herbe en intervenant au bon moment avec le bon outil », souligne le jeune vigneron. Ce n'est pas toujours aisé. « Ainsi, en 2013, je me suis laissé déborder. Heureusement, l'année a été humide, ce qui a limité la concurrence avec les ceps », se souvient Dominique. En 2016, pour avoir plus de choix dans les outils, Guillaume s'est équipé d'un deuxième intercep sur lequel il peut monter une décavaillonneuse, une bineuse ou une lame. « Je peux ainsi m'adapter à la situation. Mais nous devons toujours finir de nettoyer le pied des plantiers à la binette. »

Pour travailler à part les raisins du domaine Moulin Nouvel, qui est le seul à avoir opté pour le bio, la coopérative s'est équipée de petites cuves de 200 hl. Elle vinifie les cépages séparément et les assemble ensuite pour élaborer deux cuvées de rouge, l'une en AOP Minervois et l'autre en IGP Pays d'Oc. Ces cuvées sont vendues pour l'essentiel en vrac à des négociants avec le nom du domaine.

« Avec des prix supérieurs de 30 % à ceux du conventionnel, j'ai retrouvé une rentabilité et j'ai pu commencer à préparer l'installation de Guillaume », note Dominique. Sur des parcelles qui avaient porté de la luzerne, il a replanté 3 ha de syrah en 2014, puis 2,5 ha de cabernet-sauvignon et 1 ha de cot en 2015. « Après avoir arraché, nous devons réinvestir », justifie Guillaume.

Le premier objectif est d'élargir la gamme. Dominique avait arraché les blancs. « Nous allons replanter 1,7 ha de grenache blanc cet hiver », note-t-il. Pour élaborer des rosés, il n'avait qu'une parcelle de cinsault, trop petite pour que la coopérative puisse la vinifier séparément. « Avec le cot, qui va entrer en production en 2018, il y aura assez de volume pour remplir une cuve. Nous aurons ainsi les trois couleurs », relève Guillaume. Et en IGP, la coopérative pourra élaborer une cuvée de cabernet-sauvignon à côté de celle de merlot.

Les dernières vignes plantées à 3 m sur 1 m vont disparaître. « Nous replantons à 2,25 m x 1 m pour accroître la densité à 4 444 ceps/ha et obtenir ainsi un rendement correct avec moins de charge par cep, ce qui améliore en même temps la qualité », précise-t-il. Avec un seul écartement, le parc de matériel va être simplifié. « Le nouvel intercep est adapté à un interrang de 2,25 m, de même que les deux tracteurs que nous venons d'acheter. »

Les deux vignerons profitent également des replantations pour relocaliser les vignes en appellation sur des terrasses plus profondes, et les vignes en IGP en bordure de rivière. « Je souhaite régulariser autant que possible les rendements. En 2016, la coulure et la sécheresse ont réduit le rendement moyen à 51 hl/ha, contre 77 et 73 hl/ha les deux années précédentes. Il ne faudrait pas que cela se répète trop souvent ! », affirme Guillaume.

Pour y parvenir, il mise aussi sur l'irrigation. Dominique avait investi une partie des primes d'arrachage dans un forage et équipé 2 ha avec un goutte-à-goutte. Le domaine dispose également d'un droit de pompage dans un cours d'eau. « Cet été, nous avons ressorti un enrouleur pour arroser les plantiers », note le jeune vigneron. Mais en 2020, il n'aura plus le droit d'utiliser ces ressources en eau. « Dans notre zone, il y a un projet de réseau collectif. Il faudrait qu'il aboutisse rapidement. C'est important pour l'avenir. Cela fait deux ans qu'il tombe à peine la moitié de la pluie habituelle. Nous voudrions pouvoir irriguer lorsque c'est nécessaire pour éviter les stress hydriques trop marqués », affirme-t-il.

Pour le moment, à cause des investissements en cours, la trésorerie du domaine reste tendue. Et la petite récolte 2016 ne va rien arranger. « Heureusement, en 2015, j'avais acheté 4,5 ha de vieux carignans en gobelet, qui produisent régulièrement 40 à 50 hl/ha. Cela a amené du volume qui sera certifié en bio dans trois ans », se félicite Dominique. L'ancien propriétaire avait monté ces vignes sur fil pour les vendanger à la machine. « Cela casse des bois, c'est dommage », constate Guillaume. Pour tirer parti du beau potentiel qualitatif, il va faire un essai de récolte manuelle en 2017. Avec ces raisins, la coopérative élaborera une cuvée haut de gamme.

