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VIGNE

Fabriquez vos outils avec l'Atelier Paysan

LUCIE MARNÉ - La vigne - n°294 - février 2017 - page 32

En décembre dernier, six viticulteurs se sont glissés dans la peau de métallos au cours d'une formation proposée par l'Atelier Paysan. L'occasion d'apprendre à souder et à fabriquer son semoir direct pour les couverts d'hiver.
PETITE PAUSE pour les six viticulteursqui suivent la formation proposée par l'Atelier Paysan pour fabriquer un semoir. PHOTO : L. WANGERMEZ

PETITE PAUSE pour les six viticulteursqui suivent la formation proposée par l'Atelier Paysan pour fabriquer un semoir. PHOTO : L. WANGERMEZ

VINCENT BRATZLAWSKY, formateur, fait le point devant le panneau  où sont accrochés les plans des diverses pièces. PHOTO : L. WANGERMEZ

VINCENT BRATZLAWSKY, formateur, fait le point devant le panneau où sont accrochés les plans des diverses pièces. PHOTO : L. WANGERMEZ

 PHOTO : L. WANGERMEZ

PHOTO : L. WANGERMEZ

Il est 14 heures. Avant de se remettre au travail après la pause déjeuner, petit point sur le programme de l'après-midi. Sur un plan accroché au mur, on fait le point sur les pièces du semoir qu'il reste à faire. Si tout se passe bien, l'assemblage de l'outil devrait débuter en fin de journée. Ce mercredi 14 décembre 2016, au lycée agricole de Bazas, en Gironde, ils sont six stagiaires à suivre la formation d'autoconstruction proposée par l'Atelier Paysan à l'initiative d'Agrobio Gironde. Le but : que chacun fabrique en quatre jours son semoir direct en utilisant les techniques de base du bricolage comme la soudure, le perçage de l'acier, l'usage d'une meuleuse ou la découpe de pièces.

Pour le matériel, l'Atelier Paysan a tout prévu. « Ils ont tout acheté groupé en dehors des trémies. Cela ne nous revient pas très cher : seulement 2 400 € pour l'achat de l'ensemble des pièces en acier, explique Vincent, stagiaire et viticulteur dans les Côtes de Blaye. Neuf, ce type de semoir d'un mètre de large avec cinq dents de semis coûte environ le double. » Ne reste plus qu'à acheter une trémie. Pour Cyril, viticulteur également dans les Côtes de Blaye, c'est chose faite : « Je me suis fait livrer une trémie Delimbe de 120 litres juste avant de venir au stage. Elle se branche directement sur l'électricité du tracteur. Avec cet outil, je pourrai semer mes couverts végétaux à 200 kg/ha pour maintenir la vie microbienne de mes sols. » Frédéric, vigneron dans le Libournais, repartira uniquement avec le châssis. Il est encore à la recherche d'une trémie d'occasion.

« Ce matin, nous avons terminé la plupart des trous sur les pièces. Nous allons maintenant passer à la soudure. Mais avant cela, un pointage est nécessaire. Il s'agit de réaliser deux ou trois points de soudure pour bien caler les pièces entre elles », explique Vincent Bratzlawsky, ingénieur et formateur à l'Atelier Paysan.

Une fois les consignes données, chacun s'attelle à un poste de travail. « Ce qu'il y a de bien, c'est que nous sommes très efficaces car nous travaillons à la chaîne », confie Vincent, qui débute le perçage de pièces pour les bras de relevage de tous les semoirs.

Au milieu de l'après-midi, Dominique Traullé, formateur, propose à Pierre, Frédéric et Vincent un petit cours sur les bases de la soudure. Auparavant, un réglage des masques s'impose pour éviter toute exposition aux rayons UV et aux éclats d'acier. Les masques proposés aux stagiaires sont de type 9.13. « Il est donc possible de régler son masque entre 9 et 13 pour que la vue au travers de celui-ci soit plus ou moins sombre, explique Dominique. Ainsi, pour un soudeur professionnel qui utilise des électrodes épaisses, il faudra régler le masque à 13. »

Vient le temps de se familiariser avec le poste de soudure. « Nous allons souder en triphasé avec des électrodes de type Rutile de 2,5 ou 3,2 mm de diamètre sans compter l'enrobage. 180 ampères suffisent, mais mieux vaut toujours être en sur-intensité qu'en dessous, précise Dominique. Maintenant, c'est à vous de jouer. » Pour s'exercer, plusieurs postes à souder sont disposés dans des cabines séparées, à la manière de cabines d'essayage, pour éviter tout risque d'exposition aux autres stagiaires présents dans l'atelier. Pour commencer, Pierre, Frédéric et Vincent doivent tracer des cordons droits sur une lame d'acier en effectuant un léger balayage avec l'électrode. Cela paraît simple. Mais les apprentis soudeurs ne savent quelle posture adopter. « Il y a différentes écoles. On peut souder en descendant l'électrode vers soi ou en la remontant. Certains préfèrent même avoir le coude ou l'épaule appuyée sur quelque chose », explique Dominique. Dans tous les cas, l'électrode doit être inclinée d'environ 70° par rapport à la table.