En 2017 et 2018, 6,5 ha de plantiers vont commencer à produire, portant la surface en production du domaine à 25 ha. Les volumes devraient ainsi rapidement dépasser 1 500 hl, contre seulement 925 hl en 2016. « Cela va me donner les moyens de continuer à investir tout en dégageant un revenu », commente le jeune vigneron. Dominique a pris sa retraite en 2016. Pour pouvoir embaucher un permanent, Guillaume doit encore augmenter sa surface, et prévoit de continuer à planter dans les années à venir. « Je ne reviendrai pas pour autant à 35 ha de vignes car en bio il y a davantage de travail. »

Pour améliorer sa marge, il compte également développer les ventes de bouteilles. Dominique a commencé à en commercialiser, en les achetant au prix de gros à la coopérative. « J'en ai revendu à des particuliers, à quelques restaurants et à une épicerie bio. Il y a de la demande », estime-t-il. Guillaume va reprendre et élargir cette clientèle en prospectant les boutiques bio du département. « Je n'ai pas d'expérience commerciale, j'ai tout à apprendre, mais cela m'intéresse », explique-t-il.

Le jeune vigneron découvre aussi le travail administratif, la complexité de la réglementation... Mais cela n'enlève rien à sa satisfaction d'être devenu son propre patron. Il a plus de responsabilités qu'un salarié, bien sûr, mais aussi plus de liberté, que ce soit pour entreprendre ou pour gérer son temps. « J'ai plus de souplesse pour concilier ma vie professionnelle et ma vie familiale. Désormais, c'est moi qui vais chercher mes enfants à l'école », assure-t-il. Et il apprécie d'intégrer une petite coopérative où tout le monde se connaît. « Nous sommes plusieurs jeunes, et nous nous rencontrons régulièrement pour partager nos expériences. C'est enrichissant », ajoute Guillaume, qui n'a pas envie de rester isolé sur son exploitation.

SUCCÈS ET ÉCHECS CE QUI A BIEN MARCHÉ

Avec des prix en bio supérieurs de 30 % à ceux du conventionnel, le domaine a retrouvé une rentabilité. « C'est ce qui nous donne des perspectives d'avenir », estime Guillaume.

La succession a été bien préparée. Dominique et sa femme ont partagé à égalité entre leurs cinq enfants les parts du GFA qui possède le foncier. Celui-ci est exploité en fermage par une EARL dont Guillaume est devenu le gérant, Dominique restant associé.

Les primes d'arrachage ont permis de tenir pendant la crise. Aujourd'hui, il faut pour replanter. « Mais c'est l'occasion d'améliorer le vignoble », note Guillaume.

SUCCÈS ET ÉCHECS CE QU'ILS NE REFERONT PLUS

« Quand je me suis installé en 1984, la mode était aux vignes larges. J'ai planté à 3 m x 1 m. C'était une erreur ! Avec seulement 3 333 pieds/ha, si on ne veut pas surcharger les ceps, il est impossible d'obtenir un rendement correct », relève Dominique.

« Lorsque j'ai arraché, j'ai gardé des vignes proches de la maison, implantées sur des terres séchantes et difficiles à travailler. J'aurais mieux fait de privilégier la qualité du sol plutôt que la proximité », regrette Dominique.

LA STRATÉGIE DE LEUR COOP « Élargir la gamme bio pour en vendre plus en bouteilles »

- La coop La Tour Saint-Martin vend une partie de sa production en bouteilles. Cette gamme comprend le minervois bio du domaine, proposé au caveau à 6,5 €/col. Mais la coopérative peine à le vendre. « Avec une seule cuvée de minervois, cela ne vaut pas la peine d'aller à un salon comme Millésime bio », constate Alicia Lefèvre, commerciale à la coop. Et au caveau, « la cuvée bio est perdue au milieu des autres. Ce sera plus facile quand nous proposerons les trois couleurs ».

- En revanche, la coopérative n'a aucun souci pour vendre en vrac. « Il y a de la demande pour du bio en vrac », note Alicia Lefèvre. La cave, qui vinifie 15 000 hl par an dont 800 à 900 hl en bio, vend principalement à des négociants partenaires de longue date. « Ils apprécient de trouver des cuvées bio chez nous et seraient preneurs de plus de volume », note-t-elle. La cave vend ses vins bio en moyenne à 160 €/hl en Minervois et à 120 €/hl en IGP Pays d'Oc. Des prix qui restent stables. « Cette année, nous avons pu maintenir nos tarifs, alors qu'en conventionnel, nous avons dû baisser. »

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L'exploitation

- Main-d'oeuvre : Guillaume et des saisonniers

- Surface : 42 ha dont 18,2 ha de vignes en production, 6,5 ha de plantiers, 8 ha d'oliviers et de chênes truffiers et 9,3 ha de luzerne

- Dénominations : 8,2 ha en Minervois et 6,5 ha en IGP Pays d'Oc

- Production : 925 hl en 2016

- Cépages : carignan, syrah, grenache, cabernet-sauvignon, merlot, cinsault et cot

- Densités : 4 444 pieds/ha et quelques vignes à 3 333 pieds/ha

- Tailles : gobelet, cordon de Royat et guyot

- Rendements : 40 à 50 hl/ha en AOP et 70 à 80 hl/ha en IGP

L'essentiel de l'offre

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