Pour Pierre, jeune vigneron installé dans le Loir-et-Cher, c'est une première. Après quelques points de soudure hésitants, il se lance. Mais l'électrode se colle sans cesse à la plaque d'acier. « Tu devrais remonter l'intensité à 115 A », lui conseille Dominique, après avoir vérifié que le problème ne venait pas de l'enrobage qui couvre le brin d'acier de l'électrode. Cette fois, la soudure est nettement meilleure. Satisfait, Pierre retire le laiton qui couvre sa ligne de soudure avec un marteau.

Pendant ce temps, dans l'atelier, la construction des semoirs continue. Cyril s'occupe de fixer les pièces des roulements sur lesquels viendront se placer les disques qui referment les lignes de semis. « Comme l'a indiqué Vincent, je dois faire trois points de soudure avant de me lancer dans la vraie soudure. J'en ai fait auparavant, mais on perd vite la main. »

En fin d'après-midi, l'ensemble des pièces des semoirs prennent forme. Vincent commence l'assemblage du châssis. Chacun s'active à sa tâche.

Pierre, lui, sort faire une pause. Il faut dire que les stagiaires ne chôment pas durant ces quatre jours. Au total, une centaine de pièces en acier est travaillée pour la fabrication du semoir. « Sur le planning, je me disais qu'on allait faire des journées plus courtes que nos propres journées de travail, plaisante-t-il. Mais, en réalité, nous travaillons beaucoup plus. Hier, nous sommes restés jusqu'à 19 heures à l'atelier. Et ce soir, nous allons peut-être y revenir après le dîner. »

C'est le prix à payer pour être sûr de repartir le vendredi soir avec son semoir au domaine. Et Patrick, viticulteur dans l'Entre-deux-Mers, reste optimiste : « Certes nous travaillons beaucoup, mais cette formation reste avant tout placée sous le signe de la convivialité. »

Des formations pour tous, partout

L'Atelier Paysan est une société coopérative d'intérêt collectif qui propose toute l'année des formations d'autoconstruction d'outils et de bâtiments agricoles. Ces formations sont ouvertes à tous les agriculteurs de tous niveaux et sont délivrées partout en France par les ingénieurs en mécanique de l'Atelier Paysan. Le programme est disponible sur le site www.latelierpaysan.org. « Nos formations sont souvent réalisées à l'initiative d'un ou plusieurs agriculteurs. Il faut ensuite se rapprocher d'une structure collective (Civam, GAB...). Ce n'est pas obligatoire, mais c'est plus simple », conseille Vincent Bratzlawsky, formateur. Ces formations peuvent être prises en charge par Vivéa, un fonds d'assurance formation pour les agriculteurs, le Fafsea ou Pôle Emploi pour les personnes éligibles.

VINCENT L'AMOULLER, CHÂTEAU FRÉDIGNAC, 20 HECTARES EN BIO À SAINT-MARTIN-LACAUSSADE, EN GIRONDE « Cette formation me permet d'acquérir les bases du bricolage »

« Cette formation est très avantageuse. Elle nous permet d'acquérir un semoir à 2 400 € (sans la trémie) alors que le prix d'un semoir direct neuf est d'environ 5 000 €. Pour l'achat du semoir, nous sommes trois domaines à participer. Nous souhaitons tous les trois semer des couverts d'hiver dans nos vignes sans travailler le sol. Pour suivre la formation, j'étais le seul à être disponible. C'est compliqué de se libérer du temps pendant la période de Noël. Néanmoins, j'ai pu m'arranger avec mon épouse qui travaille au domaine. Cette formation, c'est aussi l'occasion d'acquérir les bases du bricolage. C'est mon père qui s'occupe des réparations sur l'exploitation. Mais cela ne durera pas. Il est temps que je commence à m'y mettre. Quand on voit le prix que coûte la réparation d'un outil agricole, je serai forcément gagnant si j'arrive à régler moi-même quelques petites pannes. »

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